L'industrie microélectronique produit des puces électroniques et d'autres composantes entrant dans la fabrication d'ordinateurs, de cellulaires ou de voitures. (Photo: 123RF)
INNOVATION. Technum Québec, la zone d’innovation en technologies numériques du Québec, avait déjà de bonnes cartes dans son jeu, mais voilà que la pandémie vient de lui en offrir de meilleures.
Ayant Bromont comme cœur, cette zone compte sur la plus grande concentration d’emplois en microélectronique du Canada pour accroître le développement de cette industrie largement basée sur les semiconducteurs.
La crise sanitaire a mis en relief les risques de trop compter sur l’Asie pour produire des puces électroniques et d’autres composants électriques qui entrent dans la fabrication d’ordinateurs, de cellulaire, d’automobiles et d’une foule d’objets électroniques de notre quotidien. Par conséquent, de gigantesques investissements sont réalisés aux États-Unis pour rapatrier une grande partie de la fabrication. Cela devrait donner un énorme coup de pouce au Québec.
« On voudrait quadrupler les capacités de production de semiconducteurs d’ici dix ans en Amérique du Nord pour devenir autosuffisants, explique le PDG de Technum Québec, Normand Bourbonnais, en entrevue. En ce moment, la moitié des semiconducteurs vient d’ailleurs. »
Son optimisme est nourri par la construction annoncée de 23 usines de semiconducteurs et l’expansion de neuf autres au sud de la frontière, dont de nombreuses en Nouvelle-Angleterre, sous l’impulsion de la « CHIPS and Science Act », adoptée en 2022, par les élus américains.
Jusqu’à 10 milliards de dollars d’investissements
Normand Bourbonnais estime donc que le Québec devrait accueillir de 5 à 10 milliards de dollars en investissements d’ici dix ans dans l’industrie microélectronique. La province ne deviendra pas un grand fabricant de semiconducteurs, mais plusieurs acteurs qui développent des solutions connexes pour les faire fonctionner sont ici.
« On veut s’assurer de faire partie de la chaîne d’approvisionnement nord-américaine, note le patron de Technum Québec. Avec deux leaders de l’industrie, on possède une excellente base. »
Le dirigeant fait référence à l’usine d’IBM de Bromont, la plus grosse unité d’assemblage et d’essai de semiconducteurs de l’entreprise, ainsi qu’à Teledyne Dalsa, une des plus importantes installations au monde pour la conception de capteurs électroniques.
Un centre de recherche reconnu
La région compte sur le Centre de collaboration MiQro innovation (C2MI) pour se démarquer. « C’est le fleuron de notre zone, déclare Normand Bourbonnais. C’est le plus grand centre de recherche et de développement du Canada et probablement d’Amérique du Nord au chapitre des capteurs et de l’assemblage avancé de composants électroniques. »
Cet établissement de recherche qui existe depuis 2012 se spécialise dans l’arrimage entre les découvertes universitaires et la production manufacturière.
« On travaille avec des start-ups pour faire baisser leur coût d’entrée dans le marché et pour qu’elles testent leur produit en vue d’une commercialisation à plus grande échelle, affirme la PDG du C2MI, Marie-Josée Turgeon. Les grandes entreprises qui créent de nouvelles technologies viennent aussi les essayer chez nous. C’est très intéressant pour elles de ne pas avoir à arrêter des chaînes de production en faisant des tests dans un endroit neutre. »
Aeponyx est l’une des PME québécoises qui en profitent.
« C’est rare, des lieux comme le C2MI, mentionne Philippe Babin, cofondateur et président de cette start-up qui conçoit des circuits intégrés photoniques d’avant-garde. Le passage du laboratoire au concept industriel est beaucoup plus facile en raison de la qualité de leurs installations. De gros joueurs, comme IBM et Teledyne, ont beaucoup contribué à l’écosystème avec de l’équipement imposant. C’est grâce à eux s’il y a tant de savoir-faire ici. »
Prête à accueillir des entreprises
La start-up Digitho est l’une de ces jeunes pousses prometteuses qui travaillent aussi au C2MI.
« Notre technologie permet de mettre un numéro de série sur chaque microconducteur, déclare Cedric Canu, cofondateur et directeur financier et des affaires commerciales de Digitho. C’est unique au monde. »
Selon lui, la collaboration avec ce centre de recherche ainsi qu’avec l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT) de l’Université de Sherbrooke a été essentielle pour le lancement de son entreprise qui commercialise déjà ses solutions.
« On a un écosystème fabuleux sans lequel on n’aurait pas pu se développer, ajoute-t-il. C’est une force qui rend d’autres pays jaloux. »
Digitho continuera de travailler sur ses processus dans les prochaines années afin de mettre sur pied une usine d’assemblage dans la région de Bromont d’ici cinq ans.
« On veut rester proche du C2MI, qui est un bijou, poursuit Cédric Canu. On utilise ses ressources, mais notre marché c’est le monde : les États-Unis, l’Europe, la Chine et Taiwan. »
L’enthousiasme règne donc chez les acteurs de cette industrie qui prend de l’expansion avec la multiplication de l’électronique dans nos objets, comme dans les voitures électriques.
« Je suis très optimiste concernant le développement de la microélectronique et de la photonique au Québec, soutient Philippe Babin. On possède des infrastructures compétitives et des compétences. On a de nombreux projets sur la table, donc les planètes sont bien alignées. »
Le patron de Technum Québec, Normand Bourbonnais, promet d’ailleurs quelques investissements majeurs dans la région d’ici 24 mois. Il estime qu’avec environ 17 millions de pieds carrés disponibles dès maintenant pour accueillir des entreprises, Bromont ne manque pas de place pour recevoir cette manne.
Cet article a initialement été publié dans l'édition papier du journal Les Affaires du 13 décembre 2023.
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