(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Après neuf mois à n’entendre parler que de confinement, de distanciation sociale et de pandémie, il faut croire que nous étions dus pour une bonne vieille querelle linguistique! En effet, c’est grâce au cynisme et à l’ignorance d’une obscure députée libérale que le sujet a repris sa place en haut du palmarès des scandales politiques.
Un peu comme le jour de la marmotte, chaque parti politique à Ottawa semble ne jamais pouvoir se débarrasser de ses fantômes. Les Conservateurs et l’avortement, le Bloc et le référendum, les Libéraux et la langue française, entre autres.
Tristement, pendant qu’à Ottawa, on déchire sa chemise sur ce sujet hautement émotif pour certains, purement politique pour d’autres, la langue française continue, elle, à en payer les frais. Malmenée par un «rest of Canada» la voyant, malgré son statut de langue officielle, comme une menace et par trop de Québécois qui ne font pas suffisamment d’’efforts afin de bien la maîtriser. Il ne suffit que d’écouter certaines émissions ou de consulter les différents réseaux sociaux afin de s’apercevoir que cette langue, pourtant si complexe et riche, passe un mauvais quart d’heure.
Publiquement, bon nombre de politiciens se targuent de défendre cette langue. Cependant, dans les coulisses du pouvoir, les faits ne font bien souvent que les contredire. Combien de fois, au fil des années, avons-nous été témoins d’une nomination de ministre, haut fonctionnaire, juge, dirigeant de sociétés de la Couronne et autres ne parlant pas un seul mot de l’une des deux langues officielles du pays.
À mon humble avis, le principal problème n’est pas la langue, c’est plutôt une profonde ignorance de l’histoire de notre pays. La langue de Molière, tout comme celle de Shakespeare, de Coelho de Souza ou de Murakami ne devrait pas être considérée comme un argument, voire une arme politique, mais plutôt comme une richesse culturelle à partager, à savourer, à célébrer et à faire briller.
Comme à chacune des crises linguistiques que nous traversons, le seul constat qui s’impose est que, le, la ou les responsables de celle-ci ignorent totalement l’histoire du pays dont ils représentent les citoyens.
Dimanche, lors de son passage à Tout le monde en parle afin de présenter son dernier livre «Kukum», le chef d’antenne et auteur Michel Jean a tout résumé en une simple pensée. Le Canada a la fâcheuse habitude d’ignorer sa propre histoire, préférant balayer sous le tapis les moments moins glorieux de celle-ci tels les traitements infligés aux peuples autochtones.
Quant à la langue française, un simple petit cours d’histoire permettrait de comprendre qu’il est absolument impossible de la dissocier de l’histoire récente du Canada. Du premier voyage de Jacques Cartier en 1534 à la fondation de l’Acadie en 1604 en passant par l’adoption de la loi sur les langues officielles par le Parlement du Canada en 1969, ou la crise d’Octobre, le français et l’anglais sont inséparables «A mari usque ad mare».
Comment voulez-vous qu’une personne ou qu’un peuple sache où aller s’il ignore d’où il vient!
Aujourd’hui, l’image, ou plutôt la perception de celle-ci, a remplacé le temps où compétence, expérience et mérite faisaient en sorte que l’on ait l’honneur et le privilège de siéger au Parlement afin de fièrement représenter ses concitoyens. Mes mots sont sévères, mais comment voulez-vous que je ne le sois pas envers la députée Lambropoulos qui cumule les controverses depuis son arrivée à la Chambre des communes en 2017.
La dualité linguistique du Canada a toujours été source de tensions. Est-ce en raison de son statut minoritaire? Est-ce l’esprit latin derrière celle-ci qui dérange le conservatisme traditionnel anglo-saxon? Sommes-nous encore en train de payer le prix du Traité de Paris de 1763 qui vit la France céder la Nouvelle-France à l’Angleterre?
L’excuse rapide et facile est de trouver un grand méchant monstre, les Américains! Dire que c’est en raison de l’américanisation de notre société que la langue française souffre semble logique, mais je n’y crois pas entièrement. Cette même culture américaine inonde pourtant aussi l’Italie, le Japon, le Brésil ainsi que la majorité des pays du globe. Pourtant, toutes les langues ne sont pas menacées pour autant.
En voulant politiser notre langue, nous faisons en sorte de ne jamais régler ce problème. Diviser pour mieux régner. Quoi de mieux qu’une guéguerre politique émotive à Ottawa afin de ne rien régler?
Plutôt que voir le français comme un boulet, nous devrions célébrer le fait qu’il rend les Québécois uniques en Amérique du Nord. Plutôt que de le dénigrer, nous devrions tout faire afin de bien le maîtriser. Plutôt que de dire que c’est la faute aux Américains, faisons-en sorte de lire plus de livres d’auteurs d’ici, d’écouter plus de musique d’interprètes d’ici et allons voir plus souvent des films, des pièces de théâtre ou des spectacles de créateurs d’ici.
Inutile de vous dire que l’anglais est prépondérant dans le monde des affaires. En tant qu’entrepreneur qui vend ses produits en Asie, en Europe et en Amérique, j’ai dû m’adapter et adapter mon entreprise à la réalité de mon industrie et des marchés que je visais. Cependant, je me fais toujours un point d’honneur de saluer mon interlocuteur en français. Premièrement par respect et fierté pour mes origines et deuxièmement afin de me différencier, de détendre l’atmosphère et d’ouvrir la discussion. Faites-le test. Dites «bonjour!» lors de votre prochain ZOOM avec une personne d’un autre pays et vous verrez à quel point le simple fait de sortir du traditionnel «hello» ouvre une porte de curiosité.
Une langue, ce n’est pas simplement des mots ou des règles d’orthographe. C’est une manière de penser, c’est une culture, c’est une manière de vivre. Une langue c’est une fierté et nous devrions tous être fiers d’avoir autant la langue française qu’anglaise comme langues officielles de l’Île de Victoria à Saint-Jean de Terre-Neuve!