Le lendemain, lors de la rencontre finale de l'équipe, tous reviennent sur ce moment charnière où le Défi a pris tout son sens. «J'aimerais que chacun se rappelle comment on était au pied du mont Monroe et comment on se sentait après, a demandé Stéphan. Oui, j'étais fatigué, mais au fin fond de moi, une chose me disait qu'après tout ce qu'on a vécu, partir vers le bas ne se pouvait pas, on devait partir vers le haut.»
Gilles Barbot aussi a rempli sa mission. «Avec un programme comme ça, nous cherchons à transformer un stress en situation de joie et d'accomplissement. C'est ce qui donne la capacité à générer de la valeur.»
Au moment d'écrire ces lignes, plusieurs participants ressentent des courbatures. Mais le sentiment de fierté l'emporte. «Que ce soit dans les séries de push-ups, dans la [très pentue] côte McTavish ou au pied du mont Monroe, vous avez vécu l'importance de l'engagement, du courage, de la discipline, dit Samuel Ostiguy. Qu'est-ce que ça donnerait si vous réintégriez ça la prochaine fois qu'une difficulté énorme se présentera ? C'est maintenant que le défi commence...»
Temps total de marche : 15 heures
Distance : environ 20 km
Point culminant : 6 288 pi (1 917 m)
L'allégorie de la crevasse
Samuel Ostiguy est de tous les défis, et pas seulement ceux d'Esprit de corps. En février 2014, il était de cette poignée de fous qui se sont lancés dans le projet XPAntarctik, une aventure scientifique en autonomie complète au cours de laquelle ils ont gravi deux sommets encore inexplorés du continent antarctique. «La plupart du temps, un blizzard incroyable limitait la visibilité à quelques mètres», raconte le jeune homme de 29 ans, associé et coach d'Esprit de corps. L'expédition a duré 41 jours, mais elle aurait pu virer court. Au 5e jour, trois des aventuriers partent en reconnaissance dans le désert blanc. Samuel est 3e de cordée. François et Marina sont devant lui, mais il ne les voit pas, des intervalles de 17 mètres de corde les séparent. Soudain, la corde se tend. Une fraction de seconde plus tard, deuxième à-coup, la corde l'emporte. Il comprend que François est tombé dans une crevasse et que, s'il ne parvient pas à freiner leur chute, ce sera la fin. Il réussit à enrayer la glissade. Ce n'est pas la fin, du moins pas encore. Son harnais lui scie le corps. Il résiste de tous ses muscles. Il entend Marina crier qu'elle va lâcher. Or, comme 2e de cordée, elle aurait été la mieux placée pour poser un ancrage dans la glace pour sauver l'équipage. Samuel est un guerrier, mais l'espace d'un instant, il se sent battu. Pas assez fort pour ancrer l'équipe et remonter ses compagnons, se dit-il. Il admet qu'il y a pire façon de mourir pour un aventurier. Il veut capituler. Puis il pense à ses coéquipiers. Ceux-là comptent sur lui, y compris sa blonde qui l'attend au camp de base. Alors, il rassemble les forces qu'il ne pensait pas avoir, réussit à planter un ancrage et, au terme d'un effort gigantesque de plus d'une heure, il aide François à se hisser hors de la crevasse. Et le coach en leadership de conclure, à l'intention de tous les dirigeants : «Ceux qui sont en bas, au bout de la corde, il me semble qu'ils seront contents que le gars en haut donne tout ce qu'il a, même s'il pense qu'il n'a pas ce qu'il faut».