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Les investisseurs qui misent sur les dividendes pour s'assurer un revenu régulier ont vécu des années de vaches maigres, en raison de la dégringolade des producteurs de matières premières et de la léthargie des banques. Le moment pourrait toutefois être propice de bâtir un portefeuille composé de titres qui offrent un rendement de dividende élevé, car à long terme, cette stratégie surpasse la Bourse canadienne dans son ensemble.
On les appelle «chiens» ou dogs, dans le jargon financier. Ce sont ces entreprises dont le modèle est parvenu à maturité et dont les perspectives de croissance paraissent limitées. Elles versent une plus grande part de leurs liquidités excédentaires sous forme de dividendes que la moyenne. Elles sont principalement actives dans les secteurs des télécommunications, de la finance, de l'immobilier et des services aux collectivités.
Privilégier une stratégie qui repose sur les généreux verseurs de dividendes plutôt qu'une démarche axée sur les coqueluches de croissance est certes moins enivrant, mais non moins rentable à long terme. Sur une période de 30 ans, un portefeuille composé de titres à dividendes élevés (chaque action ayant un poids équivalent) a procuré un rendement annuel moyen de 10,49 %, soit 4,58 % de plus que l'indice S&P/TSX, selon une analyse réalisée par Jeff Evans, stratège quantitatif chez Marchés mondiaux CIBC.
L'analyste s'est penché sur la stratégie d'investir dans les titres à dividendes élevés, car les rendements offerts par les sociétés qui font partie du S&P/TSX ont récemment retouché leur niveau le plus élevé en plusieurs décennies, si on exclut le seuil extrême atteint durant la crise financière de 2008.
Fait intéressant, M. Evans a observé que les périodes où les rendements de dividende ont atteint des pics coïncident habituellement avec un point d'inflexion de la Bourse.
Avons-nous récemment atteint ce fameux creux à Toronto ? Impossible de l'affirmer hors de tout doute. Cela dit, les investisseurs assoiffés de rendement peuvent bénéficier du double avantage d'acheter des titres bon marché et d'obtenir des rendements de dividende plus élevés.
Les règles à respecter
Pour profiter au maximum de cette démarche, il faut suivre certaines règles.
L'une d'elles est de réinvestir la plus grande partie des dividendes reçus. Les titres à dividendes élevés procurent des gains en capital comparables aux autres entreprises du marché dans son ensemble. Leur rendement total supérieur tient donc aux dividendes croissants qu'ils versent et, surtout, au réinvestissement des sommes reçues au fil du temps, note M. Evans.
Bâtir un portefeuille très diversifié est une autre condition essentielle pour tirer le plein potentiel de cette stratégie. La volatilité du portefeuille étant inversement corrélée à sa taille, le nombre optimal de titres à détenir se situe entre 70 et 100, selon l'analyste. Cette recommandation, dois-je le souligner, va à l'encontre de ce que les meilleurs investisseurs privilégient, soit un portefeuille concentré dans une quinzaine de titres.
Un autre élément clé à considérer est la rotation des titres détenus. L'analyste note qu'il y a une forte tendance chez les adeptes des titres à dividendes élevés à ajuster le portefeuille mensuellement ou trimestriellement, à liquider les placements dont le rendement de dividende a décliné, puis à les remplacer par d'autres au rendement plus haut.
M. Evans a cependant constaté que les gains maximaux tirés d'une telle stratégie surviennent plusieurs années après l'achat. Autrement dit, un titre peut végéter pendant longtemps avant que la société n'ajuste ses activités et que les investisseurs ne réévaluent son potentiel. L'horizon de placement doit donc être de sept à dix ans.
Mesurer le risque relatif à la présence du secteur des ressources
Un autre facteur majeur à soupeser est la présence des titres du secteur des ressources. Les producteurs d'énergie et les producteurs miniers cadrent-ils bien avec une stratégie de dividendes élevés ? Un véritable carnage a eu lieu parmi ces sociétés au cours des deux dernières années, plusieurs d'entre elles ayant charcuté les montants qu'elles distribuent aux actionnaires pour survivre à la dégringolade du prix des matières premières.
Les titres de ressources composent environ le tiers des portefeuilles à rendement élevé, indique M. Evans. Historiquement, ils ont été de grands pourvoyeurs de dividendes. Difficile, donc, de les écarter complètement. Il est cependant crucial de payer un prix qui reflète le risque associé aux cours des matières premières et à la probabilité élevée d'une réduction du dividende.
Parlant de réduction des dividendes, il y a bon an mal an un cinquième des entreprises aux rendements élevés qui réduisent les montants qu'elles versent. Une grande diversification aide cependant à assurer un revenu stable et croissant dans la durée, soutient l'analyste.
Opter pour un fonds négocié en Bourse ou un fonds commun de placement
Comme il est compliqué de bâtir un portefeuille solide de 75 titres, il peut être plus approprié de choisir un fonds commun ou un fonds négocié en Bourse (FNB) qui suit cette stratégie plutôt que de le faire soi-même.
Dans le contexte actuel des taux d'intérêt faméliques et de la Bourse, les investisseurs en quête de revenu régulier ont la vie dure. Cela dit, une stratégie axée sur les titres à dividendes élevés ne convient pas à tous les investisseurs, surtout pas aux plus jeunes. Il faut garder en tête que ces titres comportent des risques qui leur sont propres. Par exemple, une hausse marquée des taux d'intérêt pourrait amputer le gain en capital.