Déjà des passe-droits?
Soudainement ravivée, la rumeur de «l’invasion de Bitmain» a rapidement circulé dans notre communauté blockchain et s’est intensifiée lorsque le Journal de Montréal a évoqué une «rencontre d’introduction» entre la direction chinoise et le PDG d’Hydro-Québec, mais également avec des représentants d’Investissement Québec.
Même si le quotidien ne pouvait pas caractériser la nature des discussions, les gens d'affaires déjà inquiétés par les signaux contradictoires du gouvernement Couillard craignent désormais les effets indésirables des réseaux d'influence et des nouvelles barrières d’entrée.
«On est outré que le Québec déroule le tapis rouge à un énorme monopole qui est en train de se faire mettre dehors de la Chine et qui va pouvoir étouffer ceux qui veulent innover au Québec comme il le fait déjà ailleurs dans le monde. La transparence, pourtant cruciale dans notre secteur, ne fait pas partie des méthodes de Bitmain», partage un intervenant du marché sous couvert d’anonymat, par peur de represailles commerciales de la part de l’omnipotent équipementier chinois. Avant d’ajouter que «les crypto-entrepreneurs québécois n’ont pas eu droit, eux, à leur rencontre avec le grand patron d’Hydro-Québec».
Doit-on blâmer nos concitoyens corporatifs qui ont foi en la blockchain de s’offusquer de la sorte, de déplorer le fait que nous ne soyons pas tous égaux devant l’appareil étatique? Ou au contraire ont-ils raison de soupçonner que nos dirigeants ne maîtrisent peut-être pas toutes les finesses de la crypto?
«Bitmain dispose d’une force de frappe industrielle démesurée qui n’est pas de bon augure pour l’innovation au Québec. Nos installations sont composées uniquement de leurs produits, nous sommes pour ainsi dire totalement dépendants. S’il venait à s’installer à Montréal et ses environs et à nous considérer comme des concurrents, il pourrait impunément retarder des livraisons, répondre aux commandes au compte-goutte, voire ne plus nous les vendre», se figure un autre observateur de la scène régionale crypto.
«Leurs pratiques commerciales ont tendance à être abusives, en gonflant les performances revendiquées par de nouvelles machines ou en organisant des pénuries», insiste-t-il.
Naturellement, le géant chinois pourrait sans grande difficulté suivre la recette pour maximiser les retombées économiques de ses mines cryptographiques au Québec. À savoir développer le volet équipement (fabrication, réparation, distribution), le volet recherche et développement ou encore l’implantation d’un centre de soutien informatique.
Manifestement soucieux d’honorer «les positions progressistes» que lui prête son nouveau directeur de campagne, le premier ministre avait exprimé une toute petite ouverture à l’industrie des jetons numériques.
Mais, quitte à ouvrir les portes de notre «paradis des serveurs» aux mineurs et les vannes des centrales hydroélectriques qu’il renferme, «que ce soit le plus possible des entreprises du Québec qui en bénéficient », avait pourtant déclaré Philippe Couillard devant les parlementaires.
On savait déjà que la cohabitation d’un monopole et du libre-marché ne posait pas de problème fondamental aux gouvernants actuels. Il suffit de penser à la Société des alcools du Québec (SAQ) ou à sa future filiale qui aura pour mandat de gérer les ventes de cannabis. Alors ce n’est pas un mineur de bitcoin monopolistique, de calibre international, qui devrait hanter un petit échantillon du milieu d’affaires québécois, si?