Les femmes ont plus de chances d'être embauchées et promues à des postes de direction si une autre femme a déjà tracé la voie. C'est ce qu'on appelle le cercle vertueux.
- Mais qu'en est-il des postes de direction nouvellement créés dans une entreprise en croissance, en restructuration ou en changement de stratégie ? Les femmes ont-elles une chance de les obtenir ? Selon une étude publiée récemment par des professeurs de la University of Arizona et de l'Université McGill, la réponse dépend du passé. Le nombre de postes de direction nouvellement créés dont le premier titulaire est une femme augmente en fonction du nombre de directrices déjà en place dans l'entreprise. Cette constatation vient corroborer l'idée selon laquelle la présence de femmes dans la filière a un effet boule de neige - du moins, tant que les nouveaux emplois créés pour les femmes ne risquent pas de conduire à l'échec.
Cette étude, publiée dans la revue Administrative Science Quarterly, porte sur les postes de direction dans les agences de publicité de New York ; elle a été menée sur une période de treize ans, dans les années 1980 et 1990. Si les chercheurs ont choisi des agences de publicité, c'est en raison de la disponibilité des données et des caractéristiques uniques de ce secteur. En effet, les échelons de carrière y sont relativement limités : l'avancement s'effectue non pas en gravissant un à un les échelons au sein d'une même société, mais en passant d'une petite entreprise peu connue à une firme plus grande ou plus prestigieuse. De ce fait, les agences de publicité créent de nombreux titres de poste pour fidéliser leurs gestionnaires de talent.
Joe Broschak, de la University of Arizona, et son coauteur Lisa Cohen ont constaté une corrélation positive entre la présence de femmes aux commandes et le nombre de postes de direction nouvellement créés et confiés à d'autres femmes. Fait intéressant, il n'en va pas de même quant au nombre de nouveaux emplois occupés par des hommes : les postes de direction nouvellement créés pour des hommes étaient les plus nombreux lorsque le pourcentage de femmes occupant des postes de commande à l'agence atteignait environ 25 % ; puis la tendance s'inversait à mesure que la proportion de femmes nommées aux postes de direction progressait.
Joe Broschak explique ainsi ce phénomène : le seuil des 25 % est le stade auquel les femmes qui occupent des postes de direction sont suffisamment nombreuses pour que les hommes se sentent menacés, mais pas assez pour influer sur le nombre de nouveaux emplois confiés à des femmes. À ce stade, « les entreprises créent de nouveaux titres de postes qu'elles attribuent aux hommes pour préserver leur statut, dit-il. Un changement démographique peut provoquer un conflit ».
À première vue, ces constatations sont encourageantes : plus il y a de femmes aux commandes, plus les postes de direction nouvellement créés sont confiés à d'autres femmes. Ces emplois peuvent être destinés à de nouveaux secteurs d'activité en pleine croissance ou donner à leurs titulaires l'occasion de faire leurs preuves. C'est peut-être aussi un signe que les femmes se sentent suffisamment sûres d'elles pour réclamer de nouveaux défis, de nouveaux rôles.
Il n'y a peut-être pas lieu de se réjouir. En effet, un phénomène bien connu, la « falaise de verre », montre que les femmes sont souvent nommées à des postes de direction lorsque tout joue contre elles à cause d'une situation de crise ou d'un risque accru d'échec. Un nouveau poste de direction apparaît souvent dans ce contexte, lorsque l'entreprise doit désigner quelqu'un pour réparer les dégâts ou pour se lancer dans une mission à haut risque.
Cela pourrait également signifier que de nouveaux rôles sont créés à titre de mesures provisoires pour les femmes. Joe Broschak et Lisa Cohen sont retournés interroger certains dirigeants des agences visées par l'étude. L'un d'eux a évoqué des cas où l'agence voulait promouvoir davantage de femmes à des postes de commande, mais ne pensait pas qu'elles étaient tout à fait prêtes à relever le défi.
« Cette promotion faisait office de tremplin, dit-il. On peut interpréter cela dans le bon sens ou dans le mauvais sens. »
Dans l'ensemble, les résultats sont plutôt encourageants. « Lorsque les femmes n'arrivent pas à progresser dans une entreprise et que les nouveaux postes ne leur sont pas confiés, elles stagnent, dit Joe Broschak. L'entreprise a intérêt à prendre quelques risques. »
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