Tout compétents qu'ils soient, peu de dirigeants d'entreprises délèguent des mandats, parce qu'ils sont incapables d'exprimer leurs attentes. C'est ce qu'affirment des experts que nous avons interrogés.
" Vous ne pouvez pas confier un mandat à un employé si vous êtes incapable de définir clairement les objectifs. Ce qui explique que nombre de dirigeants préfèrent faire le travail eux-mêmes ", avance Suzanne McNeil, une conseillère agréée en ressources humaines du Groupe McBert, à Lac-Beauport, dans la région de Québec.
" L'avenir économique est incertain; les dirigeants d'entreprise ne savent pas trop ce qui les attend. C'est pour cela qu'il est plus difficile que jamais de déléguer par les temps qui courent ", confirme René Raymond, directeur principal, responsable de la pratique de coaching, leadership et performance chez Raymond Chabot Grant Thornton.
D'abord savoir ce qu'on veut; cela peut sembler facile, pourtant nos experts ne mentionnent pas tous ce prérequis pour rien. De nombreux dirigeants d'entreprises n'ont qu'une vague idée de ce qu'ils veulent de leurs employés.
" Il y a une bonne réflexion à faire avant de déléguer une tâche. Bien des gestionnaires ne la font pas, faute de temps ou d'envie ", explique M. Raymond.
Tout faire pour aider sa carrière
Par ailleurs, des gestionnaires croient qu'ils aideront à la progression de leur carrière s'ils font tout eux-mêmes. Et pourtant !
" Si j'en suis là aujourd'hui, c'est parce que j'ai beaucoup délégué. J'ai côtoyé des collègues dont la carrière a stagné parce qu'ils s'obstinaient à tout faire eux-mêmes, raconte Sylvain Vincent, associé directeur, Est-du-Canada, du cabinet Ernst & Young. Il n'y a que 2 000 à 2 500 heures de travail dans une année; si vous en gaspillez des centaines à accomplir des tâches qui sont au-dessous de vos compétences, vous travaillez contre vous. "
Déléguer est aussi une question de rentabilité. Un dirigeant dont le salaire annuel est de 125 000 $ qui consacre 10 heures par semaine à des tâches qu'un employé junior qui gagne 40 000 $ par an pourrait accomplir, ne travaille pas dans l'intérêt de son entreprise.
Confier des mandats est essentiel pour former la relève; si l'organisation souhaite que ses jeunes éléments progressent, elle doit leur donner des responsabilités.
Déléguer rime avec efficacité. Un dirigeant doit avoir l'humilité de reconnaître que d'autres employés sont plus compétents que lui pour réaliser certaines tâches.
Si vous êtes convaincu que vous pouvez tout faire mieux que les autres, attention ! Cela signifie que vous êtes mal entouré.
Transmettre des mandats est une question d'honnêteté envers votre entreprise. En agissant ainsi, vous dégagez du temps pour faire ce pour quoi vous êtes payé.
Accorder le droit à l'erreur
Qu'importe qu'un jeune cadre passe 30 heures à remplir une tâche que son supérieur effectuerait en 20 heures. Qu'importe qu'il fasse plus d'erreurs que ce dernier. " Vous ne parviendrai jamais à bâtir une équipe si vous ne confiez pas de responsabilités aux plus jeunes et si vous ne leur accordez pas le droit à l'erreur, affirme Sylvain Vincent. Et si vous ne leur confiez rien d'intéressant à faire, ils iront chez votre concurrent. "
Cependant, déléguer ne veut pas dire jeter un employé à l'eau. Il faut d'abord s'assurer qu'il possède les compétences pour accomplir la tâche. Laisser un employé commettre des erreurs graves n'est pas une bonne idée. Il faut aussi lui préciser les outils et le soutien dont il disposera.
Quant au suivi ou à la supervision, cela dépend de l'expérience de l'employé et de la complexité du mandat. Exiger de l'employé qu'il ne fasse rien sans demander l'autorisation de son supérieur ne mène à rien. À l'opposé, un manque de supervision n'est pas à recommander.
En outre, Suzanne McNeil conseille de toujours présenter le mandat de façon positive. " Au lieu de lui demander de réduire les coûts de 10 %, il est préférable de lui dire que les dépenses doivent représenter X % des revenus. "