Les entreprises actives en aéronautique estiment que 8500 emplois ont été perdus en 2020 chez elles, mais que plus de 1500 postes demeuraient vacants au début de 2021. (Photo: 123RF)
SPÉCIAL GRANDES ENTREPRISES. Avant la pandémie, les entreprises actives en aérospatiale vivaient une lourde pénurie de main-d’œuvre. La crise sanitaire les place maintenant dans une situation inconfortable, entre mises à pied et recrutement en vue de la relance.
En 2019, Pratt & Whitney Canada (P&WC) comptait près de 600 postes à pourvoir. Cette année-là, l’entreprise a participé pour la première fois, à titre exploratoire, à la mission de recrutement Journées Québec, à Paris, en mai et en juin. « Plusieurs de nos travailleurs prenaient leur retraite et nous devions aussi répondre à une demande accrue sur le marché pour nos moteurs », explique la vice-présidente aux ressources humaines, Caroline Maso.
La pandémie a renversé cette dynamique. P&WC a mis à pied environ 600 employés entre le printemps et l’automne 2020. « La reprise et de nouveaux départs à la retraite nous ont toutefois permis de commencer à rappeler certains de ces travailleurs », précise Caroline Maso.
L’entreprise a aussi poursuivi ses associations avec les écoles spécialisées, comme l’École des métiers de l’aérospatiale de Montréal et l’École nationale d’aérotechnique, ainsi qu’avec les universités. « Nous investissons environ 12 millions de dollars par année dans des projets au sein de 20 universités, qui nous assurent d’embaucher entre 700 et 800 étudiants annuellement », révèle la vice-présidente. Elle dit avoir confiance en l’avenir de l’aérospatiale au Québec, d’où les efforts de P&WC pour maintenir le renouvellement de la main-d’œuvre.
Susciter des vocations
« La pandémie affecte toute la chaîne de l’aérospatiale, de la fabrication jusqu’au pilotage, mais la pénurie de main-d’œuvre va réapparaître rapidement après la crise », prévient Julie Landreville, coordonnatrice aux communications et aux stratégies du Comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale (CAMAQ).
Près de la moitié des 535 entreprises actives au Québec dans ce domaine ont participé au récent diagnostic sectoriel du CAMAQ. Elles avancent que 8500 emplois ont été perdus en 2020 chez elles, mais que plus de 1500 postes demeuraient vacants au début de 2021. Le recrutement des employés restait la question qui en inquiétait le plus grand nombre (19 %), alors que la rétention du personnel pointait en quatrième place (14 %).
Le CAMAQ a donc lancé une nouvelle édition de son programme Ton 1er emploi en aérospatiale. Celui-ci offre une subvention salariale qui couvre la moitié du taux horaire du jeune diplômé de 16 à 30 ans embauché, jusqu’à concurrence de 10 $ l’heure, pour une durée maximale de 26 semaines. L’objectif est bien sûr d’en garder plusieurs en emploi au terme du programme. Plus de 40 personnes y participent au moment d’écrire ses lignes, un nombre qui pourrait grimper jusqu’à 130.
Viser les femmes
« Même les grandes firmes ont laissé partir des ressources très qualifiées depuis le début de la crise, notamment des ingénieurs, dont elles auront pourtant besoin à la reprise », déplore Suzanne Benoît, PDG d’Aéro Montréal. Cet organisme a déployé Reclassement Aéro, un outil en ligne qui vise à replacer les employés disponibles dans d’autres entreprises afin de les garder dans l’industrie.
Aéro Montréal a aussi sensibilisé les entreprises au sujet des programmes gouvernementaux qui permettent de transformer la crise en occasion de formation des employés, comme le Programme actions concertées pour le maintien en emploi (PACME) du gouvernement du Québec.
L’organisme s’efforce également d’attirer plus de femmes dans l’industrie. Celles-ci sont traditionnellement sous-représentées dans le secteur de la fabrication, mais aussi du côté des pilotes. Or, le manque de pilotes pourrait redevenir un problème rapidement quand les avions reprendront les airs. Le diagnostic du CAMAQ montre que les pilotes figurent en tête des postes où la pénurie se fera la plus criante au cours des deux prochaines années.
« Tant les gouvernements que l’industrie et les institutions d’enseignement sont très mobilisés pour remédier aux enjeux de pénurie de main-d’œuvre », conclut Suzanne Benoît.
***
Quelques chiffres
La grappe aérospatiale montréalaise c’est :
- près de 60 000 travailleurs, dont 43 000 en fabrication
- une production exportée à 80 %
- un chiffre d’affaires annuel qui dépasse 15 milliards de dollars
- Plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’industrie aérospatiale canadienne se réalise au Québec, où se trouvent la moitié des emplois.
Source : Aéro Montréal