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Warren Buffett a beau avoir réitéré son optimisme légendaire à l'égard de l'économie américaine et affirmé ne pas voir de bulle en Bourse, il ne croit pas pour autant que les marchés sont à l'abri d'une chute prononcée. Au contraire, l'investisseur le plus suivi de la planète a rappelé dans sa lettre annuelle aux actionnaires publiée récemment qu'une dégringolade de la Bourse peut survenir à tout moment.
Le présent marché haussier de la Bourse américaine célèbre son huitième anniversaire. Le 9 mars 2009, dans l'oeil de la tempête économique, l'indice S&P 500 s'affaissait à 666 points en cours de séance. Le jour même, le Wall Street Journal titrait en manchette, après un quatrième recul hebdomadaire consécutif de la Bourse : «Jusqu'où les actions peuvent-elles baisser ?» Le S&P 500 a depuis bondi de 317% en incluant les dividendes, selon Howard Silverblatt, analyste chez S&P Dow Jones.
Cette période de rendements exceptionnels n'a pas été sans remous. Il y a eu ce que François Rochon, président de Giverny Capital, appelle «le marché baissier fantôme».
Selon la définition technique, un marché baissier est caractérisé par une chute d'au moins 20% d'un indice. Or, en 2011, l'indice phare de la Bourse américaine, le S&P 500, a fléchi de 20% tandis que les négociations entre la Maison-Blanche et les élus du Congrès à propos du relèvement du plafond de la dette du pays achoppaient. Les investisseurs ont oublié cet épisode parce que les Bourses ont vite regagné le terrain perdu une fois la crise réglée.
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L'ascension rapide des marchés depuis l'élection de Donald Trump amène de nombreux observateurs à scander que le prochain cataclysme boursier est imminent. Certains indicateurs abondent aussi dans ce sens, comme le ratio d'évaluation CAPE. Selon cette méthode d'évaluation mise au point par le professeur Robert Shiller, le prix des actions n'a jamais été aussi élevé dans l'histoire, sauf en 1929, en 1999 et en 2007... tout juste avant qu'un krach ne survienne.
Il y a d'autres signes que l'on peut qualifier d'inquiétants. Le magazine Fortune voit des parallèles troublants entre l'entrée en Bourse euphorique de Snap(SNAP, 20,32$US) et la bulle techno de la fin des années 1990. Le réseau social apprécié pour ses vidéos éphémères affiche la valorisation la plus élevée de l'histoire pour un premier appel public à l'épargne d'une entreprise techno. C'est sans compter la valeur supérieure à 1 milliard de dollars accordée à 200 jeunes pousses de la Silicon Valley, dont plusieurs ont un modèle d'affaires jugé bancal.
Je pourrais en ajouter une couche en vous parlant de mes récentes conversations avec des financiers. Un gestionnaire talentueux avec qui je collabore depuis longtemps m'a intrigué en me confiant qu'il avait commencé à utiliser d'autres paramètres d'évaluation que le ratio cours-bénéfice pour dénicher des occasions, notamment l'analyse technique. Et que dire de ces clients dévorés par le démon de l'avidité, qui reprochent à leurs conseillers de ne pas leur avoir fait faire assez d'argent depuis l'élection de Trump même si leur portefeuille a grimpé de plus de 15 % en trois mois!
À faire et à éviter
Loin de moi l'idée de prétendre que le prochain marché baissier nous pend au bout du nez. Je n'en ai pas la moindre idée. Il est impossible de tenter de prévoir la direction de la Bourse.
Comme le rappelle M. Buffett dans sa lettre annuelle, il faut s'attendre à ce que «les marchés connaissent dans l'avenir des épisodes de baisse marquée - voire des mouvements de panique - qui affecteront pratiquement tous les titres».
Pour le patron de Berkshire Hathaway(BRK.B, 174,96$US), il y a deux éléments cruciaux à retenir lorsque ces périodes de grande frayeur se produisent. Quand elle est grandement répandue, la peur est votre amie: elle permet à l'investisseur apte à évaluer les événements de façon rationnelle de trouver des occasions.
Deuxième facteur clé à garder en tête : vos craintes personnelles sont votre pire ennemi. «Les investisseurs capables d'éviter des coûts élevés et futiles [en vendant leurs actions au pire moment] et qui s'appuient sur une belle brochette de grandes entreprises solides sont presque assurés de connaître une bonne performance à long terme», écrit le sage d'Omaha.
Conserver 15% ou 20% de son portefeuille en encaisse afin d'éviter un choc éventuel n'est en revanche pas une bonne stratégie. «Vous commettez une terrible erreur si vous restez à l'écart du jeu en pensant que vous pourrez faire vos emplettes à un moment plus propice», a ajouté M. Buffett en entrevue à CNBC. La clé est de répartir le risque non seulement dans un certain nombre de titres de qualité, mais aussi dans le temps. Achetez ce mois-ci, le mois suivant, l'an prochain et l'autre d'après, dit M. Buffett.
Une des meilleures polices d'assurance contre un marché baissier est de réaliser une sérieuse mise au point de votre portefeuille. Comme la majorité des titres ont monté ces dernières années, vous avez peut-être surfé sur la vague en dérogeant de votre stratégie d'ordinaire prudente. Débarrassez-vous des titres spéculatifs ou des sociétés dont la situation financière n'est pas immaculée. Ce seront les premières victimes lorsque le vent tournera.
Revoyez aussi vos titres un à un et remettez en question chaque participation dont l'évaluation apparaît exagérée. Comme celle de Shopify(SHOP, 80,71 $). Je sais, je prends souvent la coqueluche techno comme cible, mais son ascension (+146% depuis un an) et sa valorisation me mystifient.
Le meilleur antidote à un marché baissier reste la préparation psychologique. L'absence record de soubresauts de 1 % et plus du S&P 500 –la dernière variation remonte au 7 décembre– rend les investisseurs plus vulnérables. Comme l'écrit Nassim Nicholas Taleb dans le livre Antifragile, on s'affaiblit lorsqu'on est privé de volatilité ou d'événements stressants. Permettez-moi donc de vous laisser sur la question qui tue: êtes-vous oui ou non capable de subir un recul de 20 % ou plus de votre portefeuille?