(Photo: 123rf.com)
Voici le premier blogue d’une série de trois sur le sujet. Un portefeuille dont le rendement global semble «raisonnable» s’avère-t-il nécessairement moins risqué qu’un autre portefeuille affichant des rendements que l’on considère trop beaux pour être vrais? On dit souvent que la modération a bien meilleur goût. En abaissant ses attentes, on userait de prudence et on s’éviterait bien des déceptions. Or, est-ce vraiment le cas?
Voyons quelques scénarios. Omettons ici la période de temps impliquée, puisqu’elle ne s’avère pas pertinente pour illustrer nos exemples.
Un portefeuille pourrait être composé de plusieurs compagnies fortement endettées qui profitent d’un revirement. Dans ce genre de cas, il suffit parfois d’une simple amélioration pour que leur titre soit propulsé en Bourse, grâce entre autres à l’effet levier de la dette qui change l’évaluation significativement. Par exemple, prenons un portefeuille très simple (le résultat serait similaire avec plusieurs titres), composé de deux titres à parts égales: le premier constitue une entreprise qui évite la faillite grâce à un financement obtenu de justesse, faisant exploser la valeur. Le deuxième correspond à une société qui fait effectivement faillite. La performance de ces deux titres se lit ainsi: 110% et -100%. Le portefeuille au total affiche une performance de 5%. Il s’agit du portefeuille «A», que nous comparerons avec les trois suivants.
Le portefeuille B quant à lui comprend les deux mêmes titres, mais la société sous-jacente au deuxième titre évite également la faillite. Les deux titres s’envolent et procurent une performance globale de 110%.
Le portefeuille C comporte plutôt deux excellentes entreprises acquises à des prix d’aubaines. Malheureusement, les deux titres ont continué d’être boudés par le marché pendant un certain temps, ne matérialisant qu’un faible rendement de 5%.
Quant au portefeuille D, il possède les deux mêmes titres que dans le C, mais ils ont été acquis juste avant que leur valeur en Bourse ne soit enfin reconnue. Le rendement global aboutit au même résultat que le portefeuille B, soit 110%.
Un investisseur ne possédant aucune autre information que les rendements dans ces quatre situations en viendrait peut-être à la conclusion suivante: les portefeuilles B et D affichent un profil de risque élevé, alors que A et C sont conservateurs. Absurde? Tout à fait!
Regardons maintenant du côté des indices boursiers. Prenons le populaire indice américain S&P 500. En y investissant, vous bénéficiez instantanément d’une diversification plus que suffisante. Or, dans ces 500 compagnies, vous retrouverez certaines sociétés fortement endettées, et d’autres dont le titre se négocie à des niveaux stratosphériques. Retranchez de cet indice les 250 titres les plus indésirables. Vous aboutirez à un portefeuille moins risqué. Poursuivons l’exercice jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une quinzaine de titres. Chacun d’eux se distinguent par leur modeste évaluation en Bourse, ainsi que par le faible risque de leur société sous-jacente. À moins d’erreurs importantes de la part de ceux qui procèdent à la sélection, nous devrions obtenir un portefeuille peu risqué.
Ce faible risque devrait être accompagné d’un rendement plus intéressant à long terme, si les titres sont remplacés au fur et à mesure que leur évaluation devient moins attrayante. Warren Buffett a mentionné à plusieurs reprises qu’un investisseur doit éviter de perdre de l’argent, et qu’il doit s’attarder à ne jamais oublier ce principe. Il n’a jamais ajouté qu’il fallait se contenter de peu de rendements afin de pouvoir respecter ce fameux principe! Autrement, aussi bien conserver le portefeuille en entier en encaisse indéfiniment.
Ce premier blogue sert à simplement démontrer que le résultat global d’un portefeuille ne constitue pas une indication fiable du risque. En fait, le chiffre obtenu à la fin est dû au hasard, puisqu’on peut difficilement prévoir le comportement des marchés et des titres sur une période plus ou moins courte. Aussi, à long terme, certains portefeuilles peuvent bénéficier grandement du facteur chance, assez longtemps pour créer une fausse impression de sécurité aux yeux d’un investisseur peu avisé. C’est pourquoi on doit nécessairement s’attarder à la façon dont les rendements ont été générés pour mieux apprécier le niveau de risque encouru.
Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com