Nul doute, ce conflit aura inévitablement nui à sa réputation : un actif intangible précieux pour un musée. (Photo: 123RF)
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BLOGUE INVITÉ. Le congédiement de Nathalie en tant que directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a été une décision fort médiatisée qui continue de susciter des réactions polarisées. La situation a été jugée suffisamment grave par le ministère de la Culture et des Communications, qu’il a mandaté un expert indépendant pour faire la lumière sur les pratiques de gouvernance dans un rapport déposé la semaine dernière.
Cette histoire aux multiples rebondissements recèle d’enseignements en gouvernance. Nous mettons certaines pratiques de gouvernance en relief.
En tout temps, l’intérêt supérieur de l’organisation doit servir de phare pour éclairer les décisions du CA. Comme spectateur, la question qui se pose dans les circonstances est la suivante : est-ce que le meilleur intérêt du MBAM a guidé les décisions et actions du CA?
Le CA évite de s’immiscer dans la gestion de l’organisation, c’est la prérogative de la direction générale. La direction générale gère les opérations et rend compte de sa gestion au CA. Ces concepts pourtant simples sont souvent des sources de conflit. De là l’importance, comme le recommande le rapport, de clarifier les rôles et les responsabilités du CA, de la direction générale, des administrateurs et des comités.
Toutefois, selon les règles de gouvernance du MBAM, comment le CA peut préciser ses attentes pour l’embauche d’un poste aussi névralgique dans un musée que celui de la direction de la conservation? Est-ce que le CA peut recruter un candidat à une telle fonction sans l’aval de la direction générale? Cette façon de faire va à contresens. Comme le souligne le rapport, les règles encadrant la gouvernance du MBAM sont nébuleuses sur ce point et nécessitent des ajustements.
La directrice générale du MBAM relève du CA. Cette dernière instance s’exprime par la voix de son président qui en est son porte-parole. Cependant, le président du CA n’est pas le porte-parole du MBAM. Le directeur général d’une organisation et le président du CA doivent travailler de manière constructive dans un climat de confiance et de collaboration. Un climat de confiance qui permet des échanges francs, transparents et honnêtes sur la contribution du CA et du directeur général.
C’est au CA de fixer les attentes et les objectifs et de procéder à l’évaluation de la directrice générale. L’évaluation de la performance est multidimensionnelle. Le plan stratégique sert de guide à l’établissement des cibles de performance. Or, selon les informations recueillies, le MBAM n’a pas de plan stratégique. Outre les succès accumulés en lien avec la performance générale de l’institution, l’évaluation doit aussi tenir compte de son leadership et de la gestion des ressources.
La gestion des ressources inclut nécessairement les ressources humaines. Le CA doit veiller à ce que le MBAM offre un milieu de travail sain et sécuritaire aux employés. Il doit s’assurer que les valeurs de l’organisation soient incarnées par ses dirigeants. Les dirigeants en sont les premiers ambassadeurs auprès des employés. Devant un climat de travail toxique qui contamine l’environnement de travail, le CA a la responsabilité de protéger les employés. Il peut alors mandater une firme externe indépendante pour réaliser une enquête sur la situation le climat malsain.
Si la directrice générale ne remplit pas les attentes qui lui sont fixées, le CA a le pouvoir et la responsabilité de la démettre de ses fonctions. Dans un tel cas, cette décision doit être prise avec prudence et diligence en tenant compte du meilleur intérêt du MBAM en s’appuyant sur une évaluation rigoureuse et objective de la situation.
Le CA s’assure de l’alignement entre la culture organisationnelle et la stratégie de l’organisation. Au-delà de mots parfois vides de sens trônant sur des sites internet, la culture véhicule les valeurs réellement vécues au sein de l’organisation. Le CA veille à ce que les valeurs de l’organisation soient incarnées par ses cadres.
L’administrateur doit faire preuve de réserve dans l’expression de son opinion. En tout temps, il doit préserver la confidentialité au sujet de l’information dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Par ailleurs, l’administrateur doit s’abstenir de commenter publiquement les décisions prises par le CA, à moins d’y avoir été autorisés par ce dernier. Les sorties publiques d’administrateurs s’avèrent des contre-exemples des saines pratiques de gouvernance.
Cette situation met en exergue certains principes fondamentaux qui émergent du conflit du MBAM dont l’importance de définir des règles de gouvernance claires. En cas de crise, elles servent de rempart pour protéger l’organisation et assurer sa pérennité. Nul doute, ce conflit aura inévitablement nui à sa réputation : un actif intangible précieux pour un musée. Toutefois, cela aura sûrement été aussi une belle occasion d’identifier les pistes d’amélioration de la gouvernance et d’apporter les modifications appropriées selon les recommandations du rapport.
Ce texte est signé par Joanne Desjardins, associée au sein de la boutique de management, Brio.