Vendredi dernier a eu lieu un autre souper de famille arrosé pendant lequel j’ai eu une conversation sur la planification testamentaire; mais cette fois, c’était avec mon frère ainé. Le match des Canadiens de Montréal affrontant le Lightning de Tampa Bay ne m’a pas aidée à capter et garder l’attention de mon frère, mais j’ai réussi à le faire réagir en lui disant : « tu sais, grand frère, ton épouse n’héritera pas de ta succession dans son intégralité lorsque tu mourras »!
En effet, il murmura en réponse : « Quoi? Impossible!!… ALLEZ, TIR!! Dans le but….! Hein, que disais-tu Carmela? Es-tu en train de me dire que mon mariage n’est pas suffisant pour que mon épouse hérite de la totalité de ma succession? »
Eh oui, mon grand frère pense, comme la majorité des clients avec lesquels je travaille, que le fait qu’il soit marié et qu’il ait des enfants fait en sorte que sa succession ira directement à son épouse. Il pense que l’acte de mariage protège le couple dans le règlement de la succession et qu’un testament n’est donc pas nécessaire.
Pour se mettre en situation : mon frère ainé est marié depuis 20 ans, et il a deux enfants d’âge mineur (c’est-à-dire de moins de 18 ans, au Québec).
Je commence donc à expliquer à mon frère qu’advenant son décès sans testament, son épouse hériterait d’un tiers de la succession alors que ses enfants hériteraient des deux tiers. C’est à ce moment qu’il me demanda presque de fermer la télévision pour ne plus être distrait par la partie de hockey!
Le code civil du Québec est clair quant aux règles et procédures lors d’un décès sans testament. Dans un cas comme celui de mon frère, les enfants bénéficient d’une part plus importante de la succession que l’épouse.
Le fait que les enfants soient mineurs complique aussi la situation. En effet, ils ne peuvent pas hériter en pleine propriété à cause de leur âge, leur part doit donc être mise dans une administration pour mineurs et être gérée par un conseil de famille, formé par des membres des familles de mon frère et de ma belle-sœur. Le conseil de famille a pour but de protéger les droits des mineurs.
Pour illustrer les implications, voici un exemple : suite au décès de mon frère, ma belle-sœur veut vendre la demeure familiale pour acheter une propriété plus petite afin de réduire ses dépenses. Elle devra donc faire une demande au tribunal afin d’obtenir une approbation pour la vente de la maison, étant donné qu’une partie appartient aux enfants et qu’ils ne sont pas en âge de signer ou de décider. C’est donc le conseil de famille qui représentera les droits des enfants et le tribunal décidera si la vente de la maison est faite dans les meilleurs intérêts des enfants.
Le fait que mon frère et ma belle-sœur soient mariés permettrait peut-être à ma belle-sœur d’hériter plus que du tiers lui revenant légalement sans testament, et ce, grâce au patrimoine familial qu’ils possèdent. Ma belle-sœur aurait en effet le droit de réclamer la moitié de la valeur de la maison, des REER, de la voiture, des meubles-meublants, du chalet et du fond de pension, ces actifs faisant partie du patrimoine familial. La valeur de cette réclamation serait ajoutée à la valeur lui revenant (le tiers), ma nièce et mon neveu héritant de la balance.
Il y a un fait intéressant à savoir: si ma nièce et mon neveu étaient majeurs, ils pourraient décider de renoncer à leur part de la succession en faveur de leur mère, et en conséquence, cette dernière hériterait de la totalité. Cette situation serait le scénario idéal pour mon frère, mais comme les enfants sont mineurs, il est impossible que cela survienne.
À la fin du souper de famille, mon frère ressentait l’urgence de faire faire un testament reflétant ses souhaits et protégeant sa famille. Il avait compris que c’était nécessaire pour éviter les situations complexes, les malentendus, et pour ne pas laisser sa famille dans une situation où ils n’auraient pas le contrôle quant à la maison, par exemple. De plus, mieux vaut éviter de mêler les belles-familles dans l’administration de l’héritage des enfants.