Source : Institut du Québec
Brexit, remise en cause de l'ALÉNA et popularité des partis d'extrême droite illustrent bien la montée en force du protectionnisme, qui s'accélère depuis quelques années. Si les causes expliquant l'émergence de ces mouvements sont nombreuses, un élément ressort : l'impression que la mondialisation a bénéficié uniquement à une poignée d'individus au détriment de la masse, que la libéralisation des échanges a enrichi 1 % de la population et appauvri le 99 % restant.
Aux États-Unis, l'accroissement des inégalités de revenu et la baisse de la mobilité sociale (la possibilité de réussir grâce à l'effort et au talent, indépendamment du milieu socioéconomique, autrement dit, du revenu de ses parents) ont contribué à la désillusion des citoyens. Qu'en est-il de la situation des inégalités de revenu et de l'égalité des chances (mesurée par le pourcentage du revenu des enfants attribuable au revenu de leurs parents) au Canada et au Québec ?
Le Canada à l'échelle des pays de l'OCDE
Au chapitre des inégalités de revenu, mesurées par le coefficient de Gini, le Canada se situe en milieu de peloton. Il trône cependant au sommet des pays offrant la plus grande mobilité sociale à leurs citoyens, tout juste derrière le Danemark et la Norvège et devant la Finlande. À l'autre extrémité, les populations du Royaume-Uni, de l'Italie, des États-Unis et de la Suisse sont les moins mobiles.
Le Québec à l'échelle canadienne
À l'échelle canadienne, le Québec est l'une des provinces où les inégalités de revenu sont les plus faibles, compte tenu des impôts et des transferts gouvernementaux. Toutefois, c'est ici que les inégalités de revenu avant l'intervention de l'État (donc, avant impôts et transferts) sont les plus élevées. De plus, malgré cette importante activité de redistribution et un filet social plus développé, la mobilité sociale au Québec est légèrement inférieure à celle qu'on observe dans les autres provinces (6e sur 10). Il serait opportun de voir comment l'intervention de l'État pourrait être ajustée afin d'accroître la mobilité sociale et de diminuer les inégalités de revenu avant redistribution. Cela permettrait de réduire la dépendance aux transferts gouvernementaux des citoyens dont les revenus sont les plus faibles et leur offrirait d'emblée de meilleures occasions de réussite.
Ne rien tenir pour acquis
Les Canadiens et les Québécois sont dans une position enviable par rapport aux citoyens de la plupart des pays de l'OCDE (particulièrement ceux des États-Unis) : ils vivent dans une société où les inégalités de revenu sont inférieures à la moyenne et où les enfants issus des milieux socioéconomiques défavorisés ont plus de chances d'améliorer leur situation.
Il ne faut toutefois pas tenir cette situation relativement avantageuse pour acquise. Les indicateurs de l'inégalité du revenu et de la mobilité sociale devraient être publiés régulièrement et influencer les politiques publiques. Si on ne porte pas une attention particulière à ces phénomènes, tout peut basculer et le sentiment d'injustice sociale peut rapidement émerger, comme on l'a vu juste au sud de la frontière.
EXPERTE INVITÉE
Mia Homsy est directrice générale de l'Institut du Québec (IdQ) depuis sa fondation en février 2014.