«Certaines entrepreneures sont réticentes à ce genre d'initiatives et ne voudraient pas être choisies comme fournisseur uniquement parce qu'elles sont des femmes, dit Ruth Vachon. Mais ce n'est pas du favoritisme ! Les femmes ont moins accès à certains marchés ; on veut leur ouvrir des portes.»
«Nous sommes en 2015, et 1 % des achats sont faits auprès d'entreprises à propriété féminine, ajoute-t-elle. Quand j'entends parler de réticences sur la "discrimination positive", j'ai envie de répondre qu'on en reparlera quand les entreprises détenues par des femmes représenteront 45 % des achats des chaînes d'approvisionnement.»
À compétences équivalentes entre un homme et une femme, de telles mesures ne font qu'encourager à choisir une entreprise à propriété féminine, affirme André Tchokogué, professeur agrégé au Département de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal. «On n'exclut pas les hommes de la chaîne d'approvisionnement, on met l'accent sur les femmes. C'est un positionnement de dire qu'on a un intérêt particulier pour l'émancipation des femmes entrepreneures.»
Des bénéfices pour les grandes entreprises
Mais quels sont les avantages de ce genre de positionnement ? En présentation devant des entreprises susceptibles de diversifier leur approvisionnement, Ruth Vachon cite par exemple la baisse des coûts d'achats en raison de l'augmentation de la concurrence ou encore le reflet de la diversité des clients et des employés de l'entreprise même.
En apposant l'année dernière son logo Women Owned sur certains de ses produits, Walmart faisait le pari que des consommatrices seraient plus enclines à choisir un produit provenant d'une entreprise détenue par une femme.
L'amélioration de l'image de marque d'une chaîne n'est effectivement pas à négliger. «Du point de vue de l'image sociétale de l'entreprise, c'est très vendeur, croit le professeur Tchokogué. C'est une marque de commerce pour l'entreprise, d'une certaine façon.»
Bien qu'il n'existe aucune mesure au pays pour favoriser l'achat auprès des entreprises à propriété féminine, le gouvernement a mis en place la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, un groupe qui a aussi du mal à rejoindre les grandes chaînes. Les ministères et organismes fédéraux sont encouragés à participer à cette initiative.
Comme dans le cas du soutien à l'entrepreneuriat féminin, ce genre d'initiative peut avoir des effets plus larges que pour son public cible, croit André Tchokogué : «Les retombées sont intéressantes pour les autochtones ; mais si cela permet à leurs communautés de se développer, on a alors des retombées pour la société en général.»
L'accès à des chaînes spécialisées
Les femmes sont également ciblées dans certaines chaînes spécialisées, comme les chaînes d'approvisionnement éthiques, de plus en plus importantes, estime André Tchokogué. «Pour une marge bénéficiaire moindre, on choisit de miser sur du développement durable, local, et on souhaite que les partenaires de la chaîne soient bien rémunérés.»
L'organisme FEM International, établi à Montréal, a pour objectif l'accès des femmes entrepreneures à ces réseaux d'approvisionnement éthiques, principalement dans le textile.
Pour sa directrice Lis Suarez Visbal-Ensink, les milieux d'affaires éthiques offrent des occasions intéressantes pour les femmes. D'un point de vue opérationnel, on y trouve souvent une plus grande flexibilité, notamment en ce qui a trait à la conciliation travail-famille.
Et puisque le marché éthique est en expansion, Mme Suarez Visbal-Ensink y voit un avantage pour les femmes qui veulent s'y positionner. «Cette préoccupation éthique est de plus en plus forte dans les grandes entreprises, et les femmes peuvent en profiter pour pénétrer de nouveaux marchés.