Il poursuit : «Si l'entrepreneuriat social évolue en parallèle à l'entrepreneuriat traditionnel, qu'il n'y a pas de vases communicants, il atteindra un plateau.»
L'Esplanade veut s'ouvrir sur le monde, «pour positionner Montréal et le Québec comme un lieu d'innovation sociale», explique Pascal Grenier, président du CA. Elle fait partie de Virgin Unite, de la fondation Virgin, un réseau international consacré à l'entrepreneuriat social. L'Esplanade échange aussi avec les réseaux européens La Ruche et Impact Hub, qui couvre 63 lieux sur 5 continents. «Notre ouverture sur le monde reflète celle de nos entrepreneurs, explique Pascal Grenier. Ils se globalisent pour augmenter leur impact.» Il cite le cas de Lange Bleu. Fondée pour servir le marché montréalais des couches écologiques pour enfants, elle vise maintenant le Canada et ajoute le marché des aînés.
Quelques semaines après l'Esplanade, ce sera au tour du Salon 1861 d'ouvrir ses portes. Ce projet, lancé par Natalie Voland, de Quo Vadis, réunit l'Université McGill, l'École de technologie supérieure (ÉTS) et le Quartier de l'innovation. Le Salon 1861 occupe une ancienne église du quartier Petite-Bourgogne. «Je suis d'abord tombée amoureuse de l'édifice, confie l'entrepreneure. Puis, je lui ai trouvé une vocation : un lieu de ralliement pour la communauté d'entrepreneurs sociaux et les organismes communautaires.» Ce local de 32 000 pieds carrés accueillera un restaurant, une salle d'événement et 80 espaces de travail partagé.
Un autre lieu créé tout récemment se veut un «carrefour» de projets ayant un impact sur leur communauté. Il s'agit de la Gare, une initiative de Credo, la start-up fondée par LP Maurice, Marie-Eve Boisvert, Stéphanie Brisson et Christian Bélair. On y tiendra régulièrement des conférences et de la formation.
D'ailleurs, l'Esplanade, le Salon 1861 et la Gare comportent tous un volet animation. La communauté naissante des entrepreneurs sociaux, et ceux qui gravitent autour d'elle, a soif de connaissances. Elle veut parfaire les siennes, mais aussi celle des autres à son égard pour être mieux comprise et acceptée. «Il faudra, par exemple, former les professionnels en développement économique pour qu'ils puissent soutenir et financer les entrepreneurs sociaux aussi», commente Pascal Grenier, de l'Esplanade. «On ne réclame pas de règles différentes ni de subventions spéciales, ajoute Mohamed Hage, des Fermes Lufa. On veut simplement ne pas être pénalisés parce qu'on mise sur des modèles d'entreprise plus durables.»
Pour compléter l'écosystème, il reste l'école. Tant à HEC Montréal qu'à McGill, Concordia, et l'ESG UQAM, émergent des incubateurs d'entrepreneuriat social. Le projet Recode, une initiative pancanadienne de la Fondation McConnell lancée en 2014, accentue cet élan. Recode veut contribuer à développer les connaissances et la contribution des étudiants postsecondaires en innovation et en entrepreneuriat social. La première édition de Recode, tenue en 2014, a attribué cinq millions de dollars à 18 projets, dont 4 se situent au Québec (HEC Montréal, ÉTS, Cégep de Sherbrooke et Concordia). «McConnell collabore depuis longtemps avec le monde de l'éducation, explique Chad Lubelsky, directeur de programme à la Fondation McConnell. Notre contribution évolue. Avant, nous financions des édifices et nous décernions des bourses. Aujourd'hui, nous investissons dans le système d'éducation pour que les étudiants deviennent des moteurs de changement et d'impact pendant et après leurs études.»
Dans une génération, l'entrepreneuriat social québécois aura-t-il migré d'un modèle d'entreprise périphérique à un choix parmi d'autres ? Et comment influencera-t-il les modèles d'entreprise traditionnels fondés sur les rendements financiers ? Le but ultime de l'entrepreneuriat social est-il d'offrir une solution de rechange ou de «contaminer» la façon dont on fait des affaires ? Les réponses dépendront de la qualité des interactions entre l'écosystème de l'entrepreneuriat social et celui de l'entrepreneuriat traditionnel ainsi que de l'ouverture d'esprit des deux parties.