Remise en question des ententes de libre-échange, guerre commerciale, multiplication des barrières tarifaires, endettement des ménages canadiens... Personne ne sait ce qui déclenchera la prochaine récession et encore moins quand elle frappera. La longévité du cycle économique actuel fait dire à plusieurs analystes qu'elle pourrait nous surprendre plus tôt que tard. Si c'était le cas, le Québec serait-il en bonne posture pour y faire face ?
Un cadre financier solide et prudent
Le budget 2018-2019 du ministre Leitão propose un cadre financier prudent et un équilibre budgétaire qui semble pérenne. Ce budget présente toutefois un niveau des dépenses pour l'année en cours trop élevé et intenable à long terme. Au moins, ces dépenses sont en partie ponctuelles (beaucoup de paiements devancés). Elles sont financées avec l'argent qui provient principalement de trois facteurs : d'abord, l'économie a performé au-delà de son potentiel, à 3 %, soit environ le double du potentiel estimé ; ensuite, l'augmentation des transferts fédéraux a été supérieure aux prévisions ; finalement, le gouvernement a puisé dans la réserve de stabilisation. Pour les prochaines années, le cadre budgétaire prévoit une croissance des dépenses compatible avec la croissance des revenus, ce qui permettra de maintenir l'équilibre budgétaire.
Un endettement en baisse malgré une hausse des dépenses en infrastructures
Les plus récentes prévisions indiquent que la réduction du poids de la dette se poursuit et que le gouvernement est en voie d'atteindre ses objectifs qui consistent à limiter la dette brute à 45 % du PIB et la dette des déficits cumulés à 17 % du PIB d'ici 2025-2026. Cette baisse de l'endettement est possible malgré des investissements records de 100 milliards de dollars en infrastructure au cours des dix prochaines années, soit plus de deux fois les investissements annuels d'avant 2008.
La mise en oeuvre du plan de réduction de la dette donnera une importante marge de manoeuvre au Québec en cas de ralentissement économique, surtout en comparaison de plusieurs autres provinces canadiennes dont la situation budgétaire va en se détériorant.
Garder la réserve de stabilisation pour les mauvais jours
Conformément à la loi, les surplus des trois dernières années, de 5,4 G$, s'accumulent dans une réserve de stabilisation. Le gouvernement a choisi de retirer 3 G$ de cette réserve, laissant ainsi 2,4 G$ pour l'avenir. Avec une croissance record en 2017-2018, il aurait été préférable de ne pas toucher à la réserve afin de pouvoir maintenir le niveau des services lors d'un ralentissement de l'économie. Un coussin de 2,4 G$ est un pas dans la bonne direction, mais risque d'être insuffisant quand on sait que la dernière récession a entraîné des déficits de 15 G$.
À six mois de la prochaine élection au Québec, les mots « prudence », « réserves », « économies » font frémir les politiciens. Pourtant, avec une population qui vieillit, une dette et un fardeau fiscal qui demeurent parmi les plus élevés du Canada, et moins de leviers économiques à actionner en cas de besoin, nos moyens d'action seront limités lorsque surviendra la prochaine récession. Pour éviter de renouer avec l'austérité, il serait sage de prévoir le coup.
EXPERTE INVITÉE
Mia Homsy est directrice générale de l’Institut du Québec (IdQ) depuis sa fondation en février 2014.