Outre un niveau d’inaction de 52%, les deux tiers des entreprises manufacturières ne sont pas non plus engagées dans des mesures d’efficacité énergétique, selon le Baromètre de la transition des entreprises. (Photo: Marek Piwnicki pour Unsplash)
Malgré les feux de forêt, les inondations et les records de chaleur, une entreprise manufacturière sur deux au Québec (52%) n’a pas encore mis en œuvre une action climatique dans ses opérations, révèle le Baromètre de la transition des entreprises (secteur manufacturier) que publie ce lundi Québec net positif.
Réalisée avec l’appui d’Investissement Québec IQ), cette étude de 173 pages du laboratoire d'idées mesure le niveau d’engagement des entreprises manufacturières à l’égard de la lutte aux changements climatique et de la transition vers une économie faible en carbone.
Outre un niveau d’inaction de 52%, les deux tiers des entreprises manufacturières au Québec ne sont pas non plus engagés dans des mesures d’efficacité énergétique, révèle l'étude. La firme Léger a sondé 202 dirigeants d'entreprise entre le 14 septembre et le 5 octobre.
À la lumière de ces constats, force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire pour convaincre le secteur manufacturier d’accélérer le pas, alors que l’urgence climatique est pourtant de plus en plus criante.
Le 8 mai, le quotidien britannique The Guardian a publié une enquête révélant que des centaines d’éminents climatologues du monde s’attendent à ce que les températures mondiales augmentent d’au moins 2,5 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels au cours de ce siècle.
Le cas échéant, ce niveau dépasserait les objectifs convenus au niveau international et entraînerait des conséquences catastrophiques pour l’humanité et la planète, selon les 380 spécialistes interrogés par The Guardian (au total, 843 personnes ont été contactées).
L’expertise est la clé pour commencer à bouger
En entrevue à Les Affaires, Anne-Josée Laquerre, directrice générale et co-initiatrice de Québec Net Positif, souligne que l’expertise environnementale externe ou interne «est la clé» pour inciter les entreprises à amorcer leur transition énergétique.
«Si une entreprise n’en a pas, elle peut aller en chercher auprès des parties prenantes, comme Hydro-Québec», insiste-t-elle. Les parties prenantes incluent aussi des fournisseurs, des associations sectorielles, des clients, voire des compétiteurs.
Selon Québec net Positif, le passage à l’action climatique est intéressant pour les entreprises, car il les positionne pour saisir de nouvelles occasions d’affaires.
Elles peuvent par exemple renforcer leur image de marque et leur réputation, fidéliser leur clientèle, et se positionner comme des fournisseurs de choix.
Pour décarboner leur chaîne de valeur, les grands donneurs d’ordre (Original Equipment Manufacturer ou OEM, en anglais) cherchent de plus en plus des fournisseurs qui ont réduit ou qui sont en train de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES).
C’est sans parler des banques qui accordent désormais des prêts plus avantageux aux entreprises qui se décarbonent ou de l’Union européenne (UE) qui s'apprête à imposer des tarifs douaniers sur l’importation de produits à haute teneur en carbone.
Les entreprises québécoises qui n’auront mis en œuvre des actions climatiques seront désavantagées pour exporter vers l’UE.
Selon l’étude de Québec Net Positif, l’évolution rapide des normes, des lois et des règlements constitue à la fois le principal risque (46%) et la principale source de pression (36%) qui incite les entreprises à réduire leurs GES.
Anne-Josée Laquerre rappelle que les entreprises manufacturières peuvent commencer à réduire leurs rejets de GES sans avoir un diagnostic complet de leurs sources d’émissions.
«Souvent, les sources significatives se retrouvent dans la consommation d’énergie et le transport des entreprises», dit-elle, en précisant qu’il s’agit des «low-hanging fruits».
Comment se décarboner assez facilement
En entrevue à Les Affaires, Gladys Caron, première vice-présidente, stratégies et communications externes chez Investissement Québec, affirme que les constats de l’étude confirment l’importance de l’initiative Compétivert, lancée en 2021 par IQ pour aider les entreprises à devenir plus compétitives tout en réduisant leur empreinte carbone.
«On regarde tous les volets pour leur proposer de faire des actions payantes», dit-elle.
Par exemple, dans une organisation, les spécialistes d’IQ effectuent une analyse des processus manufacturiers qui émettent des GES, et ce, au niveau de six axes: l’énergie, l’eau, les matières premières, les produits et les emballages, les déchets, ainsi que le transport la manutention et l’entreposage.
Par la suite, IQ propose un plan d’action en productivité durable à l’aide d’une matrice de gains-faisabilité.
Le potentiel de réduction de GES le plus important s’obtient habituellement en diminuant la consommation d’hydrocarbures, en réduisant les pertes d’énergie et en optimisant le système de récupération d’énergie.
En 2021, en lançant Compétivert, IQ comptait financer des projets à hauteur de 375 millions de dollars (M$) en trois ans (2021-2024).
Or, les besoins dans l’industrie ont été beaucoup plus importants que prévu, forçant le bras financier du gouvernement à mettre plus d’argent sur la table, fait remarquer Gladys Caron.
À ce jour, IQ a financé des projets à hauteur 1,3 milliard de dollars, pour des investissements totalisant 4,8 G$ auprès de 333 sociétés.