Claude Beauchamp (3e à partir de la gauche) et Rémi Marcoux (3e à partir de la droite) au moment de l'introduction en Bourse de Transcontinental en 1985. (Photo: courtoisie)
Il m’est difficile de parler de Claude Beauchamp à la troisième personne. J’ai perdu un ami, un partenaire d’affaires et un conseiller depuis 40 ans. Chaque fois que cela nous arrive, nous déplorons de ne pas avoir eu le temps de lui dire à quel point il a été important dans notre vie. Alors, si vous le permettez, je vais m’adresser à lui.
Claude, tu m’as aidé à concrétiser un rêve, celui de soutenir le développement du Québec inc. au moyen d’un journal économique moderne, représentatif, et au contenu bien étoffé. En 1979, nous avions acquis à cette fin Les Affaires. Mais où trouver l’éditeur assez audacieux pour risquer l’aventure dans une publication alors sans envergure et sans notoriété, et au sein d’une toute jeune entreprise? Il y a eu beaucoup d’appelés mais aucun élu. Finalement ce sera toi qui étais déjà LE pionnier du journalisme économique au Québec. Tu avais mis sur pied une véritable section économique à La Presse, la première au Québec, et tu poursuivais ton œuvre au quotidien Le Soleil depuis quelques années comme rédacteur en chef et éditeur adjoint. Il fallait du courage et de la vision!
Dès notre première rencontre, j’ai découvert l’entrepreneur en toi. Je te propose de prendre en charge Les Affaires, tu me proposes d’acheter la publication! Mais la chimie opère. J’ai eu la sagesse de me rendre à tes autres demandes: l’autonomie en matière de contenu et une rémunération en actions jusqu’à concurrence de 49% conditionnelle à l’atteinte d’objectifs financiers. Ce que tu as fait année après année. Plus tard, quand j’ai racheté ton 49%, cela m’a coûté beaucoup d’argent! Mais tu l’avais bien mérité.
Entrepreneur, tu l’as été aussi en jetant les bases, comme président de secteur, de l’ensemble de nos activités d’édition, et ce, à partir de rien. À ton départ en 1990, les revenus dépassaient les 30 millions de dollars et le portefeuille de publications comptait une vingtaine de titres. Chemin faisant, tu avais fait du journal Les Affaires le premier hebdomadaire économique régional en Amérique du Nord avec plus de 90 000 exemplaires vendus chaque semaine. Grâce à ta crédibilité, à ton instinct sûr et à ton leadership.
Comme tout bon entrepreneur aussi, tu as su t’entourer de gens de qualité. Plusieurs noms d’artisans de la première heure me viennent à l’esprit: Rosaire Mailloux, qui a vite fait de mettre le journal sur le radar des annonceurs; Michel Lord qui, de journaliste, deviendra responsable de l’ensemble de nos publications économiques; Serge Therrien, que tu as d’abord mis en charge de l’hebdomadaire Finance que nous venions d’acquérir avant de le fusionner aux Affaires. Un nom ressort: celui de Jean-Paul Gagné, que tu es rapidement allé chercher au Soleil et qui dirigera et incarnera Les Affaires pendant plus de 30 ans avant d’en devenir éditeur émérite et collaborateur.
Au fil des ans, tu formeras aussi une pépinière de jeunes journalistes économiques qui à leur tour transmettront tes connaissances et tes valeurs à la génération suivante qui, comme mon fils Pierre, président de Groupe Contex, maintenant propriétaire du journal Les Affaires, qui poursuit ton œuvre à titre d’entrepreneur.
On retrouve encore aujourd’hui beaucoup de tes «élèves» dans les principaux médias écrits ou électroniques d’affaires au Québec. Et je peux te dire qu’à titre de lecteur toujours assidu des Affaires, je suis chanceux de pouvoir compter parmi ses journalistes ta fille Dominique, une pionnière qui y œuvre depuis 35 ans – et dont la plume est plus pertinente que jamais.
Claude, ton rôle dans le développement du Québec et ta contribution à la notoriété de Transcontinental sont incommensurables. Je t’en serai toujours reconnaissant. Je retiens aussi ta grande classe en tout qu’un public plus large a pu constater quand tu as animé Capital-Actions, la première émission économique quotidienne à la télévision québécoise. Ce projet, c’est toi qui l’avais conçu de A à Z et soumis à RDI.
Au nom de Carmelle et en mon nom, nous voulons offrir nos plus sincères condoléances à Céline, son épouse et collègue chez Transcontinental, ainsi qu’à ses trois enfants et cinq petits-enfants.
Repose en paix, mon ami.
Rémi Marcoux
Fondateur de Transcontinental