(Photo: 123RF)
Solution : Québec doit clarifier la notion de «force majeure» et l'appliquer à la crise de la COVID-19
À la fin de l'été, cinq hôtels de Québec - Delta, Pur, Clarion, Classique et Clarendon - ont avisé Jean Boulet, le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qu'ils s'apprêtaient à effectuer un licenciement collectif : un total de 393 travailleurs «temporairement» mis à pied au début de la pandémie sont appelés à perdre définitivement leur emploi. D'après la Confédération des syndicats nationaux (CSN), six autres hôtels de la région - notamment Hilton, Le Concorde, Le Manoir Richelieu - envisageraient de leur emboîter le pas, ce qui toucherait un total de 682 employés. Bref, plus d'un millier de travailleurs de l'industrie de l'hébergement de Québec sont en passe d'être collectivement licenciés, en raison du contrecoup de la pandémie du nouveau coronavirus.
Pourquoi les hôtels de Québec agissent-ils de la sorte, tous en même temps ? C'est que la loi impose aux employeurs qui ont mis à pied des employés de sortir le portefeuille au bout de six mois : «Une mise à pied d'une durée indéterminée ne requiert aucun préavis écrit et aucun paiement particulier, sauf si elle excède six mois, selon l'article 82 de la Loi sur les normes du travail (LNT), dit Jean-Noël Tremblay, avocat, du cabinet Simard Boivin Lemieux, à Alma. À l'expiration de ce délai, l'employeur doit verser au travailleur le montant équivalent au préavis qui n'a pas été payé, lequel varie d'une semaine à huit semaines de salaire, en fonction de la durée du service continu effectué par cet employé.»
Cela étant, un employeur a moyen de maintenir les mises à pied sans avoir à verser quoi que ce soit aux travailleurs concernés. «Ce délai de préavis ou ces indemnités ne s'appliquent pas lorsque la mise à pied résulte d'un cas de force majeure (art. 82.1.4 LNT), poursuit Jean-Noël Tremblay. Et il est certain que nombre d'employeurs vont invoquer ce motif si des indemnités leur sont demandées. Toutefois, aucun tribunal ne s'est encore prononcé sur la notion de force majeure à l'égard de la COVID-19, si bien que ce point n'est pas tranché ; mais bon, à titre d'exemple, on peut indiquer que la crise du virus H1N1, en 2009, tout comme celle du verglas, en 1998, a été considérée comme un cas de force majeure.»
Le hic ? C'est que la «mise sur pause» de l'économie décrétée par Québec peut être source de discussions interminables à ce sujet : le cas de force majeure est-il toujours valide à partir du moment où un secteur d'activité a été déconfiné ? «Pis, Québec n'a jamais qualifié ce que nous traversons de cas de force majeure, ce qui a le potentiel de complexifier ces discussions», souligne Me Tremblay.
Devant tant de flou, les employeurs en difficulté vont sûrement avoir le réflexe de simplifier la donne : licencier collectivement les travailleurs mis à pied, histoire de clore tout débat et d'écarter tout risque de payer de lourdes indemnités ; comme veulent le faire plusieurs hôtels de Québec. Ce qui peut bel et bien se traduire cet automne par une vague de licenciements collectifs, tous secteurs d'activité confondus...