«Industrie 5.0 apparaît donc plus comme un gadget marketing que comme un nouveau paradigme.» (Photo: 123RF)
Un texte de Bernard Boire, M.Sc.A., FIC, stratège numérique, directeur, Management stratégique et Industrie 4.0, Efficient Plant et chargé de cours à Polytechnique Montréal
COURRIER DES LECTEURS. Tout consultant, expert, gestionnaire, enseignant qui se veut à la fine pointe se sent obligé d’incorporer le thème «Industrie 5.0» à son vocabulaire. Mais qu’est-ce au juste que l’Industrie 5.0? C’est la réponse que donne, simplement et clairement, le contenu partenaire de PME MTL «Industrie 5.0 : l’union entre l’humain et les technologies», diffusé le 13 décembre dernier.
Après quelques années de circonlocutions vagues et indéfinies, un consensus s’est établi pour définir le 5.0 comme «une version améliorée de l’industrie 4.0 qui place cette fois davantage les employés et le développement durable au cœur de cette transformation numérique». Bien que finalement claire cette définition ne fait que renforcer le questionnement à savoir s’il est vraiment important de lancer une nouvelle «mode», un nouveau soi-disant paradigme.
Reprenons les deux éléments se voulant différentiateurs du 5.0:
1. Davantage de place aux employés
L’article définit le 4.0 comme l’intégration de technologies avancées de gestion (par exemple MES, IA, etc.) et de production (par exemple 3D, RA, etc.). Or, pour ceux qui connaissent bien et depuis longtemps le 4.0, cette vision technocentriste est très réductionniste. Par exemple, le modèle de maturité numérique d’Acatech (groupe de recherche allemand), qui remonte à une décennie, a toujours inclus quatre volets au 4.0: les ressources technologiques (celles dont on parle tout le temps), la gestion de l’information (par ex. cybersécurité), les compétences numériques du personnel et de l’entreprise et la culture de gestion (transparence, délégation, innovation, ouverture à l’interne comme à l’externe). Dans une enquête subséquente auprès de plus d’une centaine d’entreprises, l’organisme a observé que la grande majorité avait progressé dans le volet technologie (mais moins dans les autres) et que celles qui avaient le plus grand succès avaient progressé en parallèle et à peu près au même rythme dans les quatre volets. Intégrer les technologies et la gestion du changement est aussi le grand défi du 4.0, comme il l’était du 3.0 d’ailleurs. Il me semble donc peu convaincant de prétendre que c’est là l’un des deux «différentiateurs» du 5.0.
2. Intégrer le développement durable
Il apparait incontournable d’ajouter cette préoccupation de l’heure (sans contredit importante). Sauf que le texte précité (et j’ajouterais largement tout autre que j’ai lu) ne définit aucunement ce que le 5.0 vient spécifiquement ajouter de plus pour aider à relever ce défi, si ce n’est de prôner l’utilisation plus efficace des ressources… Ce qui en passant était aussi l’objectif du 1.0, 2.0 et 3.0. Encore une fois, on cherche la différence.
Au total, le 5.0, comme défini, est tellement peu différent que le texte conclut que celui-ci «ne doit pas inquiéter les entreprises qui n’ont pas encore amorcé le virage vers l’industrie 4.0. "Le 5.0 est une évolution naturelle du 4.0. Les entreprises n’auront simplement qu’à intégrer ces deux approches"». Industrie 5.0 apparaît donc plus comme un gadget marketing que comme un nouveau paradigme.