(Photo: 123RF)
Un texte de Guillaume Thérien, associé, Triptyq Capital
COURRIER DES LECTEURS. Les récentes nouvelles dans le monde des médias et du divertissement au Québec et au Canada ne sont guère encourageantes.
L'épisode le plus frappant est sans aucun doute les récentes coupes drastiques au sein du Groupe TVA et de Bell Média. Il est difficile de ne pas ressentir de l'empathie pour les travailleurs touchés par ces décisions et comprendre les défis auxquels font face Quebecor et Bell, deux acteurs cruciaux dans l'écosystème culturel.
Cependant, il est important de rappeler que ces événements ne font que s'inscrire dans un chapitre plus vaste qui met en lumière la fragilité des médias et la difficulté à faire découvrir les contenus locaux.
Devant ces défis, nous ne pouvons pas simplement baisser les bras et subir passivement les conséquences de la révolution numérique. Au contraire, nous devons prendre une part active et insuffler l'ingéniosité québécoise dans l'avenir des médias et du divertissement.
C'est au nom de la préservation et de la diffusion de notre culture que nous devons investir dans l'innovation technologique et le rayonnement international.
L'écosystème culturel d’ici doit désormais regarder au-delà de la simple production de contenu. Il est temps d'investir davantage dans le développement des technologies de demain et l’export de notre créativité. Pour survivre et prospérer, les moteurs des industries créatives de demain seront un mélange d'innovations technologiques et de création de contenu original destiné à un public mondial.
La transformation des entreprises de contenu en entreprises techno-créatives est la voie à suivre pour prendre notre place dans le monde moderne. Bien que cela puisse sembler exagéré, il suffit de jeter un coup d'œil aux acteurs clés sur le marché, tels que Disney, Meta, ByteDance, Netflix, Amazon, Google, Spotify, Microsoft, Apple, Epic Games, et Comcast. Toutes ces entreprises, plateformes de contenus, ont une base technologique solide et une portée internationale. En d'autres termes, contrôler les canaux de distribution et la relation avec l’audience est devenu essentiel afin d’influencer la création de contenu et développer une certaine autonomie culturelle.
À mesure que le paysage des médias et du divertissement se redessine à vitesse grand V, les leaders de l'industrie doivent s’éloigner des méthodes traditionnelles et adopter une approche agile alimentée par les nouvelles technologies. Le Québec ne peut pas se soustraire à cette évidence.
Les grands leaders mondiaux accélèrent déjà l’exploitation des technologies immersives, d’intelligence artificielle, en plus de s’investir dans l’économie des créateurs pour créer de nouvelles façons d'interagir avec le public. Un public qui cherche et consomme autrement. Selon une étude de la réputée firme Bain & Co., près de la moitié des personnes âgées de 13 à 34 ans préféreraient socialiser avec leurs pairs dans les jeux vidéo plutôt que sur d’autres plateformes, incluant les relations humaines! D'ici 2030, la firme McKinsey estime que plus de 50 % des événements collectifs pourraient avoir lieu dans les mondes virtuels (métavers). On peut avoir notre propre opinion à ce sujet, mais on ne peut fuir cette réalité.
À mesure que les frontières entre la technologie et le contenu deviennent de plus en plus fusionnelles, une chose est claire: le secteur tel qu’on le connait devra passer à l’ère des industries créatives 4.0.
Devant une perturbation inévitable de l'industrie, l’écosystème local doit réagir de manière proactive pour rester compétitif. Les industries créatives, qu'il s'agisse d'entreprises privées, d'entités publiques ou d'institutions culturelles, doivent adopter un plan d'action ambitieux axé sur l'innovation technologique et voir la planète comme terrain de jeu. À cet égard, nous pourrions nous inspirer de la stratégie sud-coréenne qui a conduit à l'oscarisation du film Parasite, à l'expansion rapide de son contenu, comme Squid Game, à la popularisation du esport, à la dominance dans le jeu vidéo, et à la montée en flèche de la musique K-Pop. Le succès international de la Corée du Sud est largement dû aux investissements croisés et aux synergies entre les créatifs et les experts en technologie du pays. Le monde gagnerait à savourer le génie et la créativité québécoise, les acteurs du secteur bénéficieraient à rayonner pleinement partout à travers la planète.
Le Québec et le Canada possèdent tous les éléments nécessaires pour prendre une place de choix sur l'échiquier moderne des industries créatives. L’avenue règlementaire et les aides d’urgence s’avèrent réparatrices, mais ne peuvent être les seules options. Nous devons miser sur notre audace, notre ingéniosité, notre ouverture sur le monde, et surtout, nous devons nous engager résolument à entreprendre différemment. On ne peut que subir les impacts des nouvelles technologies et de la mondialisation, il faut aussi en tirer profit et influencer positivement l’avenir des industries créatives avec nos valeurs québécoises. La meilleure défense est souvent l’attaque!