Dans notre classement, le gros de la croissance se fait au sommet de la pyramide. Ici, les bureaux de Deloitte à Montréal. [Photo : James Brittain]
Si le classement par tailles des cabinets comptables a peu changé au Québec depuis l’année dernière, le modèle d’affaires de ces entreprises continue, lui, d’évoluer à grande vitesse. Regard sur une industrie qui fait bien plus que de la vérification financière.
Cette année, Deloitte coiffe Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) en tête de classement, après avoir ajouté 309 nouveaux employés. « Tous les services entourant la transformation numérique, comme la cybersécurité, l’analyse de données ou l’infonuagique génèrent énormément de croissance et sont responsables d’une grande partie des nouvelles embauches », explique Marc Perron, associé directeur pour le Québec chez Deloitte.
Prenons le centre d’impartition, que Deloitte appelle Centre de développement canadien, dont la tâche est de soutenir l’ensemble des équipes au pays dans les services numériques comme l’infonuagique ou l’implantation de technologies web et mobiles. Le nombre d’employés y est passé de 50 l’an dernier à 120 cette année (+ 140 %) et devrait grimper à plus de 200 d’ici un an.
Les secteurs des fusions et acquisitions, du financement des entreprises et du développement des entreprises privées (PMW) ont aussi apporté de l’eau au moulin. Par ailleurs, Deloitte a effectué quelques acquisitions, notamment celle d’Intégration Nouveaux Médias inc., spécialisée dans les solutions numériques basées sur les produits Adobe. L’équipe d’une quinzaine de personnes se joint à Deloitte Digital.
Des services plus diversifiés
Il faut ensuite attendre au 12e rang du classement pour commencer à voir d’autres changements par rapport au classement de 2017. L’embauche de six personnes par le cabinet Blanchette Vachon de la région Chaudière-Appalaches permet à ce dernier de gagner deux places pour rejoindre Demers Beaulne au 12e rang. Crowe BGK grimpe, lui du 21e au 18e rang, la plus forte ascension, grâce à l’embauche de neuf personnes.
C’est toutefois du côté de Victoriaville qu’il faut se tourner pour trouver la plus forte augmentation en pourcentage de tout le classement. Chez Pellerin Potvin Gagnon, le nombre d’employés est passé de 70 à 80, en hausse de 14,28 %. Le cabinet vient d’acheter un nouvel édifice juste à côté de son bureau actuel. Il pourra donc agrandir son espace d’environ 50 %.
« Nous avons embauché des fiscalistes, des juricomptables, et deux membres du personnel terminent leur cours en évaluation d’entreprise, précise l’associé Charles Pellerin. La croissance provient en grande partie de la diversification de l’offre de services. Nous servons beaucoup d’entreprises familiales reprises par une nouvelle génération. Les dirigeants sont dynamiques et nous devons les accompagner avec des conseils en gestion dans leurs projets de croissance. »
Plus gros, mais plus agile
Reste que le gros de la croissance se fait au sommet de la pyramide. Les 25 plus grands cabinets comptables du Québec emploient cette année 12 037 personnes, en hausse de 989 personnes, comparativement à l’année dernière (+9 %). À lui seul, RCGT a embauché plus d’un cinquième de ces nouveaux employés. Ces 213 nouveaux travailleurs représentent une hausse de 9,15 % pour le cabinet. Deloitte (+ 309), KPMG (+ 106), PwC (+ 100) et EY (+ 92) complètent le top cinq. En pourcentage, parmi les dix plus grands cabinets, KPMG arrive en tête (+ 14,2 %), suivi de Deloitte (+ 13,39 %), Richter (+ 11,4 %), EY (+ 10,72 %) et Mallette (+10,18 %). Des croissances solides.
« Au cours des dernières années, nous avons modifié notre gouvernance pour être plus agiles, rappelle Emilio B. Imbriglio, président et chef de la direction de RCGT, dont la firme célèbre ses 70 ans. Nous avons diminué de moitié le nombre de membres du conseil des associés et du comité de gestion. Cela nous a permis de prendre des décisions beaucoup plus rapidement qu’avant et d’amener l’ensemble de l’entreprise à les endosser. »
Cette mesure a facilité la diversification de l’offre de service et de l’innovation, tant sur le plan de l’administration interne que de la livraison des services. Questionné à ce sujet, M. Imbriglio ne manque pas d’exemples. Il cite notamment l’intégration d’Auray Capital, spécialisé dans le programme d’immigrants investisseurs, la création, à Montréal, en 2017, de Catallaxy, un centre d’expertise blockchain, ou encore les services en infonuagique Operio et Impo. S’ajoutent à cela de nombreuses acquisitions telles Acolyte, une firme de vente d’entreprises, et Lemay Stratégies, spécialiste du service-conseil en développement régional, tourisme, arts, culture, sports et loisirs.
RCGT entend d’ailleurs continuer d’avoir une présence forte en région, comme le montrent les acquisitions récentes des cabinets Jacques Dubé CA inc., à Baie-Comeau, et de Richard Dubreuil CPA inc., dans la Côte-du-Sud, ou les nouveaux locaux modernes à Val-d’Or et à Chicoutimi. « Un avantage concurrentiel, c’est quelque chose qui différencie votre entreprise et coûterait trop cher à vos concurrents à reproduire, explique M. Imbriglio. C’est exactement ce que nous avons avec nos 109 places d’affaires partout au Québec. À part Deloitte, les autres cabinets ont rarement plus de cinq bureaux au Québec. C’est un grand avantage pour nous. »
Riche de ses talents
Du côté de Richter, qui a connu la quatrième plus forte augmentation de sa main-d’œuvre en pourcentage depuis l’an dernier et la troisième parmi les grands cabinets, la croissance est surtout organique. « Nous misons sur notre personnel et sur le développement des talents à l’interne, explique l’associée Stéphanie Lincourt. D’ailleurs, neuf de nos nouveaux associés depuis deux ans ont été formés chez nous. »
Bien sûr, l’audit et la fiscalité demeurent générateurs de croissance chez Richter. Les évolutions technologiques créent toutefois aussi de nouveaux besoins chez les clients, notamment en matière de cybersécurité. « Nous promouvons agressivement les services de notre division cybersécurité, ajoute Mme Lincourt. Il s’agit aussi de sensibiliser nos clients quant à la nature des cyberrisques, aux dangers qu’ils font courir aux entreprises et aux meilleures manières de s’en prémunir. »
Richter ne fait pas que lutter contre les risques de la technologie, elle mise aussi sur les nombreux avantages qu’elle peut apporter à son cabinet. Le site web est en pleine refonte et l’information y sera bientôt organisée en fonction des différents besoins des entrepreneurs. Ces derniers pourront ainsi facilement trouver l’information et l’offre de service liées à des défis tels le transfert d’entreprise, la croissance, la restructuration, etc.
À l’automne 2018, le cabinet lancera l’App Richter à un premier segment de sa clientèle, avant d’en faire le lancement général au début 2019. Elle intégrera l’ensemble des renseignements financiers d’entreprises et personnels des clients et réunira en un endroit les communications avec leurs professionnels (avocats, banquiers, comptables, etc.). « C’est assez révolutionnaire dans la manière de livrer l’information aux clients », avance Mme Lincourt.
Des cabinets voraces
Le marché n’est pas non plus exempt de défis. « Il se consolide beaucoup, note Robert St-Aubin, associé directeur du cabinet Demers Beaulne. Il y a beaucoup de fusions de cabinets et les grandes firmes veulent accaparer le marché des PME. La croissance organique des gros joueurs se fait surtout dans les pays émergents. Au Québec, leur source de croissance, c’est plutôt l’acquisitionde cabinets. »
Or, la PME est en plein la clientèle d’un cabinet comme Demers Beaulne. L’associé directeur continue de croire qu’une firme de la taille de la sienne (160 employés) est la mieux placée pour servir les PME, car elle est plus agile, elle entretient une relation de proximité avec ces entrepreneurs et fournit des solutions personnalisées. Les grands cabinets seraient plus à leurs avantages en servant de grandes entreprises. Qui se ressemble s’assemble, en quelque sorte.
M. St-Aubin n’est cependant pas fermé non plus à l’idée de voir Demers Beaulne sauter dans le train des acquisitions. « C’est possible, surtout en raison du coût croissant de la technologie, dit-il. Ce sont des coûts fixes, alors augmenter notre masse critique peut aider à alléger ce poids. »
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