L'épargne systématique malmenée... Et puis?


Édition de Novembre 2014

L'épargne systématique malmenée... Et puis?


Édition de Novembre 2014

L'épargne systématique serait moins efficace qu'on ne le croyait en matière de rendement. Soit. Si c'est la méthode la moins douloureuse pour mettre de l'argent de côté, ne changez pas vos habitudes.

Épargner pour plus tard. Dépenser le moins d'argent possible pour qu'il nous en reste le plus possible. Ces définitions du verbe épargner nous rappellent qu'économiser, c'est avant tout différer sa consommation, ses dépenses.

Pour y parvenir, les experts vantent les mérites de l'épargne systématique. Quelle n'a pas été ma surprise quand j'ai lu sur Morningstar, un site de recherche indépendant, une analyse qui malmenait la méthode des prélèvements automatisés ! Mon collègue Ian Gascon a abordé le sujet dans sa chronique du dernier numéro. L'épargne automatique ne donnerait pas d'aussi bons rendements que l'investissement annuel d'un montant important. L'article fait référence à une étude américaine de la société de fonds Vanguard.

Les résultats sont fondés sur des rendements historiques qui s'étalent de 1926 à 2011. On a testé des périodes mobiles de 10 ans et différentes répartitions d'actif. La méthode du placement unique a généré des rendements composés plus élevés que ceux des achats périodiques les deux tiers du temps, que le portefeuille soit entièrement constitué d'actions ou d'obligations, ou qu'il soit composé de 60 % d'actions et de 40 % d'obligations, explique Adam Zoll de Morningstar.

Les chercheurs remarquent également que plus la durée d'achats périodiques est longue, 36 mois par exemple, plus la méthode de placement unique surpasse l'autre méthode. Cette supériorité est toutefois modeste. Pour un investissement d'un million de dollars américains qui a une répartition de 60 % en actions et 40 % en obligations, Adam Zoll note qu'après 10 ans, le placement unique l'emporte en moyenne d'environ 2,3 %, ou 54 000 dollars. Pour les achats périodiques, on pensait placer ce million sur des cycles allant de 6 à 36 mois.

Cette conclusion est tout de même étonnante, puisqu'on préconise généralement des investissements fixes périodiques qui permettront d'acquérir des titres financiers à différents prix. Cela a comme avantage de réduire le coût moyen des placements, car vous achetez plus de titres quand les prix baissent, et moins quand ils montent.

En investissant une somme d'argent importante une fois par an, vous risquez de payer un prix élevé : vous serez tenté d'acheter au meilleur moment, ou comme on dit dans le jargon financier, de timer le marché.

Alors, comment justifie-t-on de tels résultats ? Vanguard souligne que le fait de conserver des liquidités dans son compte de banque afin de les placer périodiquement, plutôt que d'investir cette somme dès aujourd'hui, comporte un coût. On sait en effet que les rendements des actions et des obligations sur une longue période sont supérieurs à ceux que nous rapporte notre compte courant.

Historiquement, la tendance haussière des marchés a persisté pour les actions et les obligations, indique l'étude. Ces rendements positifs ont compensé la prise de risque des investisseurs et favorisé les placements uniques plutôt qu'échelonnés. Si l'on anticipe que la Bourse montera, il est donc préférable d'investir immédiatement une somme disponible aujourd'hui. À brève échéance, cette méthode peut toutefois être plus risquée, remarquent les auteurs. On sera plus exposé aux baisses boursières à court terme.

Il est hasardeux de se fier aux rendements passés pour établir une stratégie d'épargne future. Les prélèvements automatisés imposent une discipline budgétaire qui dépasse de loin selon moi l'avantage de l'investissement annuel d'un montant d'épargne. Idéalement, on fait des placements à périodes fixes et on investit d'un seul coup les sommes reçues en extra, comme un boni de Noël, par exemple.

LA RÈGLE DU 10 % D'ÉPARGNE

Avant de placer notre épargne, il faut trouver le moyen d'en accumuler. L'organisme indépendant Question Retraite suggère de consacrer au moins 10 % de nos revenus après impôt à l'épargne. Pour plusieurs d'entre nous, ce montant semble démesuré.

Pourtant, ce sont de petites dépenses éliminées jour après jour qui nous permettent d'atteindre des objectifs d'épargne importants comme celui de la retraite. On oublie aussi la vitesse à laquelle certains biens se déprécient, dans le cas d'une voiture neuve par exemple, et à quel point d'autres biens, comme une piscine, coûtent cher à entretenir.

Le meilleur moment pour mettre des sous de côté, c'est quand on est jeune et qu'on a peu de responsabilités financières. On prend de bonnes habitudes en systématisant notre épargne par des prélèvements automatisés, si minimes soient-ils. Il n'est jamais trop tard pour commencer. Ensuite, on laisse la magie des intérêts composés opérer.

À propos de ce blogue

Sophie Stival est analyste financière et journaliste. Elle a été arbitragiste de taux d'intérêt à la trésorerie d'une grande banque canadienne pendant 10 ans. Elle collabore aujourd'hui avec le journal Finance et Investissement en plus d'écrire la chronique Affaires de famille du magazine Les Affaires Plus.