Trump va-t-il «hacker» les élections et demeurer président?

Publié le 19/10/2020 à 08:08

Trump va-t-il «hacker» les élections et demeurer président?

Publié le 19/10/2020 à 08:08

C'est que Donald Trump tient mordicus au pouvoir. (Photo: Getty Images)

CHRONIQUE. Régulièrement interrogés s’ils reconnaîtront les résultats de l’élection présidentielle si jamais ceux-ci se révélaient défavorables aux Républicains, Donald Trump et son vice-président Mike Pence se montrent toujours flous, ne répondant jamais d’un «oui» ou d’un «non» franc. Ils tournent autour du pot, et font ainsi preuve... d’une rare sincérité de leur part. C’est qu’un vaste plan de hacking des élections est d’ores et déjà enclenché, lequel pourrait bel et bien permettre au camp Trump de l’emporter. En toute légalité.

Comment un tel tour de passe-passe électoral est-il possible à deux semaines du vote, alors que Donald Trump figure loin, très loin, de son rival démocrate Joe Biden, sondage après sondage? C’est ce que j’ai découvert en me plongeant dans la procédure électorale américaine de l’élection présidentielle, une procédure si complexe et tortueuse qu’elle est vulnérable au hacking, ce qu’entend justement mettre à profit le camp Trump. Comme vous allez le découvrir à votre tour…

Le soir du mardi 3 novembre, les Américains seront rivés à leurs écrans pour suivre en direct le dépouillement des urnes, État par État. Avec une question en tête: «La carte des États-Unis de 2020 sera-t-elle surtout bleue (comme en 2018) ou surtout rouge (comme en 2016)?» Assortie d’une autre, taraudante: «Trump pour encore quatre années, ou pas?»

Je vais me risquer à une petite prédiction à ce sujet, en m’appuyant sur les plus récentes analyses d’une agence américaine de sondage qui est proche des Démocrates, Hawkfish: le soir du 3 novembre, le dépouillement des urnes indiquera Donald Trump comme vainqueur des élections. Oui, vous avez bien lu: les analyses internes des Démocrates donnent Trump gagnant!

L’explication? Il s’agira de ce que les Démocrates présenteront alors - je mets ma main au feu qu’il utiliseront bel et bien ce terme, le moment venu - comme un «mirage rouge». Cette image traduira le fait que, oui, les urnes donnent Trump gagnant, mais il manque les résultats provenant du vote par anticipation, de ces quelque 20 millions de bulletins envoyés par la poste et qui n’auront pas été encore dépouillés.

Autrement dit, les Républicains - Trump en tête - clameront leur victoire, mais les Démocrates refuseront de concéder la défaite. Ces derniers exigeront d’attendre le dépouillement de tous les bulletins de vote. Absolument tous. Et avec raison, semble-t-il: les analyses d’Hawkfish indiquent que seulement 19% des votes par anticipation seront favorables aux Républicains, si bien que Joe Biden passera en tête à partir du moment où 75% des bulletins envoyés par la poste seront dépouillés et sera incontestablement le gagnant des élections lorsque 100% auront été ouverts.

En temps normal, Donald Trump devrait se plier au résultat final des élections et céder le pouvoir à Joe Biden. Mais voilà, ce n’est pas ce qui se passera…

C’est que les élections de 2020 ne se joueront pas dans les urnes, mais par-delà les urnes. Pour la toute première fois des présidentielles américaines, les élections vont être hackées. Comme ceci:

> Sabotage du résultat final

Face aux refus des Démocrates de céder immédiatement le pouvoir après la soirée du 3 novembre, les Républicains vont non seulement exiger que les votes par anticipation soient dépouillés avec une rigueur maximale, mais aussi exiger le recomptage minutieux des urnes où les Démocrates l’ont emporté d’une mince avance. Ils vont se montrer extrêmement procédurier - je souligne le terme «extrêmement».

Prenons un exemple précis, celui du dépouillement des votes par anticipation. Cela va nécessiter de réunir dans une grand pièce le nombre de bénévoles nécessaires, chacun devant être masqué et à deux mètres des autres, ainsi que celle de délégués républicain et démocrate. Que chacun valide le fait que l’enveloppe a bien été signée au verso, qu’elle a été bien fermée (ex.: il suffit que l’électeur aie mis un peu de ruban adhésif pour mieux fermer l’enveloppe pour faire annuler le vote!), que l’électeur figure bien sur la liste électorale, qu’il n’a pas voté en personne, puis que le bulletin est valide (ex.: il suffit que le nom du candidat soit entouré au crayon pour que le vote soit annulé!).

Ça n’a l’air de rien, mais tout cela prend du temps. Le 23 juin dernier, cela s’est produit à New York lors des primaires démocrates: l’un des candidats a exigé le dépouillement minutieux des votes par anticipation ainsi que le recomptage de toutes les urnes, en suivant très exactement la procédure que je viens de décrire. Vous savez quoi? La première journée, l’équipe en place n’a ainsi pu recompter que 200 bulletins, tant la procédure était lourde. Les jours suivants, elle a accéléré le rythme et a atteint la vitesse de 800 bulletins par jour. En conséquence, ce n’est que le 27 août dernier que le candidat qui contestait les premiers résultats a fini par reconnaître sa défaite! Oui, vous avez bien lu: deux mois après la journée de vote aux urnes.

Bon. Vous vous demandez sûrement comment je peux avancer que les Républicains vont jouer à ce petit jeu. Qu’ils vont s’acharner à effectuer un peu partout des dépouillements et des recomptages d’une extrême lenteur. La réponse est simple, plusieurs signaux le mettent en évidence:

- Le camp Trump s’est doté d’une équipe de choc chargée de veiller scrupuleusement à la «régularité» des élections, à savoir une équipe d’avocats pilotée par Justin Riemer, l’avocat en chef du Comité national républicain. Ce dernier est dès à présent en train d’agir en ce sens: son équipe et lui ont récemment lancé «des dizaines de démarches juduciaires» visant à faciliter la contestation des résultats, et donc à rendre plus aisée la possibilité d’invalider tels ou tels résultats, ceux qui, bien entendu, seraient en défaveur des Républicains.

Autrement dit, les troupes dont la mission est de semer le doute quant à la légalité de certains résultats sont en mouvement en ce moment-même. Elles avancent aujourd’hui dans l’ombre, mais agiront au grand jour dès le 4 novembre. À n’en pas douter, le nom de Justin Riemer est un nom dont vous allez souvent entendre parler dans les prochaines semaines...

- Le camp Trump n’a de cesse, ces temps-ci, de lancer des appels aux «patriotes», c’est-à-dire aux «Américains qui ont à coeur l’avenir de leur pays». Trump est le premier à le faire, lorsqu’en plein débat présidentiel il invite les miliciens américains «à se tenir prêts», ou encore lorsqu’en plein discours en Caroline du Nord, le 8 septembre dernier, il lance: «Va falloir surveiller ces urnes. Les scruter, les observer de près. Car je n’aime pas ce que je vois. Quand vous irez voter, restez dans les bureaux de vote et surveillez les urnes. Observez et documentez les vols, les tricheries.» Dans un même souffle, il a appelé à voter par anticipation puis à aller voter une seconde fois, en personne, au bureau de vote, en certifiant que personne ne dira rien, signe qu’il y a bel et bien «tromperies et magouilles». Et ce, en se contrefichant du fait qu’un tel geste - tenter de voter deux fois - est un crime puni par la loi.

Autrement dit, le camp Trump mobilise d’ores et déjà ses partisans en vue de semer le doute quant à la validité des résultats, en particulier là où le départage entre les candidats se révélera mince. Le but est tout bonnement de discréditer le résultat final à l’aide, cette fois-ci, d’un vaste élan populaire.

- Le camp Trump tient également à faire annuler le maximum possible des quelque 20 millions de votes par anticipation, sachant fort bien qu’une infime partie d’entre eux seront en faveur des Républicains. Que ce soit par la présence d’avocats tatillons lors des dépouillements et des recomptages ou par des «patriotes» certifiant avoir assisté à des irrégularités et diffusant leurs témoignages sur les médias sociaux. Ce qui peut bel et bien se révéler «payant» pour les Républicains: en général, ce sont de 20% à 30% des votes par anticipation qui sont annulés aux États-Unis (le tape pour mieux fermer l’enveloppe est l’erreur la plus fréquente de la part des électeurs); cette fois-ci, l’objectif semble être d’aller au-delà, d’atteindre peut-être les 50%.

Bref, l’idée est claire et nette, il faut saboter le résultat final de l’élection présidentielle. Semer tellement de doutes à son sujet qu’il devient «légitime» de le contester, de s’y opposer farouchement.

> Court-circuitage le résultat final

Un point crucial réside dans le fait que l’ensemble des résultats doivent être officiellement communiqués au Collège électoral six jours avant le 14 décembre 2020. La date fatidique est donc le mardi 8 décembre.

Rappelons que, contrairement à d’autres régimes démocratiques, le président américain n’est pas élu au suffrage universel direct. Les électeurs ne votent pas directement pour le président, mais pour un intermédiaire, un «grand électeur» du même parti que celui du président. L’ensemble des grands électeurs forment le Collège électoral, et c’est à lui que revient la responsabilité d’élire le président et son vice-président.

Qu’est-ce que ça implique? Qu’il y a moyen pour le camp Trump de court-circuiter le résultat final des élections présidentielles. Comme ceci:

1. Imaginons un État où, le 8 décembre, il a été impossible de dépouiller de recompter l’ensemble des bulletins. Ce qui, je le répète, est fort probable si l’armée d’avocats des Républicains et leurs «patriotes» s’en mêlent activement. Que se passe-t-il? Eh bien, on oublie complètement tous les bulletins exprimés, on les supprime d’un trait de plume. Il revient dès lors aux seuls «grands électeurs» en place de trancher, de désigner en leur âme et conscience le vainqueur «légitime» de chacune des élections locales. Maintenant, à votre avis, que vont faire ces «grands électeurs» s’ils sont Républicains? Vont-ils vraiment tergiverser? Ne vont-ils pas s’arranger pour qu’en bout de ligne il y ait plus de nouveaux «grands électeurs» républicains que démocrates?

2. Poursuivons, car ça en vaut vraiment la peine. Ces agissements vont, de toute évidence, provoquer la colère des électeurs et des candidats déchus, furieux que la démocratie soit ainsi bafouée. Les Démocrates vont carrément hurler, et ceux-ci auront un recours ultime pour s’opposer à une telle pratique: le veto des gouverneurs. En effet, un gouverneur peut légalement s’opposer aux résultats communiqués par les «grands électeurs» au Collège électoral, au prétexte qu’ils ne sont pas impartiaux.

Qu’advient-il dans un tel cas de figure? Un cas de figure, je le souligne, parfaitement plausible, d’autant plus que quatre États clés présentent la particularité d’avoir des «grands électeurs» rouges et un gouverneur bleu: la Caroline du Nord, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Eh bien, nul ne le sait. Il y a là un flou légal, sans aucune jurisprudence. On se retrouve dans une impasse.

3. Poursuivons encore. Qu’arrive-t-il si, le 14 décembre, le Collège électoral ne dispose pas de tous les résultats? S’il manque, ici et là, des «grands électeurs»? Lui est-il possible d’élire malgré tout le nouveau président et son second? La réponse est non. Impossible d’effectuer le vote.

OK. Mais alors là, que se passe-t-il? Le cas est prévu, même s’il ne s’est jamais produit: le 14 décembre, le Collège électoral doit reconnaître son incapacité à effectuer le vote et doit immédiatement demander au Congrès actuel de le faire à sa place.

Or, le Congrès actuel est rouge au Sénat et bleu à la Chambre des représentants. En toute logique, les deux instances ne s’entendront pas pour désigner le vainqueur, si bien qu’on en arrivera à la solution ultime pour régler un différend majeur entre eux: les délégués du Congrès devront voter et trancher. D’où proviennent ces délégués? Tous les élus du Congrès d’un même État doivent se réunir et voter pour désigner un seul d’entre eux, leur délégué; si la plupart d’entre eux sont Républicains, il est clair que le délégué sera de leur camp, et inversement.

Il se trouve qu’aujourd’hui on compte potentiellement 26 délégués républicains et 23 délégués démocrates. Par conséquent, Donald Trump sera automatiquement élu président et sera officiellement investi le 6 janvier 2021. En toute légalité.

Bref, les élections présidentielles auront été court-circuitées sans que quiconque puisse contester la légalité du procédé. C’est sûr, la démocratie américaine sera dès lors perçue comme une gigantesque farce à l’échelle de la planète, mais il est évident que le camp Trump n’en a que faire. L’important, c’est de garder le pouvoir. Coûte que coûte.

S’agit-il là de pure science-fiction? Ou plutôt de la chronique annoncée de la faillite démocratique des États-Unis? Hum… À vous de voir. En tous cas, croisons les doigts pour que je me sois trompé dans la lecture des signaux poussant à croire que nous allons tous assister, impuissants, au hacking des élections présidentielles américaines.

Reste tout de même un espoir, me semble-t-il. Tout cela ne se produira qu’à une condition, à savoir qu’on assiste, le soir du 3 novembre, à un «mirage rouge». Car si jamais la carte des États-Unis venait alors à virer au bleu foncé, il est clair qu’il sera beaucoup plus complexe pour le camp Trump de contester farouchement le résultat sorti des urnes. Tellement complexe, d’ailleurs, qu’ils se résoudront à ne pas déclencher l’opération en question.

C’est d’ailleurs là-dessus que misent les Démocrates… Le milliardaire américain Michael Bloomberg ne ménage pas ses efforts en ce sens et a récemment déboursé 100 M$ US pour soutenir la campagne de Joe Biden en Floride, dans l’espoir de faire basculer l’État du rouge au bleu. Car cet État-là se joue toujours à quelques voix près, et se révèle toujours déterminant pour le résultat final. À leurs yeux, il suffirait que la Floride penche franchement du côté des Démocrates pour que la victoire soit assurée.

Cela se vérifiera-t-il? Vous comme moi, nous le saurons le 3 novembre. D’ailleurs, j’ai une suggestion pour vous: ce soir-là, portez une attention particulière aux résultats de la Floride, heure après heure, à mesure qu’ils débouleront; car vous pourrez ainsi anticiper ce qui se produira le lendemain et peut-être même les semaines suivantes: la victoire claire et nette de Joe Biden, ou bien le sabotage et le court-circuitage des élections effectuée dans la foulée par le camp Trump...

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