Les bienfaits collatéraux de la COVID-19


Édition du 09 Décembre 2020

Les bienfaits collatéraux de la COVID-19


Édition du 09 Décembre 2020

(Photo: 123RF)

 

A
u moment où j’écris ces lignes, un ami est à l’hôpital, sur le point de se faire amputer d’une jambe. Tout a commencé par un bête bouton sur le genou. Un bouton qui a été pris pour un kyste, un bouton qu’on a tardé à retirer, un bouton qu’on a ­sous-estimé. Un bouton qui était, en vérité, une tumeur cancéreuse en train de métastaser.
La faute à la ­COVID-19 ? ­Au report sine die de toutes ces interventions médicales jugées bénignes ? ­Au stress insoutenable auquel est soumis le personnel soignant depuis maintenant des mois et des mois, un stress tel qu’il pousse irrémédiablement à l’erreur, à la malheureuse erreur ? ­Allez savoir…
Mon ami cavalait dans le monde entier, à la rencontre de tous ces êtres humains qui vivent en marge de la société ; il est l’un des rares photographes à avoir été accueilli par des yakuzas, ou encore par des mafieux albanais. Sa vie va connaître un brutal coup de frein. ­Peut-être lui ­faudra-t-il changer de rythme, apprendre à voir et à aborder la vie autrement.
Quand j’ai réalisé tout 
ça, je me suis d’abord dit que mon ami subissait 
— comme nombre d’entre nous — des dommages collatéraux de la pandémie du nouveau coronavirus. C’est que nous sommes tous contraints et forcés de vivre au ralenti, à présent : fini de voir les collègues, fini de partir en vacances à l’étranger, fini de faire du sport en équipe, fini de sortir au resto avec nos chums, etc.
Et puis, je me suis dit qu’il y avait sûrement du positif à retirer de tout ce négatif. Je me suis souvenu de ce que m’avait confié le ­dalaï-lama, le jour où j’ai eu le privilège de le rencontrer : « ­Vous, les journalistes, vous avez un devoir : aller tout au fond de la noirceur pour y déceler le rai de lumière que tout le monde espère, et l’indiquer à chacun de nous », m’­a-t-il dit, en ajoutant que seuls les bons journalistes pouvaient y parvenir, « ceux qui ont gardé leur cœur d’enfant », car « les enfants ne voient pas avec les yeux, mais avec le cœur ».
C’est comme ça que j’ai saisi que mon ami, ­moi-même, nous tous en fait, nous nous devons de tirer des enseignements de l’épreuve collective que nous traversons. Oui, il nous faut nous inspirer de ceux qui ont d’ores et déjà entrepris de changer en profondeur, histoire de s’adapter sans tarder à l’après ­COVID-19…
g ­Unilever teste la semaine de quatre jours. La multinationale ­Unilever s’est lancée, en décembre, dans une expérience incroyable : faire travailler sa centaine d’employés de ­Nouvelle-Zélande quatre jours par semaine au lieu de cinq, sans baisse de salaire. Et ce, parce que le groupe à la tête de marques comme ­Lipton et ­Dove est convaincu 
— études scientifiques à l’appui — que des employés heureux se montrent plus performants. Si un gain en productivité est bel et bien enregistré d’ici 12 mois, la mesure devrait être étendue aux 155 000 employés 
d’Unilever.
Autrement dit, la crise sanitaire et économique a fait comprendre à ­Unilever que sa ressource principale était l’être humain et que son avenir passait nécessairement par le ­mieux-être de ­celui-ci.
gLa ­Floride fait grimper le salaire minimum à 15 $ ­US. En 2026, le salaire horaire minimum sera de 15 $ ­US (19,43 $) en ­Floride ; il est aujourd’hui de 8,56 $ ­US (11,09 $). C’est ce qu’ont décidé 61 % des ­Floridiens en marge du vote présidentiel de novembre, en approuvant le deuxième amendement de la ­Constitution de l’État.
Cette mesure ­va-t-elle plomber l’économie de la ­Floride, si dépendante du tourisme et de l’agriculture, où les salaires sont souvent bas ? ­Les ­Floridiens ­viennent-ils de se tirer une balle dans le pied ? ­Non, aucunement. La crise actuelle leur a fait comprendre que l’économie ne tournait qu’à condition que l’être humain y trouve son compte, le plus grand nombre d’êtres humains, pas seulement une élite. Et, donc, qu’il était désormais vital d’offrir un salaire décent à tout le monde.
gDropbox et ­The ­Infatuation réinventent la boîte à lunch. Dropbox est un service de stockage et de partage de documents numériques. The ­Infatuation, un site de recommandation de restaurants. Les deux ont uni leurs forces après avoir réalisé que des millions de nouveaux télétravailleurs américains ne prenaient pas le temps de bien se nourrir, le midi. Ensemble, ils viennent de créer ­The ­Lunch ­Dropbox, un site où l’on peut programmer ses lunches de la semaine auprès de restaurants partenaires (ex. : un grec, un italien, un malaisien, etc.) et se les faire livrer à domicile à l’heure voulue, dans une jolie boîte au design de ­Dropbox. Le service n’est offert pour l’instant qu’à ­San ­Francisco, ­Chicago et ­New ­York. Là encore, l’idée est de rendre plus agréable le quotidien de gens débordés, qui peinent à faire face à la nouvelle réalité du travail en temps de pandémie.
Maintenant, que retenir de ces initiatives ? ­Que, vous comme moi, nous sommes à un tournant de nos existences individuelle et collective. Qu’il nous appartient de changer, d’évoluer, de muter. De voir la vie autrement, avec notre cœur. Et de transformer les dommages collatéraux en bienfaits collatéraux. Sans quoi la ­COVID-19 
risque fort de nous infliger des séquelles encore plus douloureuses que celles d’aujourd’hui…

 

CHRONIQUE. Au moment où j’écris ces lignes, un ami est à l’hôpital, sur le point de se faire amputer d’une jambe. Tout a commencé par un bête bouton sur le genou. Un bouton qui a été pris pour un kyste, un bouton qu’on a tardé à retirer, un bouton qu’on a ­sous-estimé. Un bouton qui était, en vérité, une tumeur cancéreuse en train de métastaser.

La faute à la ­COVID-19 ? ­Au report sine die de toutes ces interventions médicales jugées bénignes ? ­Au stress insoutenable auquel est soumis le personnel soignant depuis maintenant des mois et des mois, un stress tel qu’il pousse irrémédiablement à l’erreur, à la malheureuse erreur ? ­Allez savoir…

Mon ami cavalait dans le monde entier, à la rencontre de tous ces êtres humains qui vivent en marge de la société ; il est l’un des rares photographes à avoir été accueilli par des yakuzas, ou encore par des mafieux albanais. Sa vie va connaître un brutal coup de frein. ­Peut-être lui ­faudra-t-il changer de rythme, apprendre à voir et à aborder la vie autrement.

Quand j’ai réalisé tout ça, je me suis d’abord dit que mon ami subissait — comme nombre d’entre nous — des dommages collatéraux de la pandémie du nouveau coronavirus. C’est que nous sommes tous contraints et forcés de vivre au ralenti, à présent : fini de voir les collègues, fini de partir en vacances à l’étranger, fini de faire du sport en équipe, fini de sortir au resto avec nos chums, etc.

Et puis, je me suis dit qu’il y avait sûrement du positif à retirer de tout ce négatif. Je me suis souvenu de ce que m’avait confié le ­dalaï-lama, le jour où j’ai eu le privilège de le rencontrer : « ­Vous, les journalistes, vous avez un devoir : aller tout au fond de la noirceur pour y déceler le rai de lumière que tout le monde espère, et l’indiquer à chacun de nous », m’­a-t-il dit, en ajoutant que seuls les bons journalistes pouvaient y parvenir, « ceux qui ont gardé leur cœur d’enfant », car « les enfants ne voient pas avec les yeux, mais avec le cœur ».

C’est comme ça que j’ai saisi que mon ami, ­moi-même, nous tous en fait, nous nous devons de tirer des enseignements de l’épreuve collective que nous traversons. Oui, il nous faut nous inspirer de ceux qui ont d’ores et déjà entrepris de changer en profondeur, histoire de s’adapter sans tarder à l’après ­COVID-19…

-Unilever teste la semaine de quatre jours. La multinationale ­Unilever s’est lancée, en décembre, dans une expérience incroyable : faire travailler sa centaine d’employés de ­Nouvelle-Zélande quatre jours par semaine au lieu de cinq, sans baisse de salaire. Et ce, parce que le groupe à la tête de marques comme ­Lipton et ­Dove est convaincu — études scientifiques à l’appui — que des employés heureux se montrent plus performants. Si un gain en productivité est bel et bien enregistré d’ici 12 mois, la mesure devrait être étendue aux 155 000 employés d’Unilever.

Autrement dit, la crise sanitaire et économique a fait comprendre à ­Unilever que sa ressource principale était l’être humain et que son avenir passait nécessairement par le ­mieux-être de ­celui-ci.

-La ­Floride fait grimper le salaire minimum à 15 $ ­US. En 2026, le salaire horaire minimum sera de 15 $ ­US (19,43 $) en ­Floride ; il est aujourd’hui de 8,56 $ ­US (11,09 $). C’est ce qu’ont décidé 61 % des ­Floridiens en marge du vote présidentiel de novembre, en approuvant le deuxième amendement de la ­Constitution de l’État.

Cette mesure ­va-t-elle plomber l’économie de la ­Floride, si dépendante du tourisme et de l’agriculture, où les salaires sont souvent bas ? ­Les ­Floridiens ­viennent-ils de se tirer une balle dans le pied ? ­Non, aucunement. La crise actuelle leur a fait comprendre que l’économie ne tournait qu’à condition que l’être humain y trouve son compte, le plus grand nombre d’êtres humains, pas seulement une élite. Et, donc, qu’il était désormais vital d’offrir un salaire décent à tout le monde.

-Dropbox et ­The ­Infatuation réinventent la boîte à lunch. Dropbox est un service de stockage et de partage de documents numériques. The ­Infatuation, un site de recommandation de restaurants. Les deux ont uni leurs forces après avoir réalisé que des millions de nouveaux télétravailleurs américains ne prenaient pas le temps de bien se nourrir, le midi. Ensemble, ils viennent de créer ­The ­Lunch ­Dropbox, un site où l’on peut programmer ses lunches de la semaine auprès de restaurants partenaires (ex. : un grec, un italien, un malaisien, etc.) et se les faire livrer à domicile à l’heure voulue, dans une jolie boîte au design de ­Dropbox. Le service n’est offert pour l’instant qu’à ­San ­Francisco, ­Chicago et ­New ­York. Là encore, l’idée est de rendre plus agréable le quotidien de gens débordés, qui peinent à faire face à la nouvelle réalité du travail en temps de pandémie.

Maintenant, que retenir de ces initiatives ? ­Que, vous comme moi, nous sommes à un tournant de nos existences individuelle et collective. Qu’il nous appartient de changer, d’évoluer, de muter. De voir la vie autrement, avec notre cœur. Et de transformer les dommages collatéraux en bienfaits collatéraux. Sans quoi la ­COVID-19 risque fort de nous infliger des séquelles encore plus douloureuses que celles d’aujourd’hui…