La situation peut être vite embarrassante... Photo: DR
Le sujet que j'aborde aujourd’hui est tabou. Dès lors qu'une entreprise connaît une poussée de croissance, le propriétaire et les dirigeants se mettent à subir un stress intense, qui hante leurs journées, leurs soirées, leurs fins de semaine et même leurs vacances. Il s’agit de la fameuse gestion des flux de trésorerie, communément appelée le cash flow.
C'est que l'entreprise doit payer ses fournisseurs, ce qui implique des sommes à verser de plus en plus considérables à mesure que les activités s'accélèrent; et ce, tandis qu'en même temps les clients prennent, eux, de plus en plus de temps à régler ce qu'ils doivent à l'entreprise, étant bien souvent eux aussi aux prises avec des enjeux de cash flow. Bref, on est alors dans un cercle vicieux.
Résultat : personne n’ose parler de ses problèmes de cash flow, de peur de lancer un message qui pourrait être mal perçu de la part des clients, des fournisseurs, des investisseurs et des institutions financières.
À cela s'ajoute le fait que nombre de personnes qui ne sont pas la proie du cash flow sont promptes à donner leurs conseils à ceux qui en sont victimes, voire à faire preuve d'impatience à leur égard. C'est ainsi que ces entrepreneurs se font dire des «Suis ton budget!», «Respecte tes engagements!», «Je n’ai jamais été traité comme ça!» et autres «Impose des pénalités à tes clients qui paient au-delà de 30 jours!»
Récemment, j’ai demandé à un dirigeant d’un cabinet de comptabilité à quel moment l’entrepreneur cessait d’avoir des enjeux de cash flow. Sa réponse a été spontanée et sans équivoque : «Lorsque l’entreprise arrête de croître».
Certes, mais d'autres réponses peuvent aussi être envisagées:
1. La plus idéaliste des solutions, et ma préférée vous l’aurez deviné, est de déconstruire les tabous liés aux enjeux de cash flow, par exemple en en parlant d'emblée à un futur client. De cette façon, ce dernier pourrait nous faire part de ses propres enjeux et, dès le début de la relation client, nous pourrions travailler ensemble afin de s'assurer d'une croissance mutuelle harmonieuse. Le tout, en sachant à quoi s’attendre et en agissant en leaders authentiques et conscients, qui font preuve de transparence.
2. En parallèle, je suis d’avis que les entrepreneurs ont un devoir d’éducation et de communication auprès des personnes qui gravitent autour de leur entreprise. Dans mon cas, j’ai été salariée durant plus de 16 ans et travailleure autonome durant six ans. Grâce au fait que je gérais assez bien mes finances personnelles et d’entreprise, j’avais toujours les liquidités nécessaires pour payer à temps mes quatre ou cinq fournisseurs, même si certains de ma dizaine de clients prenaient du temps ou me proposaient des arrangements de paiement non prévus au moment de la signature du contrat.
En devenant chef d’entreprise, je suis passée, d'un seul coup, à plus de 40 fournisseurs et 20 nouveaux clients par cycle de vente. En toute humilité, j’ai donc entrepris la démarche de démystifier ce que je crois être le plus grand défi relationnel, financier et personnel des entrepreneurs. En tant qu’entrepreneurs, on ne calcule pas nos heures, on est passionnés, on veut changer le monde, on se paie seulement l’essentiel pour ne pas trop impacter notre cash flow. Mais en plus de tout ça, on se fait interpeller par des fournisseurs qui ne comprennent pas nécessairement notre réalité.
D'où l'importance, à mes yeux, de parler de cette réalité ensemble. Éduquons ceux qui n’ont pas encore été exposés au stress du cash flow. Non pas pour nous justifier, mais bien pour trouver une solution qui puisse nous éviter de multiplier les conversations difficiles et nous permettre de nous concentrer à innover et croître. Voilà qui est essentiel pour mieux soutenir notre économie collective.