L'important, c'est de ne pas juger la différence... Photo: DR
Force est de constater que valoriser la différence est un sujet qui nous interpelle tous. Un exemple frappant concerne nos propres enfants : nous vivons dans une ère où nous ne connaissons pas encore tous les noms des métiers qu’ils exerceront, ni comment ils navigueront dans le monde du travail 4.0.
Sachant cela, comment pouvons-nous agir en leader auprès de nos communautés pour valoriser et célébrer la diversité? Oui, la diversité des goûts, des talents et des valeurs. Et par la suite, comment pouvons-nous honorer la personnalité et le bagage culturel de chacun?
Voici le cas de Pierre. Gestionnaire dans la quarantaine, il doit l'essentiel de sa carrière au fait qu'il est celui sur qui on peut toujours compter. Ses collègues le considèrent comme le joueur d’équipe par excellence, celui qui est prompt à repousser ses limites pour le bienfait de tous.
Pierre vient d’embaucher Carl, un jeune professionnel de 30 ans. Dès les premières minutes de l’entrevue, Pierre s’est reconnu en Carl lorsqu’il débutait sa carrière. Il est a priori enchanté par l’embauche de Carl, car il sait qu’avec tout le travail à effectuer cette année, il n’aura pas à passer trop de temps à gérer sa personnalité et ses comportements (ils se ressemblent tant...).
Mais au grand dam de Pierre, cette stratégie d'embauche ne se révèle payante qu'à court terme, et pis, présente des embûches à plus long terme.
Après quelques mois, Pierre est confronté à un enjeu de taille. La direction lui demande en effet de tester un nouveau processus plus agile, qui nécessite pour Pierre de remettre en question sa façon de gérer ses équipes. Ça le déboussole, au point de nuire à sa confiance en lui-même. C'est qu'il avait toujours volé de succès en succès grâce à sa méthode de gestion, et voit, en toute logique, d'un mauvais oeil l'innovation qui est lui est imposée. Il se met sur la défensive, et se fait étiqueter par la haute direction comme un gestionnaire «résistant au changement», envers qui il faudra prendre des mesures un jour ou l’autre.
Résultat? Le patron de Pierre lui impose de prendre Jasmine dans son équipe, histoire de l’aider à changer de paradigme. Jasmine a 25 ans, est d’origine sénégalaise, est fraîchement diplômée en ingénierie et a une personnalité contraire à celle de Pierre : arrivée jeune au Canada, en plein hiver, elle a vite dû miser sur sa capacité d'adaptation pour évoluer au sein de la société québécoise; et encouragée par ses parents à prendre des risques, elle tripe depuis sur la nouveauté et l'innovation.
Pour Pierre, l'arrivée de Jasmine est un choc. Un choc tant culturel que professionnel. Lorsqu'il voit Jasmine travailler avec confiance et détermination en dépit d'un bagage technique limité par le simple fait qu'elle est en tout début de carrière, son ego en prend un coup. Il se met alors à scruter la faille, ou encore à porter des jugements à l'emporte-pièce à son égard, au lieu de chercher à s'ouvrir à la différence.
Pierre, par exemple, déplore le fait que Jasmine n'avait pas la profondeur d'analyse de Carl. Il ne cesse de comparer la nouvelle recrue à Carl, sans réaliser qu'il ferait mieux de chercher à créer une synergie entre les deux. Une synergie qui, en vérité, s'établit d'elle-même entre les deux milléniaux, en dépit de l'opposition farouche de leur boss. Du coup, Carl et Jasmine finissent par aller voir ensemble le boss de Pierre afin de se plaindre de son attitude hostile envers la jeune femme.
Comment Pierre aurait-il pu éviter une telle descente aux enfers?
Pour accepter la différence de l’autre, il est essentiel d’accepter sa propre différence. Et pour ce faire, il convient de partir à la découverte de soi-même, d'identifier ses forces et ses faiblesses ainsi que ses idées reçues. Il faut, donc, avoir le courage de prendre conscience de soi.
Ce travail sur soi permet d'assurer les fondations d'un leadership authentique. Il peut être effectué grâce à une introspection sérieuse, ou bien grâce au concours d'un mentor.
Dans le cas de Pierre, l'important aurait été d'identifier ainsi les motifs profonds de sa résistance au changement. Cela lui aurait permis d'ouvrir son esprit aux bienfaits de la diversité des talents, et donc de contribuer positivement à l'atteinte des nouveaux objectifs de ses équipes, au lieu de passer son temps à mettre des bâtons dans les roues des uns et des autres.