La question qui tue. À chaque fois que je repars après le souper pour une réunion (les joies du communautaire!) mes enfants me font des reproches et remettent en question l’utilité de travailler. Je repars donc la cassette, celle où je leur explique que je travaille fort parce qu’il faut payer la maison, l’auto, la nourriture, l’école, le chauffage... Toutes les fois ils sont bouche bée, évidemment trop jeunes pour avoir une alternative à m’offrir.
Sauf une fois. En revenant de l’école, pris dans le trafic, mon petit loup de 7 ans m’a dit : « Moi j’aime pas ça l’argent Maman. » En le questionnant plus en profondeur, j’ai vu qu’il associait mon méchant travail qui m’éloignait de lui au besoin de gagner de l’argent pour vivre. Ça arrive souvent que j’en dise trop à mes enfants, partant dans de longues explications laborieuses sur le système capitaliste. Cette fois-là, je lui ai même parlé d’anarchie. Et s’il existait une façon de vivre sans argent?
À la maison, personne n’a d’allocation. On recycle, on achète usagé, on essaye de cuisiner tout ce qu’on mange et surtout de leur montrer à ne pas gaspiller. L’argent n’est pas tabou, mais peut-être qu’on en avait peint un portrait un peu trop négatif à nos enfants?
Ne voulant pas que mon fils reste sur cette impression de méchant capitalisme lui volant sa mère, j’ai commencé à lui parler d’utilisations de mon salaire qu’il ne pouvait pas imaginer. Au-delà de l’achat d’une console de jeux vidéos, mon salaire peut servir à redonner à des gens qui en ont beaucoup besoin. Une fois qu’on a couvert nos besoins à nous, pourquoi ne pas donner au suivant? Cette idée lui plaisait, mais il m’a quand même répondu : « Si l’argent n’existait pas, les pauvres ne seraient pas pauvres! » Y’en aura pas de facile avec ce petit futé.
J’ai donc inventé un jeu avec les enfants pour leur montrer que oui, l’argent ce n’est pas que beau et rose et nouveaux jouets, mais ça peut être utile. Ma toute petite de 4 ans s’amuse à compter les sous et à se trouver particulièrement riche quand elle a 10 sous brillants dans les mains, alors qu’avec le plus grand on intègre les notions de mathématique qu’il apprend à l’école. Combien ça prend de pièces de 25 sous pour faire 1$? Et donc combien de 25 sous pour faire 5$?
À force d’en parler ouvertement avec eux et de répondre en toute transparence aux questions de fiston, il commence à comprendre les avantages de l’argent. Comme l’âge de 7 ans en est un prolifique en perte de dents, la fée des dents est allée visiter sa chambre en douce plusieurs fois dans les derniers mois. Le petit gars allumé qu’il est a décidé d’être raisonnable et d’accumuler les dollars à la place de s’acheter quelques bonbons chaque fois (question de détruire ses dents toutes neuves)!
(Au fait, j'ai lu que les parents québécois seraient les fées des dents les plus cheaps. Je suis contente d’être tombée là-dessus, car je donne souvent une pièce de 2$ en échange d’une petite dent de lait. Quand on commence son boulot de fée des dents, c’est difficile de savoir où se situe le montant idéal pour ne pas décevoir l’excitation de nos enfants qui se trouvent bien méritants d’avoir perdu une dent.)
Quant aux ados… il y aurait long à dire sur les choix douteux qu’on peut faire pour dépenser sa première paye! Quand je vois le grand de 15 ans s’acheter des chips avec le seul 5$ qu’il a dans son petit cochon, ça pourrait me faire soupirer, mais qui ne l’a pas fait? Je préfère qu’ils fassent des choix discutables d’investissement pendant qu’ils n’ont pas de responsabilités qu’après! Et il y a une limite au nombre de jeans à 90$ qu’on peut s’acheter dans une même année… Je crois.
Pour lire mon précédent billet.