Philip Mudd, à l'occasion de SAS Global Forum, un congrès sur les données volumineuses, ou mégadonnées, qui a eu lieu à Washington à la fin du mois de mars.
C'était en 2005. Philip Mudd, alors directeur de la sécurité nationale au FBI, apprend en même temps que sept de ses collègues, durant une réunion, qu'un étudiant d'Atlanta est en contact avec un groupe terroriste établi en Europe. L'information, qui provient d'un service de renseignement allié, ne laisse pas place au doute. Dès lors, une course contre la montre s'engage pour déterminer si l'étudiant constitue une menace imminente.
«Dans les 48 premières heures, je voulais savoir s'il possédait des armes et s'il avait déjà été arrêté, consulter ses relevés de cartes de crédit de même que ses courriels et son historique de recherche», a relaté Philip Mudd, à l'occasion de SAS Global Forum, un congrès sur les données volumineuses, ou mégadonnées, qui a eu lieu à Washington à la fin du mois de mars.
À l'époque, si le FBI peut accéder à toutes ces données, ces dernières proviennent de différentes sources et ne peuvent être ni agrégées ni obtenues en temps réel : «Nous ne pouvions pas faire ces choses-là, parce que nous n'avions pas encore les moyens nécessaires en matière d'accès aux données et d'intégration, a par la suite expliqué le conférencier. Nous ne pouvions pas le faire en temps réel ni par l'intermédiaire d'une plateforme unique.»
Aujourd'hui, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se doter de ce qui faisait défaut au FBI en 2005. Elles basent ainsi leurs analyses sur des données en provenance de sources multiples et, de plus en plus, elles veulent le faire en temps réel. «La tendance au temps réel pousse les entreprises à vendre des produits à leurs clients potentiels sans attendre et, pour ce faire, elles doivent colliger de l'information et l'analyser en temps réel», soutient Lori Bieda, chef des renseignements sur la clientèle chez SAS, un éditeur de logiciels d'analyse de données américain qui compte parmi ses clients Canadian Tire.
Lorsqu'un client contacte le centre d'appels de Canadian Tire, par exemple, les téléphonistes ne disposent pas de 48 heures pour lui proposer une offre promotionnelle appropriée. À partir de l'automne prochain, le système de réponse automatisé de Canadian Tire invitera les clients à entrer leur numéro de carte de crédit Canadian Tire, de manière à ce que les téléphonistes puissent leur présenter des offres plus ciblées. «Il y a déjà des offres qui apparaissent sur l'écran du téléphoniste, mais l'environnement en temps réel leur permettra de proposer des offres personnalisées», explique Mark Meritt, vice-président responsable de l'analytique du détaillant.
L'exemple des centres d'appels ne représente qu'une des nombreuses initiatives en matière de données de Canadian Tire. Mark Merritt, qui agit aussi à titre de chef de la gestion du risque à la Banque Canadian Tire, s'efforce de faire en sorte que la branche de détail de l'entreprise puisse tirer parti de l'expertise en analytique de la branche bancaire. «Nous pouvons observer les dépenses que font les titulaires de cartes de crédit Canadian Tire dans nos magasins, mais aussi dans d'autres commerces», explique M. Merritt. Nous savons si un client dépense chez Walmart ou Target, et nous savons à quel moment il y est et combien il dépense.»
Automatisation
L'analytique en temps réel permet d'automatiser la prise de décision. Si plusieurs entreprises tentent de dresser un portrait des internautes en temps réel, d'autres analysent au microscope leurs comportements. C'est le cas de Bigpoint, un éditeur de jeux en ligne gratuits qui étudie le comportement de chacun de ses joueurs en temps réel afin de mieux leur vendre des biens virtuels.
Pour ce faire, l'entreprise a recours à HANA, un système de gestion de base de données conçu spécifiquement pour traiter de grands volumes de données à la vitesse de l'éclair. «Ils sont en mesure de déterminer en temps réel quelle offre devrait être proposée à quel joueur et à quel moment il est le plus susceptible de s'en prévaloir», explique Dan Kearnan, directeur du marketing de HANA chez le géant du logiciel allemand SAP.
Cette automatisation de l'analyse de données et de la prise de décision qui en découle est répandue depuis plusieurs années dans l'industrie de la finance, où la technologie sert notamment à prévenir les fraudes. Ce qui est nouveau, c'est que des entreprises de toutes tailles peuvent aujourd'hui faire de même.
Datacratic, une start-up québécoise, vise d'ailleurs à démocratiser cette technologie en offrant une application en ligne. «En ce moment, il n'est plus possible de faire grandir une entreprise en faisant tout manuellement, soutient Jeremy Barnes, fondateur et chef des technologies de Datacratic. Nous sommes tous en concurrence avec Google et Amazon, qui automatisent leur processus et peuvent réagir en temps réel.»