«Pour survivre à une acquisition, il faut résister à l'envie de se cacher et plutôt se faire voir» - Glenn Arnowitz, directeur, services créatifs, Pfizer
À 50 ans, Glenn Arnowitz, directeur des services créatifs chez Wyeth, s'est adapté à un grand bouleversement professionnel. Son employeur a été avalé par Pfizer. Son équipe a été décimée. Il est resté. Aujourd'hui, le designer redéfinit l'identité visuelle des marques consommateurs de Pfizer. Il m'a raconté son parcours lors du RDV Design d'Infopresse, à Montréal.
Diane Bérard - Le 25 janvier 2009, votre vie a basculé. Que s'est-il passé ?
Glenn Arnowitz - Mon employeur, la pharmaceutique Wyeth [Advil, Robitussin, Centrum, etc.], a été acquis par Pfizer. J'étais directeur des services visuels. J'appartenais à l'équipe de direction, au siège social. Je faisais partie d'une machine bien huilée, j'étais heureux.
D.B. - Comment avez-vous réagi ?
G.a. - Ça a été un deuil. Tous les deuils nous forcent à passer à travers les mêmes étapes. D'abord, le déni. Vous vous dites que ce n'est pas vrai. Cette phase ne dure pas très longtemps, mais elle revient vous hanter par moments. Puis, vous passez à la colère. «Pourquoi ? Tout allait si bien...» Plusieurs employés restent dans la colère. Pour eux, le bureau se transforme en champ de bataille, cela devient «eux» contre «nous».
D.B. - Où trouve-t-on la motivation de se lever lorsqu'on vit le deuil d'un emploi qu'on aimait ?
G.A. - Quelle drôle de question ! Comment peut-on rester au lit ? Il faut se lever et aller au bureau pour voir ce qui va se passer.
D.B. - Les membres de votre équipe surveillaient vos réactions. Que leur avez-vous dit ?
G.A. - Je les ai rencontrés souvent et nous avons beaucoup parlé. J'ai dit que ce n'était pas le temps de lâcher. Il fallait briller. Ce rapport annuel, cette publicité, cette affiche sur lesquels ils travaillaient étaient leur chance de se faire remarquer pour décrocher une place dans la nouvelle structure. Ou leur ticket pour trouver un emploi ailleurs, s'il n'y avait plus de place pour eux ici.
D.B. - Pour compter parmi les survivants d'une acquisition, il faut voir au-delà de sa description de tâche...
G.A. - Il faut lutter contre l'envie de vous cacher dans un coin et ne rien faire. Au contraire, vous devez vous montrer accessible. Vous voulez qu'on vous remarque. Qu'on reconnaisse votre valeur. Qu'on vous choisisse dans la nouvelle équipe.
D.B. - Comment avez-vous géré votre équipe ?
G.A. - J'ai lutté contre les rumeurs en répétant toujours le même message : gardez la tête haute, demeurez professionnels.
D.B. - Parlez-nous de votre arme secrète...
G.A. - J'ai toujours tenu à jour une présentation de notre service. Nos réalisations, nos prix, nos compétences, des témoignages de clients... Si quelqu'un nous demandait «à quoi sert votre service ?», je pouvais leur tendre la présentation, tout y était. Quand Pfizer a voulu connaître notre pertinence, j'étais prêt à la démontrer.
D.B. - Vous avez collaboré dès le début avec la nouvelle direction. Aviez-vous tout de même un plan B ?
G.A. - Bien sûr ! Pendant les deux années qui ont suivi l'acquisition, tout le monde autour de moi a été licencié petit à petit. J'étais optimiste, mais pas naïf. J'ai mis mon CV à jour.