Ce sont les constats qui se dégagent du Baromètre de l'achat responsable dévoilé le 16 juin par l'Espace québécois de concertation sur les pratiques d'approvisionnement responsable (ECPAR). Les résultats de la précédente étude, publiée il y a quatre ans, avaient révélé que les organisations prenaient en considération les enjeux environnementaux pour déterminer leurs achats, mais négligeaient les volets sociaux et économiques du développement durable. Ce déséquilibre semble se résorber. La question des conditions de travail apparaît notamment dans les engagements de 60 % des répondants en 2016.
«Il y a une nette évolution par rapport à 2012 en ce qui concerne les enjeux considérés, observe Anne-Marie Saulnier, directrice générale de l'ECPAR. On a bien compris qu'il faut envisager les trois catégories.»
Les engagements se limitent tout de même encore fréquemment aux enjeux écologiques, cependant, on tient compte davantage des facteurs sociaux dans les pratiques. Par exemple, 17 % des organisations favorisent l'achat local, et 10 %, l'approvisionnement auprès des entreprises d'économie sociale.
Les services, les grands oubliés
Parmi les autres surprises du dernier Baromètre de l'achat responsable, environ le quart des organisations ont intégré des critères de développement durable dans plus de 75 % de leur achat de produits stratégiques. C'est beaucoup plus que les 9 % qui ont indiqué se référer à ces critères pour plus de 75 % de leurs achats de produits et services d'usage courant, comme les cartouches d'encre, les luminaires, le papier, le mobilier de bureau et les emballages.
«On savait qu'il y avait une vague vers les produits d'usage courant, car c'est là que les organisations ont commencé, dit Mme Saulnier. Or, la mise en place de critères semble avoir été plus rapide pour les produits stratégiques.»
Les services restent en revanche les grands oubliés en matière d'achat responsable, qu'il s'agisse des services de traiteurs, de messagerie ou d'entretien paysager. Hormis les services de nettoyage, ils sont mentionnés chez moins de 10 % des répondants. Mme Saulnier remarque pourtant que certains d'entre eux possèdent des certifications fiables telles que le programme Clé verte pour les hôtels et les hébergements et la norme BNQ de gestion responsable pour les services événementiels.
Le bât blesse aussi dans la mesure de la performance, où les avancées ont été marginales depuis 2012. Le quart des organisations admettent ne pas avoir mis en place d'indicateur de mise en oeuvre, et près de 30 % d'entre elles reconnaissent ne recourir à aucun indicateur pour évaluer l'impact de leur démarche. De plus, près de la moitié des répondants n'étaient pas en mesure de donner le pourcentage précis de produits et services visés par leur démarche d'approvisionnement responsable ou de rendre compte exactement du pourcentage de produits stratégiques intégrés à cette approche.
Selon Anne-Marie Saulnier, cette situation risque de changer au cours des prochaines années. «La direction des organisations voudra savoir à quoi tout ça sert, dit-elle. Je pense qu'on en est arrivés là dans l'évolution. On sait ce qu'il faut faire et on a cerné nos enjeux. Maintenant, il faut voir comment ça s'intègre à des produits et services spécifiques et comment on peut suivre nos résultats.»
Des dirigeants imputables
En matière de gouvernance, les organisations semblent avoir atteint une certaine maturité : la direction et la haute direction sont imputables de l'achat responsable dans 49 % et 37 % des cas, respectivement, tandis que les hauts dirigeants réalisent un suivi dans la moitié des organisations. En revanche, la direction et la haute direction ont reçu une formation en la matière dans 16 % et 8 % des cas, respectivement. De plus, 20 % des répondants seulement ont signalé que celles de leurs équipes qui rédigent des devis techniques avaient été formées en ce sens.
«Certaines étapes des processus d'achat sont en amont des acheteurs, et ces derniers ne peuvent pas les contrôler. C'est pour ça qu'il faut former ces gens-là», juge la directrice générale de l'ECPAR.
Quant aux relations avec les parties prenantes, 27 % ont affirmé entretenir un dialogue continu avec elles à ce sujet, alors que seulement 20 % des organisations ont déclaré faire de la sensibilisation auprès de leurs fournisseurs.
Le principal obstacle évoqué par les organisations en matière d'achat responsable découle de la contradiction entre les objectifs de la recherche du plus bas prix et le respect des critères du développement durable. Cette tension n'est pas seulement observée dans les organismes publics soumis aux règles du plus bas soumissionnaire.
Selon Mme Saulnier, la solution se trouve dans le calcul du coût total de possession, qui intègre les économies générées à long terme par l'achat d'un produit. Le manque d'outil de soutien de la démarche a aussi été souligné comme un frein par une proportion importante de participants, alors qu'une affectation de ressources financières n'a été rapportée que par 21 % des organisations. Quelque 85 % des répondants n'ont déployé aucune mesure d'intéressement pour les employés et les gestionnaires.