La microdistillerie Les Subversifs mise sur le panais dans la production du gin Piger Henricus.
Il n'y a pas qu'en cuisine que les herbes et épices du terroir québécois font leur marque. Les producteurs de spiritueux et de bières locaux sont aussi de plus en plus nombreux à les adopter.
Les microdistilleries québécoises misent beaucoup sur des herbes ou des légumes du terroir québécois pour donner un caractère local et original à leur gin. La Distillerie Mariana, de Louiseville, le fait avec des essences forestières, par exemple, alors que Les Subversifs misent plutôt sur le panais.
En travaillant à l'élaboration de leur recette de gin, la Distillerie du St-Laurent, de Rimouski, a plutôt opté pour l'algue laminaire, que les Japonais appellent Kombu royal. Cette longue algue jaune verdâtre, qu'on retrouve dans le fleuve Saint-Laurent, pousse à des profondeurs de trois à six mètres sous l'eau.
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Un soupçon d'algues
«Le gin est très populaire, et le processus de fabrication nous permet d'y apporter rapidement une originalité locale, explique le cofondateur Joël Pelletier. Utiliser une algue nous permettait de créer un spiritueux qui se distingue des autres par son goût, mais aussi par sa personnalité. Il y a une histoire à raconter autour du produit.»
Il faut récolter 10 kilogrammes (kg) d'algues pour produire 1 kg d'algues séchées. Au moment de l'entrevue, Joël Pelletier venait de passer une commande de 50 kg d'algues séchées. «On en utilise peu à la fois, car elles ont un goût salé et iodé très prononcé, précise-t-il. Ce n'est qu'un aromate parmi les dix que nous utilisons, dont des baies de genièvre produites aussi au Québec.»
La Distillerie du St-Laurent, qui vient de remporter le titre de «meilleure distillerie de gin du Canada» dans le cadre de la New York International Spirits Competition, a commencé à en livrer à la SAQ en janvier 2016. Elle a produit 50 000 bouteilles depuis ce temps, et son rythme continue de s'accélérer. En ce moment, elle produit de 7 000 à 8 000 bouteilles par mois. «Nous avons atteint notre capacité de production maximale, admet Joël Pelletier. Nous satisfaisons à la demande au Québec, mais nous avons des offres de l'extérieur. Nous entamerons bientôt une phase d'expansion visant à tripler notre production de gin, en plus de commencer à faire du whisky et du rhum.»
Bières amérindiennes
Fondée en 2008 à Carleton, en Gaspésie, la microbrasserie Le Naufrageur brasse de 2 500 à 3 500 hectolitres (hl) par année. Environ 10 % de la production est vendue à la brasserie elle-même, et 90 %, à l'extérieur. Bon an, mal an, de 2 à 3 hl prennent le chemin de la France.
En septembre 2013, Le Naufrageur lançait ses premières Ales amérindiennes, des bières brassées avec des herbes, des plantes et des arbustes locaux, en hommage au savoir botanique légué par les Amérindiens. La microbrasserie en produit actuellement trois. Son India Pale Ale (IPA) est aromatisée au thé du Labrador. Cela ajoute un goût mentholé, forestier et résineux à ce grand classique. De plus, alors que le goût du houblon d'une IPA s'atténue fortement après deux ou trois mois, celui du thé du Labrador gagne en puissance. La bière peut donc se boire plus longtemps.
Le Naufrageur brasse aussi une double IPA au myrique baumier, un arbuste nordique qui pousse au bord des lacs. «Cela donne un goût épicé à cette bière rousse, qui me fait un peu penser aux biscuits de Noël, avec des notes de gingembre et de cannelle, tout en conservant un côté forestier», décrit le copropriétaire Philippe Gauthier. La troisième bière est une double blanche à la tanaisie. Plutôt considérée comme une mauvaise herbe, cette plante aux petites fleurs jaunes ajoute un accent semblable à la camomille, en un peu plus amer et poivré.
«Il y a de plus en plus de microbrasseries au Québec, et chacune cherche à se distinguer, explique Philippe Gauthier. Nous voulions le faire en mettant de l'avant des accents bien québécois. Déjà, une grande partie de notre bière est brassée complètement avec des ingrédients locaux, que ce soit le houblon ou le malt. C'est important pour nous.»
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