Boston revient de loin et pourrait servir d’inspiration à Montréal. Il en a été question à l’événement Je vois Montréal, l’automne dernier. Le cas de Boston est exemplaire, d’autant que les deux villes sont comparables en taille et en physionomie, villes universitaires de quelques millions d’habitants.
En 1980, Boston était en plein déclin et comptait 34 % moins de citoyens qu’en 1920 ! Ses dirigeants ont fini par réagir, enfouissant une autoroute surélevée qui défigurait le centre-ville et, surtout, investissant pour réaménager le bord de mer (le Waterfront) jadis désolant, devenu aujourd’hui un secteur prisé et couru qui fait la fierté de la ville.
Imaginez la fière allure que pourrait avoir Montréal si on finissait par revitaliser le Vieux-Port, l’équivalent du Waterfront bostonnais !
On en parle depuis des décennies, mais à part quelques timides avancées, comme la « plage » du Quai de l’Horloge, les années passent sans que personne ait osé de véritables initiatives pour lui redonner du panache. Oui, l’endroit est populaire, les familles et les touristes s’y pressent, mais c’est surtout dû à l’attrait puissant du fleuve Saint-Laurent et au fait qu’il n’est pas autrement facile de l’approcher, paradoxalement, sur cette île qu’est Montréal.
Deux événements récents laissent cependant entrevoir des jours meilleurs.
À la fin de juin, Québec dévoilait enfin les grandes lignes de sa stratégie maritime, laquelle insistera sur la mise en valeur des ports et des débarcadères québécois.
La présentation s’est symboliquement déroulée dans le Vieux-Port de Montréal, au quai Alexandra, plus précisément dans la gare maritime qu’il abrite. Plusieurs invités ont alors découvert qu’elle porte un nom : la gare Iberville, probablement un des secrets les mieux gardés en ville – c’est dire l’indifférence dans laquelle elle baigne.
Les dirigeants du Port de Montréal jonglent depuis décembre dernier avec l’idée de la réhabiliter. Le gouvernement québécois et la Ville de Montréal ont accepté d’y participer financièrement, mais le projet a été suspendu, faute d’appuis d’Ottawa… pour l’instant.
C’est l’autre développement intéressant : le ministre fédéral des Transports, Denis Lebel, a annoncé le 1er juin la tenue prochaine de consultations publiques sur l’avenir du Vieux-Port, qu’on veut repenser après ces longues années de léthargie. Le statut de la gare maritime fera évidemment partie de ces discussions, et on peut espérer que le fédéral acceptera ensuite d’y attribuer lui aussi des fonds.
Ce n’est qu’une des pièces de ce casse-tête qui reste à assembler pour que l’ensemble de ce lieu devienne l’objet de fierté qu’il aurait dû être depuis longtemps. Le Saint-Laurent est unique. Il représente notre patrimoine le plus précieux. Qu’on ait si mal réussi à le mettre en valeur et à le rendre accessible dépasse l’entendement.
« Le Vieux-Port de Montréal demeure le lieu ayant le plus fort potentiel récréotouristique du Québec. » Rien de moins, selon Vincent Léger, un consultant indépendant qui se penche depuis plusieurs années sur les questions liées aux développements riverains. Il a habité Vancouver et Halifax, il connaît bien Toronto et se désole de voir l’inertie qui entoure le Vieux-Port.
La Ville de Toronto a été critiquée, avec raison, pour avoir laissé se construire juste au bord du lac Ontario de hautes tours d’habitation qui en limite l’accès. Mais elle prend maintenant des initiatives du genre de celles qu’on souhaiterait à Montréal. Par exemple, un autre observateur actif de ce milieu, le chroniqueur en architecture et design urbain Marc-André Carignan, soulignait récemment sur son site Web que Toronto projette une nouvelle promenade de 1,7 km au nord du lac, en plus d’organiser un concours de design pour réaménager l’espace destiné à ses traversiers.
Ici ? « Rien ne bouge. Enfin, presque », mentionne son texte coiffé du titre provocateur « Pendant que le Vieux-Port a les deux doigts dans le nez... »
Cherchez l’erreur. Vincent Léger pense l’avoir trouvée. Depuis le démantèlement de la Société du Vieux-Port, il y a quelques années, c’est un organisme paragouvernemental installé à Toronto, la Société immobilière du Canada, qui a pris la relève de la gestion des lieux. Éloignée et déconnectée, elle aurait tendance à temporiser.
Une faiblesse dans sa gouvernance, donc, minerait le Vieux-Port et sa dynamique.
M. Léger suggère qu’on mette sur pied au plus tôt une société tripartite, municipale, provinciale et fédérale, financée par les trois ordres de gouvernement, gérée plus localement, et davantage branchée sur la réalité montréalaise, interventionniste et imaginative.
Ce qui pourrait apparaître si on s’en donnait la peine ? Pourquoi pas, par exemple, des piscines flottantes et des campings urbains, sans compter la réinvention du fameux Silo 5, convoité mais toujours laissé à l’abandon.
D’après M. Léger, des centaines d’emplois pourraient être créés et, surtout, un nouvel élan serait donné à une ville qui en a bien besoin. Et qui cherche des idées porteuses pour son 375e anniversaire.
Boston est plus riche que Montréal, ça aide, mais ses dirigeants ont fini par mettre à profit l’environnement maritime qui fait aujourd’hui son orgueil. Le Saint-Laurent qui baigne Montréal, de même que l’histoire de la ville, est au moins tout aussi inspirant. Encore faudrait-il le reconnaître. Allez, au travail !