Claude Lacroix (à droite) prépare depuis près de 10 ans le transfert d’A. Lacroix Granit à ses enfants Simon (à gauche), Dominique (au centre) et Frédéric. Ce sera la troisième génération de Lacroix à la tête de la PME de Saint-Sébastien. PHOTO : STÉPHANE
Une troisième génération se prépare à prendre les rênes d'A. Lacroix Granit, une référence nord-américaine dans la taille et la transformation du granit pour les monuments, les édifices et les terrasses. Située à Saint-Sébastien, près de Lac-Mégantic, cette PME s'est récemment illustrée aux États-Unis en fournissant le granit du monument commémoratif new-yorkais à la mémoire des victimes du World Trade Center.
Le processus de transmission à la troisième génération mûrit depuis près de 10 ans. Il implique le transfert partiel de propriété et l'attribution d'importantes responsabilités. «Lorsque j'ai racheté les parts de mes frères, au début des années 2000, j'ai décidé, en parallèle, de créer une fiducie familiale. Chacun de mes trois enfants a pu acquérir rapidement un bloc d'actions non votantes», signale Claude Lacroix. Président et actionnaire de contrôle, il est le dernier des 14 enfants d'Armand Lacroix, qui a créé l'entreprise en 1962, à être toujours dirigeant dans l'entreprise.
Chacun sa spécialité
Tous diplômés en ingénierie, les enfants de Claude Lacroix exercent des postes décisionnels. Simon, 38 ans, est devenu l'expert des ventes et de l'informatique. Frédéric, 36 ans, s'est spécialisé dans la R-D et la gestion des équipements mécaniques, alors que Dominique, 32 ans, a l'oeil sur l'administration et la gestion des ressources humaines.
Claude Lacroix explique avoir promptement «ouvert la porte» à la relève afin d'assurer la continuité de l'entreprise. «Ils n'avaient pas encore leurs diplômes d'ingénieurs qu'ils recevaient des propositions d'emploi alléchantes. Donner beaucoup de responsabilités et ouvrir la porte à la copropriété sont des éléments essentiels pour intéresser les jeunes à prendre la relève», dit l'entrepreneur de 63 ans.
En outre, l'expansion de la compagnie exigeait l'ajout de nouvelles compétences dans les technologies. «Ces jeunes ingénieurs ne sont pas arrivés les mains vides. Contrairement à moi, ils comprennent le fonctionnement des nouvelles machines. Ils ont donné un second souffle à l'entreprise. Les personnes-ressources en usine, ce sont eux !» dit Claude Lacroix. Il s'estime «chanceux» que chacun de ses enfants se soit trouvé une spécialité en fonction de ses intérêts. «Chacun a son domaine de prédilection. Personne ne se marche sur les pieds», souligne-t-il.
En plus d'avoir solidifié les liens avec une troisième génération, le coactionnariat a favorisé la cote de crédit de l'entreprise. «Nos banques ont vu cette situation d'un très bon oeil. Le coactionnariat diminue leur risque, car si j'ai un accident, la relève est déjà là», souligne Claude Lacroix.
Dans les faits, les taux d'intérêt sont restés les mêmes, mais les conditions de prêts sont devenues plus avantageuses. «Avec une relève déjà prête, il est plus facile, par exemple, d'obtenir des prêts d'un plus gros montant», précise-t-il.
Quitter au sommet
L'actuel président aimerait quitter l'entreprise après avoir connu une année record. «Comme un joueur de hockey... et je sens que ça s'en vient !» En outre, partir trop tôt handicaperait la capacité d'investissement de la PME, puisque les repreneurs auraient à racheter trop rapidement ses propres actions.
L'entreprise familiale affiche des ventes annuelles de 20 à 25 millions de dollars. Environ 140 personnes y travaillent, dont une centaine à l'usine de Saint-Sébastien. Une quarantaine d'autres oeuvrent dans dix carrières de l'entreprise, situées autour de l'usine, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans Maskinongé et à Rivière-à-Pierre, dans Portneuf.
Un créneau spécialisé
A. Lacroix Granit a développé un créneau très spécialisé : les monuments de granit de prestige. On lui doit notamment les monuments dédiés à la mémoire des soldats de la Deuxième Guerre mondiale et de Martin Luther King, à Washington. On retrouve également sa griffe dans les façades du Museum of Fine Arts, à Boston. La PME a aussi participé à l'Air Force Memorial situé à Arlington, près de Washington. Payés par des fonds publics, ces projets comportent des spécifications qui favorisent les entreprises américaines. «Plutôt que de se battre contre cela, A. Lacroix Granit achète le granit des carrières américaines et le transforme à son usine de Saint-Sébastien. C'est une stratégie intelligente, qui repose sur les nombreux contacts noués avec des installateurs américains», dit Michel Petit, directeur intérimaire du bureau d'affaires de l'Estrie à l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.