Du 17 au 20 janvier dernier, le gouvernement du Québec a mené une consultation publique visant à adapter le régime de rentes du Québec (RRQ) à la nouvelle réalité démographique et économique de la province. Pierre-Luc Meunier, associé, retraite et épargne chez Normandin Beaudry, nous donne son avis sur cette réforme.
Le RRQ, plus nécessaire que jamais
Pour subvenir à leurs besoins à la retraite, les travailleurs québécois comptent sur des prestations du gouvernement fédéral et sur leur épargne-retraite personnelle, mais aussi sur le régime de rentes du Québec. Ce régime remplace actuellement 25 % des revenus d’emploi d’un travailleur de la classe moyenne lorsque celui-ci a quitté la vie active.
Or, depuis le début des années 2000, l’épargne-retraite personnelle est sous pression, constate Pierre-Luc Meunier. « Les travailleurs ont du mal à mettre de l’argent de côté pour leur retraite, et plusieurs entreprises se sont désengagées des régimes de retraite. En même temps, observe-t-il, les gens vivent plus longtemps, alors leurs besoins en épargne-retraite augmentent. »
Les Québécois ont donc plus que jamais besoin du RRQ pour maintenir leur niveau de vie à la retraite.
Les propositions fédérale et québécoise
En réponse à une situation analogue dans les autres provinces canadiennes, le gouvernement Trudeau a proposé en juin 2016 une réforme du régime de pensions du Canada (l’équivalent du RRQ ailleurs au pays). Ce scénario de bonification comporte une hausse de 14 % du maximum des gains admissibles (MGA) ainsi qu’une hausse du taux de remplacement des revenus, qui passerait à 33,3 %. Les cotisations au régime seraient elles aussi progressivement augmentées à partir du 1er janvier 2019, et ce, pendant 7 ans.
Neuf provinces canadiennes ont entériné la proposition fédérale, qui a été adoptée en octobre dernier. Mais pas le Québec, qui a plutôt élaboré un autre scénario.
Le ministre québécois des Finances, Carlos Leitão, propose que seuls les gains dépassant 27 450 $ (la moitié du MGA) soient touchés par la bonification du taux de remplacement et la hausse du taux de cotisation. « Ça revient à faire la moitié de ce que le gouvernement fédéral propose, et c’est insuffisant », résume Pierre-Luc Meunier.
Plaidoyer pour le scénario fédéral
Si le Québec va de l’avant avec cette proposition, l’entente d’équivalence qui existe entre le RRQ et le RPC pourrait être remise en question. Des problèmes d’harmonisation entre les deux régimes seraient aussi à prévoir. « Pour les individus qui auront travaillé dans différentes provinces au cours de leur carrière, les cotisations faites au Québec et celles versées au RPC ne donneront plus droit aux mêmes prestations », indique le spécialiste en retraite et épargne.
Le scénario du ministre Leitão rendrait en outre les travailleurs québécois à faibles revenus plus dépendants du Supplément de revenu garanti que ceux des autres provinces. « Si ce programme du fédéral en vient à payer surtout pour les retraités du Québec, on risque que ce régime soit amoindri ou aboli », craint l’actuaire.
Selon lui, le Québec devrait plutôt appliquer au RRQ une réforme équivalente à celle que subira le RPC. Cette réforme favorisera l’équité intergénérationnelle, sans pour autant être un fardeau trop lourd à porter pour les entreprises : « Ce que propose le fédéral pour le RPC est une bonification modeste, mais intéressante. Elle offrira plus de revenus à la retraite, sans toutefois déresponsabiliser les individus et les entreprises. »
« Le train de la réforme canadienne est en marche, et les neuf autres provinces sont déjà à bord. Le Québec n’a pas de bonnes raisons d’emprunter une autre route », conclut Pierre-Luc Meunier.