LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.
Cet Internet 3.0, bâti sur les «chaînes de blocs» et gouverné de façon décentralisée par ses utilisateurs, charrie quantité de préoccupations qui semblent ralentir son adoption.
Énième révolution technologique dont on peine à distinguer les contours et les véritables apports, parlons du Web3, cette fameuse troisième génération du web prometteuse d’opportunités entrepreneuriales. Un tout nouvel Internet reposant sur des protocoles décentralisés, gérés par des communautés internationales d’utilisateurs, semble en effet casser les codes de notre quotidien en ligne. Construites sur des chaînes de blocs publiques, en accès libre, les applications Web3 permettent à chacun d’utiliser, de générer, mais aussi de posséder des actifs numériques (données, infos, tokens, etc.).
À ce titre, le Web3 offrirait nombre d’avantages économiques, ne serait-ce qu’en rendant aux utilisateurs la propriété ou la valeur créée. Cela pourrait également accélérer les cycles d’innovation, enlevant beaucoup de freins intermédiaires, automatisant des fonctionnalités et même des structures d’entreprises. Cela présente assurément le potentiel de perturber des modèles d’affaires et de refaçonner tout l’écosystème numérique. Un bouleversement amenant et exigeant des outils neufs et des infrastructures différentes pour satisfaire les besoins.
Nouveaux segments de transformation numérique
Des cas d’usage sont étudiés, prototypés ou développés dans différents secteurs d'activité. On pense spontanément à la DeFi, la finance décentralisée, version crypto de services financiers classiques.
Mais le Web3 anime aussi les industries de l’électronique et de l’informatique, les réseaux décentralisés, de pair-à-pair, ouvrant les possibilités en matière de gestion des données et de l’identité numérique, de personnes ou de produits.
Le secteur de la distribution teste les technologies du Web3 pour améliorer le fonctionnement des chaînes logistiques, offrir de nouvelles expériences clients ou encore fidéliser autrement les consommateurs.
Le Web3 apporte l’interopérabilité dans des industries telles que le jeu vidéo, modulant nouvelles expériences de jeux et nouveaux canaux financiers avec le «play-to-earn», le progrès dans le jeu étant récompensé en NFT par exemple.
Faces cachées… à explorer
Aussi éblouissant puisse-t-il sembler, ce nouveau Web3 s’accompagne indécrottablement d’incertitudes. Sur le plan de la protection des utilisateurs, on peut raisonnablement douter de la robustesse de ces technologies émergentes: la facilité avec laquelle les morceaux de code circulent a tendance à rimer avec vulnérabilités.
L’infrastructure Web3 semble évoluer par essai-erreur, s’affinant au rythme de projets aux bonheurs divers. Cela a tendance à installer une barrière d’entrée technique assez haut perchée, où les mécanismes de coûts de transactions ou les mesures de sécurité restent mécompris. Un climat qui amène des controverses au sein des communautés traditionnelles, de clients, de joueurs ou d’utilisateurs. Le manque de compréhension débouchant sur du scepticisme, voire de l’opposition, à l'égard des promesses de nouveaux modèles. À cela, s’ajoutent l’indécise viabilité de certains projets ou actifs numériques, mais aussi l’indésirable volatilité des marchés.
Tout ceci concourt à ralentir l’adoption du Web3 et explique, en partie, l’approche défensive des régulateurs internationaux. Or, l’action des gendarmes et autres garde-fous institutionnels peut jouer un rôle déterminant dans la confiance accordée (ou non) à l’innovation. L’imprécision du cadre réglementaire a refroidi les ardeurs de nombre d’entreprises vis-à-vis de la cryptomonnaie.
La proposition de valeur des alternatives Web3 par rapport aux systèmes en place, qui continuent eux aussi d'évoluer, sont souvent «médiocres, floues, ou mal comprises», estimaient en août dernier les auteurs du rapport Perspectives des tendances de la technologie 2022.
Néanmoins, il serait bon d’explorer tous ces pans de la révolution Web3. «Les entreprises feraient bien de comprendre les mécanismes sous-jacents et de parier en conséquence — le risque de ne pas agir est trop élevé, et la technologie ne disparaîtra pas», nuançait Ian De Bode, co-directeur Web3 et Actifs numériques chez McKinsey. Affaire(s) à suivre…