Les 25 000 organismes philanthropiques du Québec brassent environ 2,5 milliards de dollars de dons chaque année, selon la firme Épisode, spécialisée dans la collecte de fonds pour les organismes à but non lucratif (OBNL). Leur préoccupation majeure : pérenniser et, si possible, faire croître leurs subsides pour assurer leur mission.
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Placements, dons planifiés, les outils sont nombreux et exigent une gestion financière de plus en plus pointue, souvent assurée par des experts externes, sous l'oeil avisé des conseils d'administration et des directions générales.
Entre la Fondation du Grand Montréal (FGM), qui gère 178 millions de dollars, et un petit organisme communautaire qui vit de modestes subventions, le contraste est saisissant. Les deux réalités font pourtant bien partie du même monde, celui des OBNL.
Plusieurs points communs les unissent toutefois : outre une mission philanthropique, ils ont pour principale préoccupation de préserver leurs revenus - souvent fragiles - et de les faire croître pour faire face aux besoins de leur mission philanthropique.
«Leurs défis sont d'avoir des entrées d'argent, de bien les gérer et de les faire fructifier», résume Jonathan Deschênes, professeur agrégé en marketing à HEC Montréal et membre du pôle IDEOS (Initiatives pour le développement d'entreprises et d'organisations à vocation sociale).
Les petits organismes ont parfois de la difficulté à joindre les deux bouts. Ils ont donc rarement les moyens de faire fructifier les sommes récoltées, car ils en dépensent souvent la totalité pour assurer leur mission et leur fonctionnement. En revanche, les fondations et les organismes de plus grande taille ont recours aux placements pour générer des revenus supplémentaires. Pour ce faire, de nombreux OBNL se dotent d'une fondation, qui permet de recevoir des dons, de placer le capital et de redistribuer une partie des revenus de placement à des organismes caritatifs.
Entre prudence et rendements
La FGM en sait quelque chose. Elle veille sur les fonds de 439 fondations et, en 2014, elle a versé 4,1 M $ à 319 organismes communautaires du Grand Montréal. Son rôle : «bien gérer les fondations et faire fructifier l'argent», explique Yvan Gauthier, pdg de la FGM.
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C'est pourquoi les sommes sont placées de façon à générer des revenus, dont une partie est remise aux oeuvres choisies par les fondations, la plupart du temps elles-mêmes (voir l'exemple de Centraide).
La loi exige qu'au moins 3,5 % de la valeur des biens détenus par les organismes de bienfaisance enregistrés soient distribuée sous forme de subventions à des OBNL. «L'année dernière, le rendement de la FGM s'est élevé à 8,4 %», dit M. Gauthier. C'est un savant mélange de prudence et de prise de risque calculé pour maximiser les rendements sans mettre en péril les fonds.
Les organismes se dotent généralement d'une politique de placement pour mettre des balises aux risques pris sur les marchés. «On conseille aux OBNL de sécuriser 80 à 85 % de leurs fonds et de jouer en Bourse 15 à 20 %», indique Daniel Asselin, président d'Épisode.
Mais les ratios sont souvent plus élevés : 45 à 50 % voire plus en actions (fonds communs de placement, papiers commerciaux adossés à des actifs, etc.) et 50 à 55 % en titres à revenus fixes (obligations, marchés monétaires, dépôts à terme, comptes avec intérêts). Par exemple, la FGM a revu sa politique et veut atteindre, d'ici janvier 2016, 55 % d'actions comparativement à 43,5 % auparavant, et réduire à 45 % (par rapport à 56,5 %) les revenus fixes.
Si l'expertise interne permet de dresser une politique de placement, ce sont habituellement des firmes spécialisées qui réalisent les transactions. «Les organismes ont des besoins financiers grandissants. On les aide donc à appliquer leur politique de placement. Les solutions sont semblables à celles d'une entreprise profitable, même s'il arrive plus souvent qu'un OBNL ait des considérations éthiques pour le choix des placements», dit Patrick Turmel, vice-président associé, vente et services aux entreprises pour l'est de Montréal, les OBNL et les communautés religieuses, à la Banque Nationale.
Le suivi des revenus est assuré habituellement par le conseil d'administration et ses différents comités, constitués le plus souvent de gens d'affaires et de spécialistes de la finance.
«On tient parfois pour acquis qu'il n'y a pas d'expertise financière dans les OBNL. Pourtant, ils se sont beaucoup structurés : l'État providence n'existe plus depuis une vingtaine d'années, si bien que les gestionnaires des OBNL ont dû acquérir des habiletés pour gérer leurs finances», explique Johanne Turbide, professeure au Département de sciences comptables de HEC Montréal et directrice du pôle IDEOS.
«Parallèlement, les conseils d'administration se sont professionnalisés depuis une dizaine d'années», ajoute-t-elle.
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Depuis plusieurs années, «beaucoup de gestionnaires quittent le privé pour diriger des OBNL», constate Ugo Dionne, président et cofondateur de Bénévole d'affaires, qui jumelle des professionnels à des OBNL pour réaliser des mandats ponctuels.
Par exemple, Edmée Métivier, ancienne v.-p. exécutive à la Banque de développement du Canada, est chef de la direction de la Fondation des maladies du coeur et de l'AVC. Francine Cléroux, ancienne vice-présidente de Sun Life et du Mouvement Desjardins, est quant à elle pdg de la Fondation du cancer du sein du Québec.
Miser sur les dons planifiés
En règle générale, ces gestionnaires et leur conseil d'administration visent en priorité la croissance et cherchent à augmenter les revenus.
Outre le traditionnel don d'argent, il y a des dons en nature (oeuvres d'art, vin) et des dons planifiés «pour lesquels l'intérêt est de plus en plus marqué», indique Daniel Asselin.
Il peut s'agir de dons testamentaires, d'assurance vie, d'un bien immobilier , de titres boursiers , d'une fiducie (don d'une somme importante dont les revenus continuent d'être touchés par le donateur jusqu'à son décès, après quoi le capital est remis à un organisme désigné) , de fonds de dotation (cession d'une somme importante, dont les revenus sont versés à un organisme désigné avec préservation du capital pendant au moins 10 ans).
La popularité des dons planifiés, qui offrent des avantages fiscaux intéressants, s'explique notamment par le vieillissement de la population. «Les transferts de patrimoine de familles québécoises qui se sont enrichies au cours des 30 à 40 dernières années vont s'effectuer dans les prochaines années. Il faut que les organismes soient présents dans ce créneau», dit M. Asselin.
2 005: Le Québec compte 2 005 fondations, 1 134 publiques et 871 privées. Source : Agence du revenu du Canada - janvier 2015
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