La Commission sur la fiscalité doit récupérer 800 millions de dollars d'ici 2016 en crédits d'impôt aux particuliers et aux entreprises. Sur le principe, la communauté d'affaires est d'accord. En pratique, elle réclame que Québec mesure soigneusement l'impact de ses décisions. En somme, elle réclame des coupes chirurgicales.
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L'histoire a un air de déjà vu. Le premier ministre libéral Philippe Couillard fait aujourd'hui de la lutte au déficit son principal cheval de bataille. Comme en 1996, alors que le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard amorçait le dégraissage des finances publiques. Et les Québécois et les entreprises devront de nouveau se serrer la ceinture, comme à la fin des années 1990.
Si Québec a pris sa décision sur la question de la réduction des dépenses, il dit toutefois être ouvert aux suggestions de la société civile afin de l'aider à trouver les économies lui permettant d'atteindre l'équilibre budgétaire pour l'exercice 2015-2016. C'est pourquoi il a mis sur pied deux forums : la Commission de révision permanente des programmes et la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise.
La première, dirigée par l'ex-ministre libérale Lucienne Robillard, alimentera la réflexion du gouvernement du Québec à long terme. Elle doit néanmoins trouver, en prévision de l'an prochain, des économies de 3,2 milliards de dollars.
La seconde, dirigée par le professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke Luc Godbout, doit remettre un rapport au ministre des Finances, Carlos Leitao, en décembre. Son objectif est de récupérer 800 millions de dollars d'ici 2016.
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Avant le début des consultations publiques, Les Affaires a interrogé une quinzaine d'intervenants de l'économie québécoise pour savoir ce que le gouvernement devrait faire dans ce contexte.
L'heure est grave, selon Phlippe Couillard. Le Québec vit au-dessus de ses moyens, le déficit du gouvernement gonfle, sa marge de manoeuvre financière s'effrite, et la province risque de se voir décotée par les agences de notation.
C'est pourquoi le premier ministre martèle depuis des mois qu'il faut recadrer le rôle de l'État et tout en prévenant les Québécois que ce sera douloureux. Au total, Québec veut réduire ses dépenses de 4 G$, et annonce qu'il maintiendra le cap, coûte que coûte.
L'atteinte du «déficit zéro» en moins de deux ans est un objectif très ambitieux, soulignent la plupart des analystes. Pour le présent exercice (2014-2015), le gouvernement prévoit un déficit de 2,3 G$, en incluant la cotisation au Fonds des générations, selon le dernier budget Leitao, présenté le 4 juin.
Il est clair que les entreprises devront faire leur part. Et elles vont sentir l'onde de choc, a prévenu récemment dans nos pages le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation, Jacques Daoust, pour qui l'aide de l'État aux sociétés n'est pas un «droit acquis».
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Le débat est lancé
Que doit faire Québec ? Où doit-il couper ? Que doit-il préserver à tout prix ? Nos intervenants sont divisés sur la démarche à suivre. Cela dit, ils s'entendent néanmoins sur quelques points.
Par exemple, si l'exercice de révision des programmes et du régime fiscal des entreprises est nécessaire, le gouvernement doit bien mesurer l'impact économique des décisions qu'il prendra dans les prochains mois.
Québec doit aussi éviter les compressions uniformes, comme la réduction de 20 % des crédits d'impôt consentis aux entreprises tous secteurs confondus, annoncée dans le dernier budget.
Et surtout, disent certains ténors de la métropole, n'oublions pas de tenir compte de la particularité de Montréal, le coeur de l'économie québécoise, qui abrite des grappes industrielles dynamiques et structurantes d'envergure mondiale, comme l'aéronautique.
Autre enjeu crucial : la politique d'austérité des libéraux ne doit pas non plus étouffer dans l'oeuf la croissance économique du Québec, déjà anémique.
Au deuxième trimestre, le PIB réel a augmenté de 0,2 %, pour une hausse annualisée de 0,7 %, selon l'Institut de la statistique du Québec. Pendant ce temps, l'économie canadienne a progressé à un rythme annuel de 3,1 %.
Même le Fonds monétaire international (FMI), qui prône des politiques de libéralisation et de privatisation de l'économie, appelle les États endettés dans le monde à faire preuve de prudence dans l'assainissement de leurs finances publiques.
> 42,4 %: Les crédits d’impôt liés aux régions ont reculé de 42,4 % depuis cinq ans, passant de 314 M $ en 2008 à 181 M $ en 2013.
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