Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec (Photo: courtoisie)
MOIS DU GÉNIE. Sophie Larivière-Mantha a entamé son mandat à la présidence de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) en juin 2022 en faisant du développement durable une de ses trois priorités, les deux autres étant la diversité et la surveillance des travaux. Nous avons discuté avec elle pour comprendre sa vision du développement durable et connaître les actions concrètes de l’OIQ dans ce dossier.
Les Affaires : En octobre 2020, l’OIQ a dévoilé un « énoncé de positionnement en développement durable ». Quelles actions cet énoncé a-t-il engendrées ?
Sophie Larivière-Mantha : L’Ordre est désormais carboneutre ; c’est-à-dire qu’un bilan carbone a été fait et que nous compensons nos émissions de gaz à effet de serre. Le développement durable fait donc partie de notre ADN. Nous travaillons à mieux outiller nos membres : la section portant sur le développement durable de notre guide de pratiques professionnelles sera mise à jour en 2023. Nous collaborons aussi avec l’Université Laval et le consortium Ouranos pour mettre sur pied une formation pour l’adaptation aux changements climatiques qui sera disponible sous peu, et qui est destinée à trois ordres professionnels, soit celui des ingénieurs, mais aussi ceux des architectes et des urbanistes.
Dès cette année, nous avons ajouté des critères de développement durable à tous les prix qui sont remis par l’Ordre, puis nous avons créé un prix spécifiquement destiné au développement durable, pour faire ressortir ce type de projet année après année. Plus largement, nous sommes intervenus publiquement pour sensibiliser les parties prenantes aux impératifs du développement durable, que ce soit en déposant des mémoires, dans des commissions parlementaires ou ailleurs.
L. A.: Sur le site de l’OIQ, il est mentionné que votre organisme veut apporter une « modification du code de déontologie des ingénieurs pour permettre à l’Ordre d’être davantage en phase avec ces enjeux ». De quoi s’agit-il ?
S.L-M : Il y a déjà des obligations dans le code de déontologie des ingénieurs, notamment en matière de santé humaine et d’environnement. Toutefois, nous souhaitons que le développement durable soit explicitement nommé comme un point important de la déontologie des ingénieurs. Une demande de modification a été soumise à l’Office des professions du Québec et nous sommes en attente d’une réponse.
L. A. : Dans un sondage de 2020 mené par Aviseo Conseil, 80 % des ingénieurs jugent que la lutte contre les changements climatiques et la transition énergétique auront un effet « important » ou « très important » sur leur profession. Sentez-vous un engouement de vos membres pour ces questions ?
S.L-M : Bien sûr ! Lors de notre plus récent colloque, nous avons constaté un intérêt marqué pour tout le contenu et les présentations en lien avec l’environnement et la transition énergétique. Les ingénieurs sont très présents et impliqués dans les projets de transition énergétique. Puis, à l’image de la profession, on sent un engouement du génie entrepreneurial pour les technologies vertes. Celles-ci pourront notamment bénéficier de la montée en popularité des investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
L. A.: Pour vous, quels sont les freins à un virage vert en génie ?
S.L-M : Parmi les freins, je mentionnerais la mise à jour du contexte réglementaire. Quand on veut innover, certaines normes peuvent devenir très contraignantes. Je pense à l’adaptation des bâtiments dans un contexte de changements climatiques. S’éloigner de la norme, c’est énormément de travail pour un ingénieur, car il doit démontrer que sa nouvelle solution est plus performante que celles déjà existantes. Par conséquent, un contexte réglementaire mieux adapté pourrait rendre plus rapide le déploiement de certaines innovations.
////
Les quatre vœux de Sophie Larivière-Mantha
1. Meilleure intégration des pratiques. « Je souhaite que le développement durable soit intégré davantage dans nos façons de faire, tant dans la pratique du génie que dans la société. »
2. Surveillance des travaux. « L’Ordre demande que la surveillance des travaux devienne obligatoire au Québec. Autrement, nous n’avons aucune forme de contrôle sur la qualité de la réalisation des bâtiments. C’est une question de protection du public. »
3. Cap sur la diversité. « Je souhaite que la profession d’ingénieur continue d’être plus inclusive et diversifiée. Nous avons besoin de tous les talents de la société pour relever les défis économiques, sociaux et environnementaux qui nous attendent. »
4. Des jeunes fous de génie. « Je souhaite avoir une profession prisée par les jeunes. Étant très impliquée comme ambassadrice de la profession, je dis toujours aux jeunes de suivre leurs passions. En effet, derrière chaque passion, il y a du génie quelque part. Le génie est partout et il est surtout riche en possibilités. »