Au Québec, l’Institut de la statistique du Québec chiffre déjà la valeur du PIB du secteur des « biens et services liés aux technologies vertes » à 6,3 G$ en 2021 — selon des données provisoires. (Photo: 123RF)
MOIS DU GÉNIE. Après des années d’immobilisme quant à la question environnementale, la société entière se tourne aujourd’hui vers les technologies vertes pour contrer, ou à tout le moins mitiger les effets des changements climatiques. Les ingénieurs et les chercheurs en génie ont dès lors une occasion sans précédent de mettre l’innovation « au service de l’humanité » dans un contexte où c’est économiquement rentable.
Selon l’estimation de la firme Vantage Market Research, le marché des technologies vertes et du développement durable pourrait générer des revenus de 44,4 milliards de dollars américains (G$ US) à l’échelle mondiale d’ici 2028. Au Québec, l’Institut de la statistique du Québec chiffre déjà la valeur du PIB du secteur des « biens et services liés aux technologies vertes » à 6,3 G$ en 2021 — selon des données provisoires.
Tout indique que les dollars « verts » seront au rendez-vous, et ce, pour une foule de raisons. Les gouvernements mettent en place des incitatifs fiscaux pour atteindre leurs ambitieux objectifs de carboneutralité. De plus en plus de fonds d’investissement choisissent leurs titres en fonction de critères de développement durable. Les citoyens eux-mêmes sont prêts à payer « un peu plus cher » — dans certaines catégories de produits — pour obtenir une version durable.
Et qui d’autres que les ingénieurs pour développer ces produits ? « Les ingénieurs sont des alliés de taille pour aider la société à réduire son empreinte environnementale et à s’adapter aux changements climatiques », souligne Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec. Ils sont d’ailleurs pleinement conscients de leur rôle, ajoute-t-elle, rappelant que 80 % des ingénieurs estiment que la lutte contre les changements climatiques et la transition énergétique auront un effet « important » ou « très important » sur leur profession dans les années à venir, selon un sondage de Aviseo Conseil en 2020.
Toutes les industries concernées
À lui seul, le chantier de l’électrification des transports, incluant la filière batterie, promet d’occuper toute une armée d’ingénieurs civils, électriques, informatiques et chimiques. Ce secteur représente un chiffre d’affaires de 3,3 G$ — selon des données de 2021 compilées par Propulsion Québec — et touche toutes les industries, même celle des mines. « Le secteur minier fait aujourd’hui beaucoup d’efforts pour innover et rattraper son retard historique sur le plan de l’environnement », note Isabelle Leblanc, vice-présidente au marché des mines et des métaux de la firme d’ingénierie BBA. Parmi ses coups de cœur, l’ingénieure cite le projet de la minière britanno-colombienne Copper Mountain, qui consiste à électrifier les camions transportant le minerai hors du trou par une « chaîne de traction par caténaire » similaire à un tramway. « En deux ans, nous avons reçu six demandes d’étude pour ce genre de projet », se réjouit-elle.
Parallèlement à ces efforts, de plus en plus d’ingénieurs-entrepreneurs tentent de commercialiser eux-mêmes leurs solutions durables. Et les germes sont semés dès l’université. En 2021, Polytechnique Montréal a ajouté un profil « technologies vertes » à son parcours entrepreneurial Propolys. « On voit chez nos étudiants ingénieurs un engouement grandissant pour le domaine des technologies propres », note Carole Tineo, conseillère en communications à Polytechnique Montréal. Pour l’édition de mai prochain, le profil vert de Propolys compte sélectionner 15 candidatures, soit un nombre trois fois plus élevé que la cohorte initiale.
Le poids des critères ESG
Dans la nouvelle économie verte qui se dessine, les grandes firmes de génie ne sont pas en reste. En plus de concevoir les infrastructures « durables » du futur pour que la population se loge, se nourrisse et se déplace, les firmes accompagnent désormais les entreprises dans la conception de leur politique de standards ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
« Les critères ESG sont là pour rester », annonce Olivier Joyal, vice-président exécutif aux sciences de la terre et à l’environnement et leader ESG au Canada pour WSP. Cela ne se limitera pas aux entreprises listées en Bourse. « Certaines agences gouvernementales songent à exiger des entreprises d’avoir une politique ESG pour soumissionner sur des contrats », illustre-t-il.
Les firmes de génie ont tout intérêt à se positionner comme des partenaires ESG. « C’est la porte d’entrée pour tous les services d’ingénierie qui en découlent », rappelle le VP exécutif de WSP. Que ce soit pour le calcul de l’empreinte carbone, la construction de bâtiments écoénergétiques ou le déploiement d’une flotte de véhicules électriques, ce sont autant d’initiatives qui demandent une expertise de pointe en ingénierie. Tout compte fait, le virage de la société vers une économie durable réserve mille et une occasions pour le monde du génie.