Le secteur du génie-conseil entre dans une nouvelle ère de «collaboration», qui favorisera vraisemblablement l'innovation. (Photo: 123RF)
LES GRANDS DE L'INGÉNIERIE. Après des années pandémiques marquées par une incertitude entourant les grands projets d’infrastructures, le génie-conseil a maintenant le vent dans les voiles. Pour preuve, la vaste majorité des firmes d’ingénierie figurant dans le Top 25 Les Affaires ont connu une importante croissance de leur nombre d’employés, un signe que les carnets de commandes sont bien remplis et que les firmes demeurent suffisamment attrayantes pour combler leurs besoins de recrutement.
Si l’on exclut SNC-Lavalin (2e du classement), qui a connu une réduction de 3% de son personnel, toutes les grandes firmes québécoises affichent une hausse significative de leur nombre d’employés québécois, du 31 décembre 2020 au 31 décembre 2022: Tetra Tech (6e) est à +25%, Stantec (5e) à +4 %, Englobe (4e) à 6 %, Cima+ (3e) à 18 % et WSP Canada (1er) à 36%. Dans le dernier cas, le groupe mondial de services professionnels en ingénierie a pu compter sur le rachat de firmes spécialisées en environnement pour faire un tel bon en avant.
«La croissance de nos effectifs au cours de cette période reflète une croissance organique de l’ordre d’environ 8% à 10% par année, ainsi que deux acquisitions importantes, explique Sébastien Fecteau, vice-président directeur du Québec pour WSP. Celle de Golder, en avril 2021, et celle de la Division de l’environnement et des infrastructures de John Wood Group en septembre 2022. Ces deux acquisitions sont venues renforcer nos capacités de services-conseils en environnement au Québec et dans le monde.»
Des étoiles montantes
Parmi les étoiles du classement, la firme montréalaise GCM Consultants (15e) a augmenté ses effectifs de 38 % en deux ans, passant de 344 à 476 employés. Le PDG, Jonathan Clément, attribue cette croissance, qu’il qualifie d’« organique », à un contexte économique favorable. «Il y a eu beaucoup de rattrapage dans les projets d’investissement. Nous sommes positionnés comme partenaire pour la transition numérique et énergétique. L’électrification des usines et les projets environnementaux sont désormais priorisés par les donneurs d’ouvrages.»
Laporte (24e) est une autre firme qui sort du lot, affichant un bond de 40% de ses effectifs québécois en deux ans (passant de 155 à 217 employés). Pas de gros contrats ici non plus. «Nous offrons des services d’ingénierie de proximité, explique Daniel Laporte, président fondateur de la firme montréalaise. Nous travaillons pour des clients de longue date, à travers de multiples petits projets. Et puis, nous avons des relations très étroites avec les usines de nos clients»
Laporte accompagne des clients industriels dans les secteurs pharmaceutique, alimentaire et bio-industriel. «Nous voyons une recrudescence des investissements en santé due au vieillissement de la population et dans l’alimentaire, en raison des problèmes environnementaux qui affectent la capacité agricole», note le président fondateur. Ajoutés à cela, les efforts des pays pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement nationales participent à une «réindustrialisation» qui leur donne du travail.
Suivant les mouvements de l’économie mondiale, le président constate qu’une certaine «prudence» s’installe maintenant chez ses clients. «Ils cherchent à réduire leurs coûts d’exploitation et mettent plus de temps à approuver leurs projets d’investissement.»
Quand le télétravail donne un second souffle
Le Top 25 Les Affaires donne un portrait croqué sur le vif de deux années de pénurie de main-d’œuvre d’une intensité sans précédent (2021 et 2022). Tout compte fait, le génie-conseil peut se réjouir d’avoir su maintenir son attractivité à travers la tempête. La majorité des firmes ont non seulement gardé leurs employés, mais elles sont parvenues à en attirer de nouveaux, pour ainsi gonfler leurs rangs de 25%, de 30% et parfois de 40%.
Du point de vue de la rétention, une nouvelle étude sectorielle de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec donne à penser que les membres du personnel travaillant dans ces firmes sont heureux dans leur fonction. Dans un sondage mené en février et en mars dernier auprès de 2385 employés issus du génie-conseil, 80% ont affirmé vouloir rester dans ce secteur pour au moins les cinq prochaines années.
Lorsqu’on demande à Jonathan Clément comment il explique une telle attractivité de la profession, celui-ci pose l’hypothèse que la nouvelle organisation du travail qui résulte de la pandémie a finalement plu aux ingénieurs. «Selon moi, le télétravail a été favorable au sous-secteur du génie-conseil. Nous avons plusieurs ingénieurs seniors qui s’enlignaient pour la retraite et qui, voyant comment le télétravail était accepté et accommodant, ont décidé de poursuivre. Le télétravail nous a aussi permis de recruter des talents à distance.»
Ce sont autant de professionnels qui pourront contribuer à la transition numérique et environnementale.