À qui le tour d'attraper la balle au bond ?

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Janvier 2018

À qui le tour d'attraper la balle au bond ?

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Janvier 2018

Patrick Lemaire

J'ai profité de la période du temps des fêtes pour rattraper quelques lectures qui m'ont été suggérées en cours d'année. Parmi celles-ci se trouvait «État de l'énergie au Québec 2018», un rapport qui est produit et publié annuellement, depuis maintenant quatre ans, par la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal. Les faits qui y sont présentés m'ont ouvert les yeux sur la place essentielle que doit occuper l'individu dans le succès de la transition énergétique, et j'en tire une grande leçon.

Les ventes de véhicules utilitaires sports (VUS) et de camions battent des records, la grosseur des maisons ne cesse d'augmenter, de même que l'étalement urbain, ce qui entraîne inévitablement une croissance de notre consommation d'essence, de chauffage et d'électricité. Le Québec aura beau compter sur une politique énergétique ambitieuse et des objectifs de réduction de gaz à effet de serre agressifs, le fait est que nous ne parviendrons pas à atteindre nos cibles dans la lutte contre les changements climatiques, à moins de changer radicalement nos habitudes de consommation. Et ne vous méprenez pas - moi le premier !

Chez Boralex, nous avons récemment fait l'acquisition d'un VUS tout terrain à essence, nécessaire pour assurer la maintenance de nos parcs éoliens. Considérant que la plupart de nos sites de production énergétique se situent en région éloignée, un véhicule électrique n'aurait pas été envisageable pour le moment... Mais un VUS hybride, oui. Nous-même, qui travaillons dans le domaine des énergies renouvelables, n'y avons pas pensé. Nous avons appuyé sur «Repeat» sans prendre le temps de nous remettre en question, au même titre que beaucoup encore le font. Voilà où se cache, selon moi, la clé de voûte de la transition énergétique.

Il est illusoire de penser qu'il revient uniquement aux joueurs de l'industrie énergétique de porter sur leurs épaules la lourde responsabilité d'entretenir la santé de notre planète. Nous sommes peut-être les porteurs de ballon, certes, mais pour gagner le match, il faudra que tout le monde y mette du sien. D'ailleurs, Pierre-Olivier Pineau, coauteur du rapport, le montre bien : depuis 1990, les émissions de GES ont diminué de 25 % au Québec, sur lesquels uniquement 5 % sont attribuables à l'industrie de l'énergie. Ça se comprend : quand près de 99 % de notre production électrique est déjà renouvelable, il est difficile de faire mieux. Mais pas impossible.

Je crois sincèrement que c'est en remettant quotidiennement en question nos façons de faire, en posant de petits gestes concrets et en faisant preuve de créativité que nous y parviendrons, individuellement, collectivement et économiquement parlant.

Prenez la Caisse de dépôt et placement du Québec, par exemple. Par sa nouvelle stratégie d'investissement quant au défi climatique, annoncée en octobre dernier, la Caisse a trouvé des façons concrètes et rentables de contribuer à la transition vers une économie mondiale sobre en carbone. C'est le genre d'initiative que nous nous devons de prendre en exemple.

Je cultive l'idée que les gens atteignent leur summum de créativité lorsqu'ils sont confrontés à un problème et font face à des contraintes spécifiques - c'est la théorie Think INSIDE the Box. Ce genre de situation force la réflexion sur de nouvelles façons de faire, et c'est exactement ce qui est présentement observé dans les marchés ; l'industrie énergétique mondiale est en pleine transformation.

Que ce soit par les innovations technologiques réalisées au cours des dernières années, notamment dans le solaire, qui ont entraîné des chutes de prix historiques, ou par l'intérêt grandissant des grandes entreprises et des fonds d'investissement envers le développement de projets énergétiques, produire et vendre de l'énergie n'auront jamais été aussi conventionnels et compétitifs - money talks. Je vous l'avoue, je n'aurais jamais cru que Google deviendrait un jour un de nos concurrents !

J'adore les défis et cette façon de voir les choses me stimule, car elle nous pousse à devenir meilleurs. Ces tendances et l'urgence d'agir nous pousseront, je l'espère, à nous diversifier davantage, à évoluer et à innover. Plusieurs solutions sont à notre portée. Je pense, entre autres, au stockage, à l'écofiscalité et aux biocarburants.

Alors, je regarde en avant. Je demeure réaliste et optimiste. Ce qui importe, c'est notre aptitude à nous remettre en question et la façon avec laquelle nous serons prêts à transformer des contraintes en innovations bien réelles, à commencer par mon propre train-train quotidien !

Patrick Lemaire
Ambassadeur Les Affaires
Janvier

Président et chef de la direction de Boralex, Patrick Lemaire est à la tête de cette entreprise depuis septembre 2006. En 1988, diplôme en génie mécanique de l'Université Laval de Québec en main, Patrick Lemaire commence officiellement son parcours professionnel au sein de Cascades. M. Lemaire y poursuivra sa carrière et occupera successivement des fonctions de chargé de projets, de responsable de la maintenance ainsi que directeur d'usines de Cascades en France et aux États-Unis. Ses qualités de gestionnaire et de leader seront par la suite mises à contribution dans ses rôles de directeur général de cinq usines de Norampac et surtout, de vice-président et chef de l'exploitation de cette même entreprise.


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