Au-delà de la communication, la représentativité est également un élément important pour encourager les personnes noires à utiliser les services de santé mentale, estiment les deux expertes. (Photo: 123RF)
Les mots équité, diversité et inclusion vous donnent le tournis? Vous vous demandez comment incarner ces valeurs, au-delà des techniques de marketing? La boîte à EDI s’invite dans les discussions pour que vos équipes soient réellement à l’image de notre société.
LA BOÎTE À EDI. Saviez-vous que vos employés noirs n’utilisent probablement pas les services en santé mentale inclus dans votre programme d’aide aux employés ou dans vos assurances collectives? Culturelle, historique, socioéconomique; les raisons de cette sous-utilisation des soins sont multiples. Et la résolution de ce «problème majeur», qui s’étend à l’échelle nationale, est une responsabilité partagée entre les ressources humaines, la direction et les personnes noires elles-mêmes.
Selon une étude menée par la Commission de la santé mentale du Canada, entre 2001 et 2014, 38,3% des résidents canadiens noirs qui ont rapporté avoir une santé mentale mauvaise ou passable ont eu recours à des services de santé mentale, et ce, contre 50,8% des résidents canadiens blancs.
«Le stigma est très fort dans la communauté noire, soutient Noellie Dias, consultante en développement organisationnel à Iceberg Management. Demandez de l’aide pour soigner un problème de santé mentale ou même concevoir qu’on en a un, c’est admettre qu’on a une faiblesse, qu’on échoue.»
Cette perception culturelle s’explique entre autres par la présence de traumas intergénérationnels, mais également par un manque de confiance envers le système médical, explique Mamy Kalambay, psychothérapeute enregistrée. «Les personnes noires ont souvent été utilisées comme cobaye de recherche pour la science. Encore aujourd’hui, on conserve le stéréotype de la femme noire qui est forte et qui peut tolérer plus que n’importe qui d’autre.»
Entreprises, à vous de jouer!
Noellie Dias pointe également du doigt la mauvaise communication de l’entreprise elle-même à l’interne. Selon elle, les programmes d’aide et les assurances collectives sont méconnus, car ils ne sont pas assez régulièrement promus par les ressources humaines.
«Les ressources humaines doivent être des porte-étendards de la santé mentale», souligne la consultante. Cependant, ceci ne serait pas possible sans l’aval de la direction, continue-t-elle. Celle-ci doit inscrire le bien-être de ses employés au sein de ses orientations stratégiques et surtout, transcrire le tout dans son service de soins.
Au-delà de la communication, la représentativité est également un élément important pour encourager les personnes noires à utiliser les services de santé mentale, estiment les deux expertes.
«[Avoir accès à un spécialiste noir], ça m’indiquerait qu’il connait au moins 50% de mon histoire, qu’il parle mon langage», indique Noellie Dias.
«Est-ce que les thérapeutes disponibles dans vos programmes d’aide aux employés sont noirs ou ont des compétences culturelles pour aider les personnes issues des communautés? Tant que la réponse sera non, il y aura un blocage», ajoute Mamy Kalambay.
Elle observe d’ailleurs un manque de professionnels de la santé mentale noirs au Québec en comparaison avec l’Ontario, province où elle exerce à titre de psychothérapeute. Et pourtant, les chiffres le disent, la demande est bien présente. Ce sont 60% des résidents noirs canadiens qui ont déclaré qu’ils seraient plus enclins à utiliser les services de santé mentale si le professionnel était noir, révèle un sondage mené en 2018 par la Commission de la santé mentale du Canada.
De petites actions qui comptent
En plus de rendre les soins disponibles, l’employeur a également la responsabilité de sonder ses employés pour s’assurer que les programmes mis à leur disposition répondent réellement à leurs besoins, poursuit Noellie Dias. «Les besoins varient dans le temps et selon chaque personne. Une personne noire ne sera pas la première à sauter sur le service de santé mentale, ce n'est pas une motivation intrinsèque pour elle. Elle a plutôt besoin d'avoir la meilleure expérience possible, de ne pas se sentir jugée.»
Et pourquoi ne pas mettre sur pied un bottin de ressources d’aide destinée aux personnes noires? propose Mamy Kalambay. Elle nomme entre autres Montréal en action, le Black Healing Fund et Jeunesse, J’écoute.
«Ces petites actions peuvent faire toute la différence au quotidien, souligne Noellie Dias. Autant en termes de rétention et de mobilisation du personnel.»