Les producteurs agricoles implorent le gouvernement de ne pas rendre à nouveau plus difficile la passation de leur entreprise familiale à leurs enfants. (Photo: La Presse Canadienne)
Les membres du comité permanent des finances de la Chambre des communes ont entendu le plaidoyer de producteurs agricoles implorant le gouvernement de ne pas rendre à nouveau plus difficile la passation de leur entreprise familiale à leurs enfants.
Tout comme les entrepreneurs propriétaires de PME, les agriculteurs demandent depuis des années au gouvernement de corriger l’iniquité qui existe dans la loi fédérale et qui a forcé les familles à payer des centaines de milliers de dollars supplémentaires en impôts tout simplement parce qu’elles ont voulu céder leur entreprise à la génération suivante.
Un projet de loi privé déposé par un député conservateur, le mois dernier, propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin de permettre aux entrepreneurs de payer le même taux d’imposition sur la vente de leur entreprise à un membre de leur famille que s’ils vendaient à un tiers.
Les libéraux souhaitent toutefois apporter des modifications au projet de loi dans le but de colmater des failles potentielles pouvant ouvrir la porte à l’évasion fiscale.
En s’adressant au comité de la Chambre des communes, mardi, Mary Robinson, qui possède une ferme à l’Île-du-Prince-Édouard et qui préside la Fédération canadienne de l’agriculture, a exhorté les députés de s’assurer que les amendements apportés par les libéraux ne viennent pas réintroduire l’iniquité fiscale que le projet de loi vise à corriger.
«Nous croyons que les objectifs des futurs amendements peuvent être atteints tout en maintenant cet allègement pour les fermes familiales canadiennes. Toutefois, nous estimons que cela ne sera possible qu’en maintenant un dialogue avec les agriculteurs et leurs groupes-conseils», a déclaré Mme Robinson.
«Le risque de créer des obstacles involontairement est important à moins de s’informer auprès de ceux qui ont l’expérience de gérer des successions de fermes familiales et leur planification financière», a-t-elle insisté.
Révision de la loi
D’abord annoncé le mois dernier, le plan du gouvernement de réécrire lui-même la Loi de l’impôt sur le revenu a provoqué la confusion et soulevé l’ire des conservateurs. La mésentente a nécessité une rare réunion estivale du comité des finances.
Le lendemain de l’adoption du projet de loi par le parlement, le ministère des Finances a annoncé que le gouvernement déposerait des amendements et que les règles s’appliquant à la vente d’entreprises familiales n’entreraient en vigueur qu’au 1er janvier 2022.
Des associations de gens d’affaires ont exprimé leurs craintes face à ce délai qui laisse pour l’instant les entrepreneurs et leur famille dans un flou réglementaire.
Le légiste et conseiller parlementaire Philippe Dufresne a informé le comité que la loi modifiée était officiellement entrée en vigueur au moment de recevoir la sanction royale à la fin du mois de juin même si elle ne contenait pas de disposition précisant une date de mise en application.
Il a ajouté que l’annonce du gouvernement d’imposer un possible délai d’entrée en vigueur était étonnante et sans précédent dans l’histoire moderne. Il a soutenu qu’il était plus fréquent de voir les gouvernements appliquer des modifications réglementaires avant l’adoption d’un changement à la loi en sachant que le parlement donnera son accord.
Les libéraux et des fonctionnaires du ministère des Finances ont affirmé au comité qu’il n’y avait rien de particulier dans l’annonce, mais qu’il pourrait simplement s’agir d’un malentendu.
Ils ont fait référence à une déclaration de la ministre Chrystia Freeland, lundi soir, selon laquelle C-208 était la loi en vigueur.
La Chambre de commerce du Canada, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante et la Fédération canadienne de l’agriculture ont toutes accueilli avec joie cette clarification du gouvernement et sa volonté de soutenir la planification des successions familiales.
Colmater les failles
La déclaration de Chrystia Freeland, quelques heures avant la réunion du comité, réitérait tout de même l’intention du gouvernement d’apporter des amendements dans le but de colmater les failles ouvrant la porte à l’évitement fiscal.
Elle a notamment mentionné que des dividendes pourraient être déclarés comme des gains en capitaux et bénéficier d’un taux d’imposition plus faible sans qu’un véritable transfert d’entreprise ait lieu à l’intérieur de la famille.
Toute nouvelle modification ne pourrait entrer en vigueur avant le 1er novembre.
«En tant que ministre des Finances, c’est mon travail de m’assurer que tout le monde au Canada paie sa juste part et de colmater les brèches permettant l’évasion fiscale», a répondu Mme Freeland à une question de La Presse Canadienne en marge d’une annonce à Longueuil mardi.
«Ce que l’on va faire, c’est de consulter toutes les parties impliquées, publier une nouvelle version de la loi et certains amendements apportés à C-208 conçus pour refermer les brèches», a poursuivi la ministre.
Les partis d’opposition ont fait remarquer au gouvernement lors de la réunion du comité que celui−ci aurait pu suggérer ses amendements à C-208 au moment où il faisait l’objet de débats parlementaires. Ils ont également argué que la nouvelle position de Mme Freeland n’avait été prise qu’en réaction à la réunion du comité sur le sujet.
Par ailleurs, le comité a convoqué Chrystia Freeland à venir témoigner lors d’une prochaine audience sur le sujet d’ici les deux prochaines semaines.