La consommation de cannabis pourrait de devenir plus subtile avec la variété de produits offerts qui en contient.
Imaginez un employé ayant consommé du cannabis au volant d'un chariot élévateur chargé d'un baril d'acide. Considérez maintenant que le cannabis diminue l'attention, le jugement et le temps de réaction, et qu'il augmente l'insouciance. Pas de quoi rire ? Comment, alors, continuer d'assurer la sécurité dans votre entreprise ?
La question n'est pas banale. Car même lorsque le cannabis sera légalisé, vous aurez toujours l'obligation légale en tant qu'employeur d'assurer la santé et la sécurité de vos salariés.
Une première chose à faire, explique l'avocat Charles Wagner, de Langlois avocats, est de sensibiliser tout le monde, main-d'oeuvre autant que gestionnaires, à détecter les signes de consommation du cannabis.
« Si je travaille sur de la machinerie, par exemple, sur une ligne de production, c'est important pour moi de pouvoir détecter la consommation chez mes collègues et de dire "non, ça ne marche pas, je ne me sens pas en sécurité", et d'en parler à un gestionnaire », dit-il.
Savoir reconnaître les effets d'une consommation est d'autant plus important que la consommation risque de devenir plus subtile une fois la légalisation terminée. Les adeptes de l'herbe verte ne la consommeront pas tous de manière ostentatoire, sous forme de « joint » par exemple, à la façon Cheech et Chong. Les produits pourraient aller des huiles aux bonbons en passant par une foule d'autres confections alimentaires. Un employé pourrait donc arriver au travail avec des muffins aux airs tout à fait ordinaires, mais garnis de cannabis, et les consommer devant ses collègues.
Quels sont donc les signes d'une consommation de marijuana ? Ceux-ci peuvent aller d'un air confus, nerveux ou méfiant aux étourdissements et à la somnolence. C'est sans parler des fameux yeux rouges ou vitreux. Plus généralement, une personne qui a consommé, habituellement, n'a pas l'air d'elle-même.
La politique avant tout
Les experts conseillent de profiter du changement législatif pour mettre à jour et faire connaître vos politiques sur l'usage de drogues et d'alcool. Par-dessus tout, faites signer vos documents.
« Ayez une preuve que vos employés ont pris connaissance de vos politiques et qu'ils les ont comprises, dit M. Wagner. Idéalement, offrez une formation sur votre politique et faites-la signer par tout le monde. Bien malin celui qui pourra ensuite dire ne pas avoir été au courant. »
Vos employés ont de toute façon le devoir général, eux aussi, d'assurer la santé et la sécurité au travail, ce qui inclut notamment l'obligation de prendre connaissance des programmes de prévention et de ne pas mettre la santé et la sécurité des autres en danger.
Comment vous lancer si vous n'avez toujours pas de politique ? Plusieurs modèles existent. Le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail (CCHST), par exemple, a publié l'an dernier un grand livre blanc sur le sujet du cannabis et de la santé et sécurité au travail. Celui-ci contient une politique type pour les entreprises.
« C'est un point de départ. Nous suggérons aux firmes de l'adapter à leur situation particulière. Si vous êtes bien préparé, tout ira beaucoup mieux après la légalisation », dit Jan Chappel, spécialiste technique principale au CCHST.
Le livre blanc contient aussi un rapport d'incident, que Mme Chappel conseille d'utiliser chaque fois que vous soupçonnez un salarié d'être sous l'influence de cannabis.
« Si, en tant que gestionnaire, vous parlez avec un salarié d'une possible consommation, documentez votre conversation et signez le rapport, dit-elle. C'est une pratique courante en santé et sécurité qui vous permet de faire le suivi de la situation et des solutions convenues. »
Tester pour dépister
Si, en tant qu'employeur, vous devez assurer la santé et la sécurité, vous ne pouvez pas vous transformer non plus en Big Brother. Vous ne pourrez pas, hors de circonstances spéciales, fouiller vos employés et leurs effets personnels. Vous ne pourrez pas non plus procéder à des tests de dépistage aléatoires, sauf encore une fois dans des circonstances très particulières et bien circonscrites par la loi.
En 2013, dans l'affaire Irving, la Cour suprême du Canada a limité l'imposition d'un test de dépistage à un salarié à la seule situation où l'employeur a un motif raisonnable de croire que son employé a les facultés affaiblies dans l'exercice de ses fonctions, a été impliqué dans un accident ou un incident de travail ou reprend le service après avoir suivi un traitement pour combattre l'alcoolisme ou la toxicomanie. Idéalement, demandez des conseils juridiques avant de procéder à des tests.
Quelles industries devraient se sentir les plus concernées par la légalisation du cannabis ? Celles où les risques d'accident sont les plus élevés, comme celle de l'aviation. Mais encore, ces industries sont déjà souvent dotées de bonnes politiques en la matière.
Vous devriez donc, peu importe votre secteur, vous sentir interpellé et profiter de l'élan de la légalisation pour rappeler à vos équipes quelles sont les meilleures pratiques et règles à respecter.
N'attendez pas de vivre une situation qui vous fera sentir que l'herbe est plus verte chez le voisin !
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