[Photo : Saputo]
Le géant laitier Groupe Saputo (Tor., SAP, 41,02 $) a surpris plus d'un analyste avec une hausse de 29 % de son bénéfice et de 11 % de son dividende au premier trimestre.
Toutes les divisions ont contribué au bond de 23 % de son bénéfice d'exploitation, l'étalon de mesure de cette industrie, tant en Bourse que pour les transactions.
Quatre analystes consultés y voient tous une nouvelle preuve que la société exploite bien ses forces dans une conjoncture difficile pour l'industrie mondiale du lait et du fromage.
«La société réussit à accroître ses volumes de vente dans tous ses marchés et refile rapidement toute hausse de ses coûts là où elle le peut. De plus, des achats ciblés augmentent sans cesse la part des produits transformés dans ses revenus», dit Michael Van Aelst, de Valeurs mobilières TD.
Saputo se colle aussi de plus en plus aux détaillants qui gagnent des parts du marché de l'épicerie, tels que Costco et Walmart.
Le prix des produits laitiers recule depuis plus de deux ans, ce qui oblige l'entreprise montréalaise à miser surtout sur des gains d'efficacité afin de livrer de bons résultats. Par exemple, au Canada où Saputo est déjà le principal transformateur laitier, l'entreprise vient de fermer une usine en Nouvelle-Écosse. Celle de Princeville au Québec subira le même sort ce mois-ci, et une troisième fermera à Ottawa, en décembre 2017.
L'ennui, c'est que la performance de Saputo ne passe pas inaperçue, au moment où les rares titres canadiens de la consommation essentielle qui versent de bons dividendes sont aussi très populaires.
La hausse de 32 % de son action depuis un an a poussé son évaluation près d'un record : son action se négocie à un multiple de 22,3 fois les bénéfices prévus en mars 2017, selon Bloomberg.
En fonction du bénéfice d'exploitation, son action obtient une évaluation aussi élevée que celle du Groupe Danone et un peu moins que celle de Nestlé. Le titre est aussi plus chèrement évalué qu'en 2007 par rapport à ses flux de trésorerie. Il serait surévalué de 18 % selon une mesure interne de valeur économique établie par Credit Suisse.
Des cours cibles élevés
Conséquence de cette riche évaluation : les analystes étirent un peu l'élastique pour justifier leurs cours cibles.
L'évaluation du titre de Saputo est similaire à celle d'autres géants mondiaux des produits de consommation essentielle, fait valoir M. Van Aelst, dont le cours cible grimpe de 42 à 45 $.
Quant à Mark Petrie, de Marchés mondiaux CIBC, son cours cible de 45 $ repose sur ses projections pour 2018 ; de plus, il incorpore une valeur de 2 $ par action pour le potentiel d'une future acquisition.
Même approche pour Keith Howlett, de Desjardins Marché des capitaux, qui accorde un multiple de 20 fois au bénéfice escompté dans 12 mois, plus 5 $ en prévision d'acquisitions et hausse son cours cible de 40 à 42 $.
Il faut dire que Saputo cherche des acquisitions et aimerait bien percer le populeux marché brésilien comme il l'a fait en Argentine en 2003, alors que ce pays était en pleine crise.
À l'assemblée annuelle, qui avait lieu le 2 août, Lino A. Saputo Jr. a rappelé que les transactions se réalisent à des prix de 10 à 12 fois le bénéfice d'exploitation, mais qu'il serait prêt à payer davantage pour «un actif qui a beaucoup de valeur».
Les analystes évaluent sa capacité d'acquisition à 3-3,5 milliards de dollars. Une telle transaction ajouterait immédiatement 0,50 $ par action ou 26 % à son bénéfice annuel, calcule Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale.
Les financiers fondent aussi beaucoup d'espoir sur le rebond potentiel du prix du lait l'an prochain. Ils se fient à certains signaux précurseurs tels que la hausse en juin des importations de lait en Chine et en Amérique latine, ainsi qu'une baisse de la production en Europe.
«Saputo est en bonne posture pour atteindre de nouveaux sommets de rentabilité, une fois que les prix du lait se seront rétablis, au plus tard d'ici 2018», avance M. Van Aelst. Si la reprise du marché mondial du lait ne se matérialise pas comme prévu, il y a fort à parier que Saputo trouvera encore une fois une proie pour nourrir sa croissance et les attentes des investisseurs.
Après un bond de 32 % depuis un an, son action approche d'une évaluation record