Évolution de l'action Dollarama (Gaphique: Bloomberg)
C'est fou à quel point le hasard peut donner lieu à de curieux contrastes. Le même jour où je me suis aperçu que Dollarama (DOL, 97,82 $) est devenu un des rares titres québécois à atteindre le statut de «ten bagger» (qui a décuplé sa valeur) depuis son entrée en Bourse, une connaissance à qui je n'avais pas parlé depuis une dizaine d'années m'a écrit pour me demander comment se protéger de la crise financière qui s'annonce.
L'exploit réalisé par le titre de Dollarama mérite d'être souligné, car il fait presque figure d'exception au cours de la dernière décennie au Québec. La chaîne de magasins de produits bon marché est en effet devenue dans les derniers jours ce qu'on appelle dans le jargon financier un ten bagger. Ce terme, popularisé par le légendaire investisseur Peter Lynch dans le livre One Up on Wall Street publié en 1989, renvoie aux titres dont la valeur est multipliée par 10 par rapport à leur coût d'achat initial. Ce terme, qui tire ses origines du baseball, est l'équivalent boursier de deux coups de circuit et d'un double. De quoi produire plusieurs points dans votre portefeuille.
Ainsi, l'investisseur qui a placé 10 000 $ dans le titre du détaillant montréalais au moment où l'entreprise a réalisé son premier appel public à l'épargne (PAPE), en octobre 2009, se retrouve aujourd'hui avec une somme supérieure à 100 000 $.
Au-delà de la symbolique que peut représenter le statut de ten bagger, dénicher de tels titres gagnants contribue grandement à vous enrichir à long terme.
En ce qui a trait à Dollarama, le plus fascinant n'est pas tant que sa valeur ait été multipliée par 10 depuis ses débuts en Bourse, mais bien la période au cours de laquelle cet exploit a été réalisé.
Replongeons-nous en 2009 un instant. Sept mois avant l'arrivée de Dollarama au S&P/TSX, le monde financier semblait en péril. En mars de cette année, l'indice S&P 500 avait perdu plus de 50 % de sa valeur depuis son sommet d'octobre 2007. Les manchettes alarmistes tapissaient la une des journaux, et de nombreux observateurs se demandaient si le système financier était sur le point d'imploser. Le vent a favorablement tourné dans les mois qui ont suivi, et nous avons depuis connu le plus long marché haussier de l'histoire.
Mais soyons franc, les marchés et l'économie ont tout été, sauf un long fleuve tranquille depuis que Dollarama a fait ses premiers pas en Bourse. Crise de la dette en Grèce, crise du relèvement du plafond de la dette américaine, plongeon des Bourses chinoises, grave conflit géopolitique en Ukraine, effondrement du pétrole et de l'économie de l'Ouest canadien, multiplication des faillites de détaillants au pays, explosion des attentats terroristes... J'allais presque oublier que nous avons connu au commencement de 2016 le pire début d'année de l'histoire des marchés américains.
Tous ces événements, dont plusieurs ont nourri les pires craintes des investisseurs, n'ont pas empêché la chaîne de magasins dirigée par la famille Rossy de croître de façon remarquable. Non seulement l'entreprise a-t-elle poursuivi avec brio son expansion au Canada, mais elle a pris grand soin de ses actionnaires à coup de rachats d'actions et de dividendes.
Cet exemple nous montre avec éloquence que, malgré toutes les menaces qui planent sur l'économie et la Bourse, il est encore possible de s'enrichir. Même lors des périodes défavorables pour les marchés, on trouve des ten bagger, dit Peter Lynch.
À cette connaissance qui se demande «comment puis-je sécuriser ma situation étant donné que j'anticipe une crise financière», je lui recommande d'éviter de perdre son temps à prédire une dégringolade des Bourses et de plutôt se donner pour mission de trouver le prochain Dollarama.
Peut-être a-t-il raison et que le marché est mûr pour une sévère correction. Mais je suis convaincu qu'il sera bien plus riche dans 10 ans qu'aujourd'hui s'il consacre son énergie à dénicher des entreprises exceptionnelles qu'il payera à un prix raisonnable.
Des ingrédients essentiels
Tout investisseur sérieux rêve de trouver le prochain ten bagger. Vous jugeriez certainement très utile que je vous dévoile qui seront les prochains grands gagnants boursiers. Jonathan Goodman réitérera-t-il l'exploit de multiplier la valeur de Knight Therapeutics (GUD, 8,21 $) par 100 comme il l'a fait avec Laboratoires Paladin? Savaria (SIS, 8,95 $) poursuivra-t-elle son ascension des dernières années ? Stingray Digital (RAY.A, 7,10 $) ou David's Tea (DTEA, 13,74 $ US), deux des plus récentes entrées en Bourse prometteuses du Québec inc., ont-elles ce qu'il faut pour devenir des ten bagger ?
Même si j'affirmais avec la plus grande conviction que ces titres sont de futurs ten bagger, de nombreux investisseurs n'auront pas la chance d'en profiter parce qu'ils ne traverseront pas l'épreuve du temps. Il faut en effet laisser le temps faire son oeuvre pour obtenir des rendements élevés. À moins de faire l'objet d'une offre d'achat généreuse à la suite d'une période de forte croissance, un titre ne multipliera pas sa valeur par 10 ou 15 en deux ou trois ans! Sa valeur progressera au fil du temps grâce à l'augmentation de ses bénéfices. La patience est donc un des ingrédients essentiels pour ces fameux coups de circuit.
Nul besoin de prendre de grands risques pour tomber sur un ten bagger. Comme on a pu le voir au Québec ces dernières années, ce ne sont pas des biotechs aux médicaments les plus révolutionnaires qui ont été les grandes championnes boursières, mais des entreprises traditionnelles dont les activités sont faciles à comprendre, comme Alimentation Couche-Tard.
Vous avez peu de chances de mettre la main sur un ten bagger sans que des dirigeants exceptionnels y contribuent. Vous devez repérer ces rares pdg qui ont une vision à long terme axée sur la création de richesse et qui servent avec obsession les intérêts des actionnaires.
Pour Christopher Mayer, auteur du livre 100 baggers: Stocks That Return 100-to-1 and How To Find Them, l'élément le plus important est d'identifier des entreprises qui affichent un rendement élevé du capital investi et qui sont en mesure de composer ce rendement sur une longue période.
L'évaluation des titres revêt aussi une grande importance. Vous avez plus de chances de décupler votre investissement initial si vous avez acheté un titre lorsqu'il commandait un faible ratio cours/bénéfice qui a grimpé au cours du temps, au gré de la croissance des bénéfices. À ce chapitre, l'idéal est toutefois difficile à atteindre. Il vaut mieux payer plus cher pour une entreprise exceptionnelle que bon marché pour une société médiocre, comme le dit Warren Buffett.