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Avez-vous déjà jeté un coup d'oeil au «catalogue» de risques inclus dans les documents officiels publiés par les entreprises inscrites en Bourse, notamment dans les rapports annuels? Malheureusement, le danger qui peut faire chuter un de vos titres figure rarement sur la longue liste de facteurs de risque présentée par les entreprises.
Ce qui est survenu récemment avec le spécialiste montréalais du jeu en ligne Amaya(Tor., AYA) et la pharmaceutique lavalloise Valeant (Tor., VRX) l'illustre bien.
Dans la notice annuelle publiée à la mi-mars, Amaya évoque une litanie de risques liés à ses activités. Voici quelques exemples croustillants : «la société omet de lancer sur le marché de nouveaux produits ou services que les utilisateurs trouvent attrayants, ou lance sur le marché de nouveaux produits ou services qui ne sont pas perçus favorablement» ; «la société omet de fournir un service à la clientèle adéquat» ; «les résultats financiers de la société fluctueront d'un trimestre à l'autre et sont difficiles à prévoir» ; «dans l'avenir, la société pourrait devoir verser des sommes d'argent importantes ou contracter des dettes pour payer des acquisitions, ce qui pourrait avoir une incidence défavorable sur ses liquidités et sa capacité d'assurer le service de la dette» ; «le cours des actions ordinaires et le volume d'opérations sur celles-ci sont et demeureront probablement volatils».
Je m'en voudrais de passer sous silence ce passage : «des catastrophes naturelles survenant dans des endroits où elle-même ou ses clients ou ses fournisseurs exercent leurs activités pourraient avoir une incidence défavorable sur les résultats d'exploitation de la société».
J'imagine l'investisseur qui se lève un bon matin et se demande : devrais-je vraiment investir dans Amaya? Et si une catastrophe naturelle se produisait à ses installations de Pointe-Claire et qu'elle était incapable de mener ses activités ?
Ce qui a fait dégringoler le titre d'Amaya récemment, ce n'est pas une catastrophe naturelle ou le risque découlant d'un piètre service à la clientèle, mais plutôt les accusations de délits d'initié déposées par l'Autorité des marchés financiers du Québec (AMF) à l'encontre du pdg de la société, David Baazov. Selon l'AMF, M. Baazov serait la «principale source» des fuites d'informations qui ont permis à des proches d'empocher des gains totalisant 1,5 million de dollars.
Le pauvre investisseur, lui, ne trouvera pas, dans la section des facteurs de risque des documents publics d'Amaya, de paragraphe évoquant la possibilité qu'un haut dirigeant commette une infraction à la loi sur les valeurs mobilières. Il serait étonnant de tomber sur le facteur de risque suivant : «le président et chef de la direction d'Amaya ou d'autres dirigeants de l'entreprise pourraient faire l'objet d'accusations de la part des autorités boursières pour avoir transmis des renseignements privilégiés à un groupe restreint d'investisseurs».
Dans le cas de Valeant, la liste des facteurs de risque présentée n'aurait pas permis à l'investisseur de se prémunir contre sa décision d'imposer des augmentations de prix abusives de certains médicaments qu'elle commercialise. Il aurait été impossible également de prévoir au moyen de cette liste toute l'incertitude entourant ses relations d'affaires avec des tierces parties douteuses, ou encore la véracité des chiffres présentés dans ses états financiers.
Une liste peu utile
Dans sa plus récente lettre aux actionnaires, Warren Buffett a habilement souligné le fait que la section des facteurs de risque est peu utile aux investisseurs.
«Nous, comme l'ensemble des entreprises inscrites en Bourse, sommes tenus par la SEC [Securities and Exchange Commission, l'équivalent de l'AMF au Québec] de publier chaque année le catalogue des "facteurs de risque" dans notre 10-K [équivalent du rapport annuel]. Toutefois, je ne me souviens d'aucun exemple de section des risques dont la lecture m'a aidé à évaluer une entreprise», écrit le célèbre investisseur.
Les risques qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses sur vos placements sont généralement bien connus, mentionne Warren Buffett, qu'il s'agisse de la concurrence, du contexte économique ou des dangers liés à une importante acquisition.
À part cela, la liste des facteurs de risque peut rarement vous aider à établir la probabilité selon laquelle un événement menaçant surviendra réellement, les coûts qu'il engendrera et le moment où l'éventuelle perte aura lieu. «Une menace qui émergera seulement dans 50 ans peut représenter un problème pour la société, mais ce n'est pas un souci financier pour l'investisseur d'aujourd'hui.»
Comme la fameuse catastrophe naturelle évoquée dans les documents d'Amaya...
Les façons de se protéger
Il est impossible de réduire à néant les risques associés à un investissement.
Une des meilleures façons de limiter les écueils est de suivre rigoureusement la performance financière de vos entreprises et de constamment approfondir vos connaissances au sujet de leurs dirigeants. En écartant les titres avec lesquels vous n'êtes pas totalement à l'aise - vous trouvez la stratégie du pdg trop agressive, comme celle de Valeant, ou le pdg cachottier, tel celui d'Amaya -, vous serez mieux immunisé... contre les catastrophes.