En les privant d’une journée sur sept pour faire des affaires dans une même semaine, on n’aide certainement pas nos commerces locaux. (Photo: 123RF)
Le Québec a donc un nouveau directeur national de la santé publique depuis mardi.
Le Dr. Luc Boileau, dont la compétence et l’expérience ne sont plus à démontrer, prend ainsi le relais du bon Dr. Arruda, qui a été au premier plan de la bataille contre une pandémie sans précédent pendant pas moins de 22 interminables mois. Une tâche titanesque dont il s’est acquitté au mieux de ses capacités dans des circonstances exceptionnelles, avec dévouement et humilité jusqu’à la fin. On ne peut que lui en être collectivement reconnaissants.
Le Dr. Boileau arrive en poste alors que le Québec traverse, depuis l’émergence du variant Omicron, l’une des pires vagues depuis mars 2020. Les défis qu’il a devant lui sont énormes. Pendant que les hôpitaux débordent, la population décroche de plus en plus des mesures sanitaires, confuse et sonnée après une série de décisions contradictoires durant le temps des Fêtes.
À cela s’ajoute toute la fatigue psychologique accumulée au bout de près deux années de stress, de restrictions et de confinements.
En somme, le Québec, comme son système de santé, est à bout de souffle. Et dire qu’il y a à peine quelques semaines, nous pensions enfin être rendus près du fil d’arrivée…
Des mesures à revoir
L’arrivée d’un nouveau directeur national à la tête de la santé publique du Québec va certainement ouvrir la porte, pour le gouvernement, à la possibilité de revenir sur certaines des mesures les plus controversées annoncées au cours des dernières semaines.
Au-delà du couvre-feu à 22h, dont l’efficacité reste toujours à démontrer et pour lequel le gouvernement du Québec n’a toujours pas beaucoup de données probantes, l’une des mesures à reconsidérer concerne la fermeture obligatoire des commerces jugés «non essentiels», comme les épiceries, par exemple, les dimanches, et ce, jusqu’au 16 janvier pour le moment.
Au moment d’écrire ces lignes, Québec n’avait toujours pas confirmé si cette obligation, pourtant décriée par de nombreuses organisations économiques et représentants du milieu des affaires, allait être reconduite au-delà de cette date qui approche à très grands pas.
À peine quatre jours avant son échéance, l’incertitude reste à son comble.
Au départ, l’idée semblait pourtant bonne sur papier.
Pour les aider à faire face à la pénurie de main-d’œuvre et offrir un peu de répit aux commerçants et à leur personnel, le gouvernement allait obliger tous les commerces à prendre une journée de congé en même temps. Ainsi, pas de concurrence déloyale des grandes surfaces et des bannières étrangères face aux petits entrepreneurs locaux; tout le monde était mis sur un même pied d’égalité le dimanche.
Un peu comme dans le film Retour vers le futur, nous étions soudainement revenus en 1992, à l’époque où les commerces n’étaient pas autorisés à ouvrir le 7e jour de la semaine. Un vieux vestige de l’époque où l’Église catholique influençait les décisions politiques dans la province et où le dimanche devait être entièrement consacré à l’adoration de Dieu.
Occasions manquées
Si l’intention initiale du gouvernement envers les commerçants était tout à fait louable avec cette mesure, dans les faits, le résultat semble faire plus de mal que de bien pour le monde des affaires québécois. Et à un moment où les PME d’ici en arrachent déjà passablement depuis 2 ans.
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) en date de novembre 2021, l’endettement pour les petits détaillants au Québec frôlait les 100 000 $. Plus d’une PME sur deux fonctionne actuellement avec des revenus en deçà de la normale par rapport aux niveaux prépandémiques.
En les privant d’une journée sur sept pour faire des affaires dans une même semaine, on n’aide certainement pas nos commerces locaux. C’est plutôt l’inverse; on leur enlève une journée entière d’occasions de générer des revenus additionnels.
Une journée au cours de laquelle les consommateurs, confinés dans le douillet confort de leur salon, pourront toujours faire leurs achats en ligne sur Amazon ou toute autre plateforme multinationale, faute de pouvoir aller encourager leurs commerces de proximité.
Des impacts à considérer
De plus, la mesure a engendré une situation de surcharge dans certains commerces les six autres jours de la semaine, alors qu’il n’y a pas plus de personnel disponible pour répondre à la demande accrue du lundi au samedi. Pour beaucoup de consommateurs qui travaillent du lundi au vendredi, la fin de semaine est souvent un moment privilégié pour faire des provisions pour le reste de la semaine.
Or, plus de gens dans les files d’attente et dans les commerces signifient forcément plus de risques de transmission de la COVID-19. Une pression et des contraintes supplémentaires dont ni les commerçants ni les consommateurs n’avaient besoin à l’heure actuelle.
Finalement, n’oublions pas les travailleurs dans toute cette histoire.
Les milliers d’employés qui, partout au Québec, œuvrent dans les commerces à temps partiel, les soirs et les fins de semaine, sont souvent des jeunes en début de carrière, des étudiants, des femmes, des immigrants, etc.
Bref, des gens qui ont souvent des revenus plus limités et moins d’épargne en banque –lorsqu’ils en ont– et donc qui sont plus vulnérables face à des fluctuations de leurs entrées d’argent.
En les privant du jour au lendemain d’une journée de travail complète et du salaire qu’ils auraient pu en retirer, on vient complètement chambouler leur quotidien. Avec cette soudaine et inattendue réduction de leurs revenus, certains ne parviendront malheureusement pas à boucler leur budget ce mois-ci…
Les conséquences négatives d’une telle mesure dépassent ainsi largement les quelques bénéfices hypothétiques qu’elle procurerait.
Alors que le premier ministre François Legault déclarait mardi que le Dr. Boileau allait prendre connaissance de l’ensemble de la situation et émettre ses premières recommandations dans les prochains jours, on peut espérer que le gouvernement saisira cette occasion pour annoncer la levée de certaines dispositions superflues et contre-productives, à commencer par la fermeture unilatérale des commerces.
Le dimanche a beau être considéré comme le «jour du Seigneur», le petit Jésus nous pardonnera sans doute de sacrifier sa journée afin d’aider nos PME à survivre à cette crise inédite.
Après tout, ne sommes-nous pas une société laïque?