Une boutique du Groupe Dynamite (Photo: Denis Lalonde)
BLOGUE INVITÉ. Ce n’est un secret pour personne, le commerce au détail traverse depuis quelques années une profonde transformation. En effet, on ne compte plus les restructurations, faillites et fermetures de magasins dans une industrie à la recherche d’une nouvelle définition.
Aucune discrimination n’est faite. De la boutique indépendante ayant pignon sur rue aux plus grands détaillants de la planète comptant plusieurs milliers de points de ventes, l’hécatombe est évidente.
Comme bien d’autres industries qui déjà, avant la pandémie, étaient à la recherche d’un nouveau souffle, celle-ci, surtout ses répercussions, n’a qu’accéléré le déclin de certains détaillants autrefois leaders dans leur domaine.
Aldo, Reitmans, Frank & Oak, J. Crew, Papyrus, Pier 1 Import et Groupe Dynamite ne sont que quelques exemples de l’étendue des dommages. Depuis le début de l’année, plus de 15 000 magasins ont mis la clé sous la porte aux États-Unis seulement. À fin de comparaison, il y a eu un peu moins de 9 900 fermetures en 2019 et 5 700 en 2018.
L’avenir n’est guère plus prometteur. Non seulement le consommateur est de moins en moins au rendez-vous, la réalité sanitaire ainsi que ses multiples mesures de protection ne nous incitent aucunement à retourner dans les magasins.
Depuis quelques années, certains spécialistes parlent même d’un «retail apocalypse» rien de moins. Les rues commerçantes et les centres d’achats qui, il n’y a pas si longtemps, attiraient les foules ont aujourd’hui la mine basse.
Dire que la folle croissance du commerce en ligne est entièrement responsable de ce carnage n’est pas, selon moi, entièrement vrai. Certes, le consommateur navigue de plus en plus sur son téléphone intelligent, tablette ou ordinateur afin de faire ses achats, mais quelles sont les autres raisons?
J’ai récemment eu le plaisir de discuter près d’une heure avec un des plus grands dirigeants du Québec inc.
Entrepreneur pluridisciplinaire et chevronné, nous avons discuté en long et en large de la situation.
Plusieurs facteurs sont ressortis de notre discussion. Celui qui fait le plus mal est celui des coûts exorbitants des loyers commerciaux. Il n’est pas rare de payer plus de 30 000$ de loyer mensuel sans compter les frais de gestion et d’entretien. En d’autres mots, à la fin du mois il ne reste «plus une cenne».
Combiné aux faibles marges dégagées par les détaillants en raison de la hausse des coûts d’opération et de production, aux aléas économiques de toutes sortes, à l’omniprésente compétition du cybercommerce, mais aussi d’autres enseignes «en briques et mortier», à la hausse du coût de la main d’œuvre (ainsi que la difficulté à recruter) en passant par la faible croissance des ventes, disons que les obstacles ne manquent pas.
De plus, il ne faut surtout pas sous-estimer les facteurs internes de certains de ces échecs. Surendettement, obsession maladive de la croissance et de la rentabilité à tout prix, réticence au changement, traditionalisme, faible investissement dans une réelle transition numérique et manque de préparation à moyen/ long terme ont été, pour plusieurs, des erreurs fatales.
Pourtant, un simple coup d’œil sur les statistiques du marché nous démontre que seulement 16% des ventes se font sur le web. Alors quel est le problème?
En effet, le commerce de détail va très bien... dans certains secteurs clés. Des magasins d’articles à bas prix tels Dollar General ou Dollarama, des magasins généraux tels Wal-Mart, Target ou Costco ou des magasins offrant une expérience impossible à vivre sur le web tels Sephora ou Apple influencent grandement ces statistiques et font en sorte de «fausser» en quelque sorte la tendance du marché.
Attention, le commerce en ligne connaît, lui aussi, de grands défis. Coûts de livraison encore trop hauts, protection des informations personnelles souvent déficiente, très haut taux de retour de marchandise (20% vs 8-10% pour les magasins physiques), manque de transparence et de traçabilité, expérience d’achat et personnalisation absents, et quasi-monopoles (Amazon, Alibaba, eBay...) sont des réalités à ne pas sous-estimer.
Le commerce de détail n’est pas mort, mais il est aux soins intensifs. Sans changements drastiques, l’immense majorité des magasins fermeront au cours des prochaines années. Cependant, les plus innovateurs d’entre eux garderont leur raison d’être.
Le magasin d’aujourd’hui et de demain se doit d’être une ambassade, un lieu d’expérience et de découverte où seuls ceux présents peuvent en profiter. Les employés devront y offrir un service à la clientèle exceptionnel et avoir une connaissance parfaite des produits. Bien entendu, tel un tango, une parfaite symbiose doit exister entre le numérique et le lieu physique.
Tout, de la seconde où l’on franchit la porte (même avant si possible) au moment où l’on quitte le magasin (même après si possible) doit nous émerveiller. Fini les centaines de magasins dans tous les centres d’achats du pays, il faut aujourd’hui 4 ou 5 ambassades qui deviennent de véritables destinations combinées à un site transactionnel qui «exploite» au maximum l’intelligence technologique et artificielle des données accessibles, le tout dans un environnement sécurisé et confidentiel.
L’avenir du commerce de détail appartient donc aux détaillants et non aux consommateurs. C’est uniquement en se réinventant et en innovant qu’une chance de survie sera possible.